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CR 24

lecture pages 130 et 140


Compte rendu de lecture - Acheminement vers la parole n°24 - Juin 2022 – Pierreroutine - p139-140 Corinne Simon, Frédérique Remaud, Marie-Christine Chartier, Edith Blanquet. La parole n’a pas à voir avec la culture... ça ramène à la conscience morale, le sentiment de bien et de mal quant à nos manières de nous comporter qui n’est pas lié à des valeurs culturelles. Il n’y a pas l’idée de ce qui est bien ou mal maison sentiment quant à ce qui est digne d’une manière d’être humain et qui n’a pas à voir avec des variantes culturelles ni époquales... On sait quand on malmène un humain où ce qui nous entoure, quelle que soit la justification que l’ego se fabrique... d’ailleurs la justification témoigne d’autant plus de la malignité. C’est la dimension de cette Dite qui fait que nous avons toujours déjà entendu une parole qui peut se traduire en langage (manière de tisser un rapport mondain) et c’est peut être dans le langage qu’on tisse la continuité ou ce que l’on nomme l’ego... moi je... je dis... je fais... La Dite, elle est silencieuse, elle a à voir avec cette charge qui nous incombe de prendre soin de l’humanité . Charge de nous laisser appeler, tarauder par la question du sens de nos agissements qui prennent leur dimension dans l’ordre de la temporalité… Combien de temps il me reste avant qu’il ne soit plus temps, et du coup combien de temps, en vue de quoi puisque je la question de qui je deviens me devance toujours (l’abeille ne se pose pas la question de qui elle est). Le vivant est une geste et ne peu se réduire à un assemblage d’organes... La forme (et non le corps comme objet : la forme toujours en voie de sa possibilité suivante de s’in-former) du corps a à voir avec la manière de bouger, de respirer, d’articuler une geste mais qui ne s’articule pas en mots et donc qui nous invite à entendre la possibilité d’une parole dans une dimension autre que celle habituelle ou technique où nous, humains, l’entendons. Et lorsque l’on dit « tenir parole » ce n’est pas juste respecter le serment genre « je t’apporterai un pot de confiture », à travers le pot de confiture, c’est d’un autre serment qu’il s’agit... l’intégrité, la responsabilité.

Reprise p 138 :

J.- « Là où le déploiement de la parole comme Dite adresserait la parole aux hommes (se dirait à eux ), là c’est elle qui produirait l’entretien proprement dit... » Le déploiement c’est à dire l’ad-venir, la temporisation, le temps qui va avec donner la parole aux hommes, leur donner temps pour et moment pour... kaïros, pour cela plutôt que ceci. « Se dirait à eux » : ce n’est pas moi qui parle, c’est la parole qui se dit à moi et moi je réponds à cet appel à prendre place dans la parole en tant que langage articulé en mots et en gestes ; autrement dit une guise mondaine. « là c’est elle qui produirait l’entretien proprement dit...  » entre-tenir, prendre en soin la dimension d’être ; mais c’est aussi un s’entre-tenir l’un l’autre, prendre soin et responsabilité, s’y trouver tenue avec… Toute l’épaisseur du mot s’entretenir, se tenir ensemble, se tenir l’un l’autre, plus-d’un et jamais deux, mais aussi prendre soin comme quand j’entretiens un cuir. Du coup, le travail des hommes est de se laisser accueillir cette Dite, cette annonce...... je vous apporte la bonne nouvelle... être le messager des dieux, d’un mystère propre à l’existence.

