www.edithblanquet.org
Accueil du site > Enseignements de Gestalt-Thérapie et phénoménologie, de Daseinsanalyse > Activités de recherche au sein de l’EGTP > 1.4.7 Lecture de "D’un entretien de la parole" Martin Heidegger > CR 21

CR 21

lecture des pages 134-135


Compte rendu de lecture - Acheminement vers la parole n°21- Novembre 2021 –LA Vacheresse - p134 à p 135 Corinne Simon, Frédérique Remaud, Marie-Christine Chartier, Edith Blanquet.

D- Mais vous devez du même coup reconnaitre la nécessaire indigence de mes directives ; car c’est seulement quand elle porte le regard jusqu’au coeur du déploiement de la Dite que la pensée s’engage sur le chemin qui nous reprend de la représentation simplement métaphysique pour nous porter dans l’attention aux éclairs faisant signe de l’annonce dont nous aimerions devenir proprement les messagers.

Cela rejoint la posture de l’éveil ; c’est à dire quand la parole « porte le regard jusqu’au coeur du déploiement de la Dite », la Dite n’étant pas ce qui est dit, l’attention aux mots mais quelque chose d’autre, une vibration, une ouverture, « que la pensée s’engage sur le chemin qui nous reprend de la représentation simplement métaphysique » c’est à dire de vouloir avoir raisonné, compris, « pour nous porter dans l’attention aux éclairs faisant signe de l’annonce » quelque chose qui nous appelle à, « une annonce dont nous aimerions devenir proprement les messagers » c’est à dire s’y approprier, être juste les récipiendaires, pas les maitres, porter la bonne parole, ce qui fait penser à la religion : Je viens vous annoncer la bonne parole, qui est une parole qui ne dit rien, une parole silencieuse. « devenir proprement les messagers » : c’est à dire les récipiendaires, ceux qui la transmettent, qui s’y laissent traverser. Le messager est juste un médium au sens de celui qui est traversé, il n’est pas le destinataire. Je vous apporte un message, je suis juste une échappée, une transmission, je ne suis pas un message contenant une information. La Dite n’en a jamais fini de nous épater dans le sens où elle n’est pas à délivrer le contenu d’une communication, mais plus quelque chose qui serait tendre l’oreille, chercher l’inouï., nous laisser trans-porter. Ça évoque ce que dit Suzuki : Le propre de l’enseignement Zen a à voir avec transmettre, faire en sorte que les personnes éprouvent quelque chose qui est de l’ordre du vivre et qui ne peut se justifier ; la profondeur, le mystère, l’inouï du vivant ne peut s’arrêter à quelque chose de mesurable. Il y a plein de manières dont les maitres Zen essayent de le faire passer et notamment de prendre appui sur ce qui est là. Par exemple : Je pose une question et l’on me répond : le voile du parasol, il n’y a pas de message dans le voile du parasol mais ça évoque la rose qui est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit. À un moment on arrête de se demander pourquoi, juste on témoigne d’une présence, on se laisse vibrer, on arrête de vouloir prendre une place maitrisée ,ce qui fait que chaque chose est bonne. Il n’y a pas de sens à la vie, il y a juste à s’y engager à chaque pas : y prendre part/place. L’essentiel est la manière dont on y prend place. Ça parle du quotidien. Quelque chose fait oeuvre quoiqu’on fasse. C’est comment on fait pour que ce soit plaisant et que ça fasse éprouver des moments de présence dans la journée. Comment on peut prendre les choses sous un autre rapport ?

Ça nous amène à réfléchir à la façon dont on peut chercher à nourrir ou pas l’animosité dans ce qu’on fait. Combien de fois on serre les dents ? Je desserre vouloir tenir une prise, et je me remets à ma place. L’animosité vient quand je suis dans la volonté de contrôler quelque chose et pas dans l’acte, la geste. La Dite n’est pas quelque chose, elle est une manière de tisser, ce n’est pas le mot qui est important mais la manière qui lui donne son épaisseur, sa dimension d’être toujours, plutôt que… Plutôt que de vouloir l’arraisonner dans la métaphysique, la représentation arrêtée... où « ça », ça veut dire ça .