« Car quelque chose devrait advenir, quelque coup de foudre, par quoi, à cette marche à l’annonce, s’ouvrirait et pour elle s’illuminerait le large dans lequel le déploiement de la Dite vient faire apparition  » C’est-à-dire marche d’avance, devancement, ouverture vers, prendre place, temps et gestes et du coup signification, respiration... c’est ça le kairos, le coup de foudre, le clin d’œil, tous ces mots qui disent l’instant qui ouvre le large (l’ouvert) dans lequel le déploiement de la Dite vient faire apparitio…possibilisation et résolutionn….. et la Dite se déploie quand j’y prends place en me recueillant dans une parole articulée en signification, c’est-à-dire aussi en posture. L’histoire de la geste c’est revenir à ce que disent les troubadours... quelque chose qui ne peut pas s’articuler en physique et psychique... être/étant, prendre place, moment pour, temps pour…poétique de la présence d’être s’informant en geste humaine/mondaine. Il faut vraiment quitter la manière de la pensée cartésienne et la subjectivité moderne. Ce que travaille le bouddhisme d’une certaine manière, ce n’est pas le lâcher , Il nous échoit d’apprendre à penser autrement. Prendre place n’a pas à voir avec un découpage physique et géographique, c’est silencieux non calculable. C’est sans cesse en marche. C’est le large et la saveur de la posture mais en même temps dans la posture il y a une imposture qui est cette tension vers la posture suivante toujours déjà nous devançant appelant encore à nous y résoudre,… On peut l’entendre par systole, diastole... le déploiement d’une fleur, le chant d’un oiseau, la nature permet d’entend ça, physis... il y a quelque chose de magique, une mystique qui n’a pas à voir avec le lieu géographique mais davantage avec un écrin... il n’y a pas là de rapport concevable en termes de domination, d’animosité …Cela , ce genre de rapport est le propre de l’égo.

Page 139 « J. - Mais qui, parmi les gens d’aujourd’hui, pourrait y entendre un écho du déploiement de la parole, que nomme notre mot Koto ba : pétales croissant depuis l’annonce éclaircissante de l’inclination qui fait paraître ? D. - Qui aimerait en tout cela trouver une illumination comme il faut du déploiement de la parole ? J. - On ne le trouvera jamais tant que l’on exige des renseignements sous forme d’énoncés tout faits et de mots à l’emporte-pièce. » Qui pourrait, qui aimerait... des verbes au conditionnel... éventuellement, c’est déjà une condition à acceuillir… On ne le trouvera … futur ; jamais...un futur qui se repousse sans cesse, ouvertuDe. La temporalité : Quelque chose qui ouvre à prendre la mesure de cette manière de dire poétique. Et aujourd’hui, à l’aune de la logistique, si tu parles poétique tu n’es pas crédible ! On est à l’heure des énoncés techniques, genre les recettes de cuisine avec le traducteur Google... comment le traducteur va-t-il traduire « j’en ai ras le bol » ? Ça fait venir cette distinction entre une forme du langage qui est celle poétique et qui est toute autre que celle de notre époque, technique et pratique... Le sms est le concentré de notre manière actuelle de concevoir l’habitation humaine, il n’y a même plus l’orthographe…usure et usage effréné, dévastation. Aujourd’hui ... tout ce qui articule les sons pour que ça devienne signifiant, c’est pas important ! Ce qui est éradiqué sont toutes les nuances de temps ; et si on enlève les temps, la conjugaison, alors on ne peut que fonctionner dans une forme d’immédiateté dévastatrice, une mise à plat de toute dimension symbolique et du coup du rapport réalité/imaginaire/symbolique. Il dit bien, qui peut-être sensible à cet appel ? A cette manière dont la Dite déploie la possibilité d’une présence digne de cette humanité dont nous avons à prendre charge ? Qui peut-être sensible à ça de nos jours ? Personne s’il ne s’en tient/remet qu’à l’idée qu’on doit, et c’est une exigence, avoir des renseignements c’est-à-dire une pensée qui dirait ce qu’est la vérité, qui aurait décrété adéquatio intellectus et rès, qui serait celle du concept et de la maîtrise et qui chercherait des énoncés tout faits, c’est-à-dire la cybernétique, les recettes, les formules à l’emporte pièce genre : ça c’est équivalent.... on va pas pinailler... Des mots figés , arraisonnés, le plus général, c’est-à-dire ce qui enlève la subtilité ,la poésie,… Ce qui fait le « bolus » dans le rapport aux « traitements » dits « médicaux », la santé « publique » qui devrait nous alerter, car la santé ne peut être que singulière, celle de la singularité d’une décision. Il dit bien que tant qu’on est dans cette logique/logistique, tant qu’on se réclame d’une pensée objectivante, généralisatrice, conceptuelle, on ne peut pas être accueillant de la parole poétique. On la balaye, on la méprise sans même d’ailleurs prendre la mesure de ce que l’on méprise... La poésie c’est des histoires pour les enfants ! En thérapie, on retrouve cette dimension de la Dite qui n’a pas à voir avec une culture mais avec cette dimension de ce à quoi nous sommes convoqués, de qui nous sommes à chaque fois et quel monde nous oeuvrons ? Ceux qui ont à répondre à un appel. Donc, on ne le trouve pas si on est dans les rivages de la pensée de notre époque, scientifique, cybernétique, technique. Par contre il y a quand même une manière de se disposer, une manière de se tourner qui pourrait ... et se révèle dans la suite du texte...