« J- Le chemin jusque là est lointain… D- moins parce qu’il conduit au loin que parce qu’il mène à travers le proche. J- Qui est si proche, de longtemps déjà a été si proche - comme pour nous, Japonais, le mot jusqu’ici impensé pour le déploiement de la parole : Koto ba D- Pétales de fleurs, issus de Koto. L’imagination aimerait vaguer et divaguer en des régions inéprouvées quand ce mot commence à dire. J- Divaguer, elle ne le pourrait que si elle était lâchée au milieu des représentations. Mais là où elle jaillit comme la source de la pensée, elle me semble plutôt rassembler que divaguer. C’est bien ce qu’avait déjà pressenti Kant, comme vous le montrez vous même. Le chemin jusque là est lointain. » Quelles représentations ça appelle dans la quotidienneté et la culture européenne ? Ça pose l’idée que le loin est loin de nous car ce qui est près de nous on le connaît par coeur, ce serait notre familier comme si d’avance, là où on est nous serait familier. Il est loin parce qu’il conduit au loin, il ne s’agit pas d’aller ailleurs, ni d’escalader des montagnes ni de sortir de sa maison, « que parce qu’il mène à travers le proche. » Ça nous ramène à prendre la mesure de là où nous sommes toujours déjà, ceux qui sommes appelés à être. Existential : déloigner, notre manière de nous tenir toujours proche ; auprès de. Le propre de l’humain c’est d’être toujours auprès de... Déloignement : supprimer le lointain, c’est à dire nous ramener dans l’ordre de ce qui nous est le plus familier et que nous ne prenons pas en vue habituellement car justement nous le considérons comme allant de soi. Ça amène à retrouver la fraîcheur native, « l’étrangeté » de chaque geste... par exemple : boire le café, couper une tranche de pain … et il y a des moments où on peut accueillir cette ouverture, cet éveil, mesurer le précieux de chaque moment. Déloigner n’est pas quelque chose de l’ordre de la volonté….ça fait penser aux moments de grâce, comme lorsque l’on joue de la musique et que ça sonne, sentir ces moments où ça accorde.

« Qui est si proche, de longtemps déjà a été si proche » C’est à dire quelque chose qui a toujours été si proche, pas dans le sens que ça s’y tenait conceptualisé mais quelque chose avec quoi il y a toujours une proximité « Plus d’un » on pourrait dire, qui a à voir avec le fait que nous habitons les choses qui nous parlent. C’est à dire : ça appelle à prendre place, comprendre quelque chose, signifier c’est à dire en acceuillir une dimension de pro-jet, ça a à voir avec le temps le pro-jet, l’appel qui donne à entendre, ce moment d’après, Ereignis qui est charnel avant d’être conceptuel. Pourquoi on a envie que notre vie ait du sens ? Parce qu’on va mourir et on se dit que ça ne peut pas être vain. Pourquoi on se dit que ça ne peut pas être vain ? Parce qu’on est appelé à se demander combien de temps encore ? Et ça n’a pas à voir avec une mission à réaliser mais avec la posture de l’éveil/l’ouverture à être, ad-venir. Il n’y a pas quelque chose à chercher, pas quelque chose à faire, pas de rituel particulier et en même temps chacun doit trouver sa méthode : son chemin qui peut être un rituel… Qu’on ne se leurre pas, trouver quelque chose ce n’est pas trouver un caillou, c’est accepter de chercher sans cesse, l’important c’est la marche, tendre vers .

« Pétales de fleurs, issus de Koto. L’imagination aimerait vaguer et divaguer en des régions inéprouvées quand ce mot commence à dire. » Ça amène à pétales de fleurs, avec le vent les pétales s’envolent, quelque chose de très léger qui ne constitue pas les fleurs, ce sont les pétales et en même temps ce ne sont pas les pétales en soi-même, c’est cet entrelacement qui est émouvant. Entendre « pétales de fleurs" comme un paysage, une manière de paysager… et pas comme une collection de pétales quantifiables. Pétales de fleurs ce n’est pas un objet précis… On a tendance à le ramener à un objet et pas à quelque chose qui laisse cette dimension d’ouverture ,de pétales …pétales de fleurs... Quand on le dit, on ne dit pas quelque chose de précis et c’est quelque chose « d’évident » et en même temps d’une étrangeté qui nous renverse… Ça évoque ce mystère… comment c’est possible les arbres ? L’écorce, les lumières…

La parole Koto ba, pétales de fleur, après il y a cette nuance : « Mais là où elle jaillit comme la source de la pensée, elle me semble plutôt rassembler que divaguer. »

Dans le sens cueillir et rassembler, donner des directions, logos. Divaguer : est-ce qu’on pourrait entendre divaguer quand on se promène parmi les concepts ? Quand on dit : tu divagues, ça veut dire tu dis n’importe quoi, on s’arrête aux mots, on s’arrête à une idée, au mot qui a un contenu. arraisonné. Quand on dit que quelqu’un divague, on dit qu’il se disperse ;; ou bien ? on pourrait entendre divaguer comme arpenter sans but pré défini.… C’est rester sur cette idée technique que la communication est transmettre un message, théorie moderne de la communication ou logique devient logistique… Recherches actuelles sur une langue où il n’y aurait plus besoin de parler, plus de phonation, on ne parlerait plus et il y aurait un appareil qui décrypterait que tel mouvement du larynx ça voudrait dire tel son, tel mot, les messages seraient décryptés sans qu’ils soient prononcés, plus l’acte de la parole, du parler, du parlant mais un concept, une technique de communication, ça veut dire ça et pas autre chose, plus la poésie et quid alors de notre humanité ?

« C’est bien ce qu’avait déjà pressenti Kant » Par rapport au phénomène, ce qui vient se montrer, il n’y a d’objet que pour un sujet qui sait le reconnaître. Idée que l’objet tourne autour du sujet, et du coup l’objet se tient en face d’un sujet qui le maitrise. L’objet a comme dimension de se tenir en face de moi, j’en suis le maître, c’est ce qui conduit à l’entendement au sens du rendre compte du rendre raison, subjectiver… tout autre que nous y laisser venir auprès du jaillissement des pétales, même si on peut regarder les pétales comme des objets. Est ce qu’on peut regarder la chute des pétales comme un objet ? C’est difficile avec la chute des pétales je suis toujours dans un paysage. Par contre on peut dire 80% des pétales sont tombés, là on prend les pétales comme des objets mais lorsque l’on parle de la neige, ça évoque quelque chose de magique, de mystérieux, de merveilleux comme le mouvement du blé sous le vent, la flamme d’un feu, là on n’est pas dans un e pensée objectivante. En quel sens ça viendrait dire ce qu’avait pressenti Kant ? Est-ce que Kant, quand il évoque ça, lui ce qu’il pressent est que toujours nous sommes compris, nous avons déjà pris place et part et on s’est rassemblé comme un sujet face à un objet qu’on s’objective. Ce n’est pas le sentiment qui l’emporte, c’est l’objectivation du stock à notre époque. Quand tu parles d’une marguerite, ça ne veut rien dire, ça fige quelque chose qui est bien plus grand, ça ne peut pas se réduire à une marguerite : quand on dit une marguerite ça fait ouvrir quelque chose qui s’échappe toujours ; et comment faire la différence entre la marguerite, un chrysanthème ou une camomille ? Ça tisse des rapports. Après on peut les regarder comme quelque chose qui apprend à connaître , quelque chose qui échappe et qui fait penser au jardin de ma grand mère : il y a des forsythias, des anémones blanches, etc… le cadre est posé les choses sont habitées et appellent a arpenter. Il y a quelque chose qui fait que la Dite peut être source de la pensée, du coup ce n’est pas moi qui suis maître de ma pensée. C’est une source à laquelle je peux m’abreuver sans cesse. C’est toute la distinction entre la pensée poétique et scientifique. Si on le regarde comme ça, ça rassemble et pas ça divague, dans le sens que ça appelle à prendre place. Alors que si on dit ça divague, ce serait avoir une idée de ce qui serait le chemin et ce qui serait hors du chemin.