«  D. - Cependant, plus d’un pourrait être appelé à venir dans le prélude à la marche messagère de l’annonce, dès qu’il se tient prêt pour un entretien de la parole »

« Plus d’un  » c’est être-le-là, Dasein, qui n’est pas le sujet moderne. Il peut y avoir quelque chose qui nous frappe, qui nous vibre... quelque chose qui nous travaille ( et pourquoi pas par exemple les vaccins injections 2-3-4 ! et qui finissent par questionner)...quelque chose qui commence à frémir. Être humain, envisager une posture, une question qui oblige à nous rappeler notre condition. L’humain n’est pas réductible a un organisme biologique. L’humanité de l’homme, ce qui fait de l’homme un humain n’est pas la forme biologique du corps. Ce que la science et le concept veulent résoudre et pour qui la définition d’un humain est celle d’un corps additionné de la parole. Ce n’est pas une manière de prendre soin, de s’entretenir, de se laisser entretenir la parole, c’est un physique avec un psychique : une monstruosité technique. Cela conduit à dire que la médecine ne s’occupe pas du vivant mais du biologique, d’un assemblage d’organes... du « foie de la chambre 21 ! » La vocation du médecin a à voir avec la sensibilité, être appelé, vocale. Aujourd’hui en médecine traditionnelle il s’agit d’évacuer, de traiter… consultations par internet et résultats interprétés par des robots, tel est l’avenir enfin sécurisé.

« J. - Je serai tenté de croire que nous venons à présent, au lieu de parler sur la parole, de tenter quelques pas d’une marche qui se confie au déploiement de la Dite. D. - Qui lui donne sa parole. Réjouissons-nous si ce n’est pas seulement une apparence, mais est ainsi. J. - Qu’y a t-il si c’est ainsi ? D. - Alors en un éclair arrive à soi ( ereignet sich ) le départ de tout « c’est ». J. - Le départ ( der Abschied ), vous ne le pensez pas comme perte et négation ? D. - Nullement. J. - Mais alors ? D. - Comme avènement de ce qui a été. J. - Mais le passé s’en va, s’en est allé ; comment pourrait il venir ? D. - Passer est autre qu’avoir été. J. - Comment devons-nous penser cela ? D. - Comme le rassemblement de ce qui a durée... J. - ... et qui, comme vous disiez récemment, déploie sa durée en tant que ce qui accorde durée... D. - ... et reste le Même que l’annonce... J. - ... pour quoi il nous faut comme messagers.  » Nous sommes les messagers... Dasein, pouvoir être mondain, un pouvoir être qui requiert d’endurer une ouverture, ouverture qui est parlante et abyssale, une Dite dans laquelle nous recueillons la parole qui nous donne faveur de monde... Je peux dire : je suis assise à une table avec vous maintenant, manière d’approcher la façon dont ma présence prend forme avec vous, continuité de notre présence toujours en marche. Il se passe cela, qui n’est pas fini, ça n’en fini pas de commencer ou de finir... de s’augurer. Ce n’est pas le début et la fin d’un processus qu’on poserait devant soi et qu’on maîtriserait. Et le temps n’est pas quelque chose d’extérieur à la présence humaine... Il n’y a de temps que pour les humains... un arbre ne se pose pas la question de son âge.

et voilà le déploiement de l’Ereignis, ce qu’on pourrait appeler aussi du point de vue de la Gestalt-thérapie décapée de sa technicité égoïque, survenue en mode ego. La fin, c’est la finalité, c’est en vue de quoi... en vue de quelle finalité ;l’existence. Ce n’est pas la fin en tant que durée chronologique. Ce n’est pas c’est fini ! terminé ! Ça n’a plus lieu ! Malheureusement on perd de plus en plus cette dimension du verbe finir... C’est terminé prend une autre dimension dans l’ordre de la présence : quand j’aurai terminé le placo, je ferai autre chose, mais le placo restera là et moi ?. Le départ est sans cesse en voie de, je ne peux pas le définir, l’attraper pour l’identifier... je peux le caresser, le frôler mais toujours il s’échappe comme un oiseau... Si je l’attrape il meurt... Je ne peux que le caresser du regard... Si je l’épingle, je le tue et ce n’est plus un oiseau. Je dois accepter quelque chose qui est de l’ordre de la caresse et pas de la maîtrise.

Ça ouvre à la manière de penser la temporalité chez Heidegger... La temporalité de la présence humaine est ex-statique, elle n’est pas chronique comme chez Husserl où le temps est une ligne objective temporelle qui a à voir avec une durée objectivement à dire maitrisée : Le propre du temps est habituellement compris comme la durée . quand le temps est ad-venir peut-on le calculer ? Quand on dit que le temps se mesure en secondes… le temps, le temporain.… La seconde est une mesure du temps mathématisé mais ne dit rien de ce qu’est le temps. Ça dit une manière d’utiliser l’idée du temps qui nous a déjà parlée. Ce n’est pas comme si je dis : il est temps avant qu’il ne soit plus temps... ça ne situe pas quelque chose de clair mais ça rassemble et ça intensifie... cela me concerne alors tout autrement. Une venue, toujours mouvement... « c’est », c’est à dire j’y suis... par où ? C’est à dire la présence, le déploiement de la présence qui peut s’énoncer dans un acte, dans un geste, en paroles... Que se soit, installées dans des chaises ou ailleurs... ce sont des manières de parler. On va installer ces objets comme ça (tables et chaises et parasol..) parce que ça fait venir des humains qui s’y assoient, s’y disposent autour et qui parlent... Ça ne se ferait pas si on n’était pas déjà parlant de ça... du coup ça nous dit et ça nous invite à prendre place et part. Le monde est la manière dont s’y laissant inviter, nous appelant à prendre place/part, nous appelons par leur nom les choses et nous-mêmes... je suis celle qui maintenant parle avec vous.

« ... pour quoi il nous faut comme messagers. » L’humanité nous requiert comme messagers, avoir et prendre charge d’être digne de cette humanité, souci de se comporter comme un humain. C’est quelque chose qui est récalcitrant à la mathématique. La poétique est une manière de faire qu’on ne peut pas couper, scinder en bits informatiques ; du coup ça laisse toujours quelque chose de mystérieux comme une caresse avec sa saveur pas toujours agréable.

« Passer est autre qu’avoir été  » et nous humains nous n’avons pas été, nous sommes été à chaque fois que nous prenons part. On pourrait dire que quelque chose est terminé en terme d’objet manufacturé et encore ! c’est une manière de le regarder, parce que c’est sans cesse en voie de s’altérer : même les robots rouillent et les machines tombent en panne donc il faut des humains pour les maintenir identiques, les maitriser. L’immortalité n’est pas de l’ordre de tout ce qui est vivant... et le vivant échappe à la science biologique. Donc « passer », a à voir avec un rassemblement, ce qui a lieu, ce qui est là... notre présence et qui fait que maintenant il est temps de... il n’est pas temps de. C’est ça qui nous rassemble et qui donne une direction , une existence quotidienne. Donc ce qui déploie sa durée accorde aussi sa durée, ça lui accorde dans le sens ça donne le ton. « Il nous faut », sommer, nous sommes appelés... Une charge dont nous avons garde jusqu’au bout. Être humain c’est notre manière de prendre cette charge, d’habiter, cette parole qui va faire de l’humanité une humanité digne d’être humaine, immonde ou pas : tout ce mépris pour les arbres, les plantes, les matières...

« et reste le Même que l’annonce... » Das Selbe : le même ou das Eigen : le même de l’appropriement. Ici Eigen au sens de moi-même : je vous la remets en main propre... l’appropriation. « Même » en allemand peut se traduire par eigen ou selbe... vos deux téléphones peuvent être les mêmes = das selbe alors que l’humain il est eigen, il n’est pas selbe. On n’emploie pas le mot selbe pour dire qu’il n’y a pas deux humains pareils, je pourrais dire : ces deux humains proprement... on ne sait pas dire ça en français, c’est la question de idem et ipsé. La majuscule (Même) amène à penser à eigen : la mienneté et la mêmeté

Le rassemblement de la durée n’est pas une durée qu’on peut maîtriser, qui a un début et une fin... c’est un déploiement sans cesse en tant que épreuve... il m’est donné d’être vivant un certain temps, la vie ne s’arrête pas, c’est un procès : il est temps de ça, il est temps de ça jusqu’au moment où quelqu’un dira elle a vécu, mais ce ne sera pas moi, moi je ne mourrai pas, ce sont les autres qui diront que je suis morte.


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