« D- Mais notre pensée est-elle déjà à cette source ? J- Si elle n’y est pas, du moins s’y achemine-t-elle, dès qu’elle cherche le sentier sur lequel- comme je vois à présent plus distinctement - notre mot japonais pour « parole » aimerait faire signe D- pour pouvoir nous conformer à ce faire signe, nous devrions être plus expérimentés en regard du déploiement de la parole. J- Il me paraît que le souci, la peine et les efforts autour de cela accompagnent depuis des décennies votre chemin de pensée, et sous tant de formes que vous êtes assez préparé pour dire quelque chose du déploiement de la parole en tant que Dite. D- Mais vous savez tout aussi bien que des efforts prodigués à soi seul ne suffisent jamais. J- C’est aussi vrai. Cependant il nous est mieux possible d’atteindre ce dont la force mortelle, en elle-même, n’est pas capable, quand nous sommes pleinement disposés et prêts à abandonner, en le donnant, même cela que, de nous - mêmes, nous ne pouvons jamais que tenter, sans qu’il ait atteint l’achèvement. » C’est le demandeur, donc Heidegger, qui pose la question : est-ce que la pensée est ? Ça sort de l’idée qu’on y serait, dans le sens d’un endroit qui serait à peine délimité, une source ne peut pas s’attraper. Comment peut-on être à la source ? On peut être auprès, on peut s’y tenir à, mais la source c’est un jaillissement, on en n’a jamais fini, ce n’est pas un objet, ce n’est pas mesurable, tant de centimètres, tant de kilos… C’est une source à laquelle s’abreuver sans cesse et qui n’en finit pas de rejaillir. Il évoque bien qu’il s’agit de s’y acheminer. On est toujours dans « chemins qui mènent nulle part » méthodos, ce qu’on appelait des chemins mais qui est devenu des méthodes à partir du moment où on découpe technique, pratique et théorique donc la métaphysique. On en vient à confondre la méthode comme une méthode logique, voire logistique alors que toute méthode est une manière die se laisser frayer un chemin, une voie, plutôt qu’une autre... de frayer des voies et frayer des voies c’est arpenter, ce n’est pas maîtriser des voies comme on fait des couloirs d’autobus. Etre attentif aux mots «  Si elle n’y est pas, du moins s’y achemine-t-elle » elle cherche des sentiers, elle aimerait faire signe, nous sommes là appelés en un rapport affectueux et tendre au sens de tendre vers, et qui n’est pas quelque chose qui serait de l’ordre de l’arraisonnement. Le « est » en question n’est pas l’étant de la métaphysique, comme un objet, l’étant c’est participe présent, présence d’être. On a oublié ça pour en faire un bit, comme si la parole serait des bits d’information qui passeraient d’un émetteur vers un récepteur : c’est ça la théorie de la communication aujourd’hui. Communiquer c’est transmettre des bits informatiques d’un émetteur à un récepteur, il faut que la parole soit réduite à un code pour qu’on puisse l’informatiser. Ça élimine la poésie et la littérature. Quand on prend la définition d’un mot dans un dictionnaire, ça ne dit pas ce que c’est, mais ça donne des nuances et ça essaie d’ouvrir des directions, ça ne prétend pas être le garant officiel d’une vérité, nous sommes obligés de trancher parmi des directions. Le dictionnaire n’arraisonne pas le sens, sinon il y aurait qu’un seul dictionnaire. Or il y en a plein, ils ne disent jamais la même chose. On a perdu ça, maintenant c’est Wikipédia. Dans notre culture quotidienne, on dit ce mot là il veut dire ça. Les personnes n’écoutent pas la subtilité des mots et ça ramène du coup à : je suis d’accord ou pas avec toi. C’est à dire qu’il y a un seul sens, et il n’y a pas auparavant : dis moi ce que tu as compris pour vérifier ou partager de quoi il est question. Ça ramène à des données objectives et des bits de communication, des quantités d’informations qui sont sécables. C’e sont des techniques de com : La communication assistée, la communication non-violente, avec toutes ces techniques psy …

« J- Il me parait que le souci, la peine et les efforts autour de cela accompagnent depuis des décennies votre chemin de pensée, et sous tant de formes que vous êtes assez préparé pour dire quelque chose du déploiement de la parole en tant que Dite. D- Mais vous savez tout aussi bien que des efforts prodigués à soi seul ne suffisent jamais. » Seul on ne peut rien et tu peux développer la pensée la plus géniale comme Heidegger, ce que cette pensée donne à entendre et qui ne peut pas s’arrêter est arraisonnée dans toutes les bouches et décriée de plus en plus. Les questions de crise doivent se porter ensemble, et ma grand mère disait « rien n’est plus sourd que qui ne veut pas entendre ». A un moment, il faut bien s’incliner devant le fait que les oreilles ne sont pas ouvertes et on peut en mesurer les signes. Mais si tu dis ça dans notre société on te répond : mais qui es-tu pour dire que les oreilles ne sont pas ouvertes… et c’est sans fin. A un moment, il n’y a même plus d’opinion possible. Ça dilue sans cesse... ça ne sait pas ne pas avoir le dernier mot et laisser la parole déployer sa Dite. Ce truc qui dit : Il est temps de se taire et de laisser le silence se déployer. Ce n’est pas une figure totalitaire, quelqu’un qui a plus raison ou pas. C’est souvent pris comme de quel droit tu veux me clouer le bec ? Sous quelle autorité on peut dire que quelque chose n’est pas bien, et que ce soit une autorité qui ouvre et non celle d’un égo qui décrète. C’est toute la question morale, il y a des choses qui ne sont pas bien et ce n’est pas une question d’opinion. De ce point de vue, des choses ne sont pas bien et on le sait, et on a mauvaise conscience. Ce n’est pas quelqu’un qui décrète ce qui serait le bien et le mal. Cette distinction entre le bien et le mal est le propre de l’humanité, et elle ne dit pas en quoi ; c’est toute la différence entre l’Ethique et la Déontologie, l’objet qu’on met dedans ce qu’on appelle le bien ou le mal, peut être lié à une « culture » mais ce sentiment du bien et du mal est le propre de l’humain, une manière d’habiter.

« Mais vous savez tout aussi bien que des efforts prodigués à soi seul ne suffisent jamais. » C’est toujours plus d’un, c’est toujours être ensemble, et même si je dois avoir la pensée la plus fulgurante s’il n’y a pas quelqu’un avec qui ça vienne résonner, c’est terrible, c’est la folie. Ça fait penser à la dimension divinatoire d’Antonin Artaud qui a été pris comme quelqu’un de fou, dans sa façon de déclamer. Qu’est-ce que ça fait du bien de sentir à certains moments que je suis seul, certes, mais qu’on est plus d’un et qu’il y a quelque chose qui fait écho, qui appelle, qui se porte ensemble.

« Cependant il nous est mieux possible d’atteindre ce dont la force mortelle, en elle-même, n’est pas capable,  » Quelque chose qui est au delà de ce qu’un humain peut porter, « quand nous sommes pleinement disposés et prêts à abandonner, en le donnant, même cela que, de nous-mêmes, nous ne pouvons jamais que tenter, sans qu’il ait atteint l’achèvementé. » Donner cela même que nous ne parvenons même pas à attraperez qui nous transi d’ouverture, de mystère. Sans que l’on puisse le maîtriser et savoir de quoi il en retourne, c’est un don au-delà de ce que je peux savoir. Quelque chose dont on parle qui est une forme de générosité, qu’il est impossible de délimiter et de définir. Générosité : il s’agit d’abandonner quelque chose dont je ne sais même pas ce dont il s’agit, même ça, c’est être prêt à le donner. Image dans l’accouchement des femmes qui prennent la mesure tout d’un coup qu’en donnant la vie, elles donnent la mort. Comment une mère est prête à donner au-delà de ce qu’elle peut, au-delà de ce qu’elle pourrait envisager ? Il y a une capacité de don dans cette dimension maternelle, peut être quelque chose dans la féminité qui mesure la douleur d’aimer ? Lacan qui dit que l’amour fait donner ce que l’on n’a pas. C’est un don qui dépasse les forces d’un mental et on ne peut pas imaginer être apte à ça. Heidegger dit que oui il serait capable d’en esquisser quelque chose mais est-ce que ce serait esquisser ou qu’à un moment ça parle, ça fasse résonance, écho ?

« D- J’ai risqué des préliminaires dans la conférence que j’ai tenue quelques fois dans les premières années sous le titre : « La parole » J- De cette conférence sur la parole j’ai lu des comptes rendus et même une copie. D- De telles copies, même les plus scrupuleuses, demeurent, comme je l’ai dit, des sources douteuses, et toute sténographie de cette conférence-là est en tout cas une défiguration de son dire. J- Comment entendez-vous ce jugement sévère ? D- Ce n’est pas un jugement sur les sténographies, mais sur une caractérisation confuse de la conférence. J- Dans quelle mesure ? D- La conférence ne parle pas sur la parole… J- Mais ? D- Si je pouvais ici vous répondre, l’obscur autour du chemin serait éclairci. Mais je ne peux pas répondre. La raison pour cela est la même qui m’a jusqu’ici retenu de faire paraître la conférence par écrit. »  C’est dire l’épreuve d’essayer d’ouvrir quelque chose d’inouï, de se tenir à cet endroit et d’être rabattu. Ça rappelle ces moments ou on essaye de donner à entendre et ou on s’aperçoit que quoiqu’on fasse on est épinglé comme quelqu’un qui se prend au-dessus ; ça appelle à se taire et dire ok vous avez raison, ça fait mesurer qu’on est pas au même endroit. Ça appelle à accceuillir cela aussi, ce qui est une façon de ne pas lâcher sans pour autant tenir et de continuer à rester tendre, de ne pas se fermer dans le mépris. Ce qu’il est en train de dire ce n’est pas que la sténographie est nulle mais c’est une conférence qui donne à éprouver et ça ne peut jamais se sténographier. Il faudrait une sténographie qui en même temps laisse entendre tout autre, mais c’est chaque fois ramener au concept qui dit que ce qui est dit est pertinent, cohérent etc … un peu comme avec un patient... ce n’est pas la question de quoi il dit qui nous occupe…

« D- La conférence ne parle pas sur la parole… J- Mais ? » Si je réponds à la question : mais, je demeurerai encore dans quelque chose. Si ce n’est pas sur la parole, c’est sur quoi ?

« D- Si je pouvais ici vous répondre, l’obscur autour du chemin serait éclairci. Mais je ne peux pas répondre. La raison pour cela est la même qui m’a jusqu’ici retenu de faire paraître la conférence par écrit. » Ce n’est pas qu’il ne veut pas mais quelque chose le retient de faire ça car il a pensé que ce n’est pas propice ; et ce qu’a fait Heidegger est de donner des directives pour la traduction de ses textes. Et même en ayant fait ça, ce qu’il craignait arrive malheureusement. Ce n’est pas qu’il était au-dessus des autres mais c’est qu’il avait une intuition de la dévastation.

« J- Il serait importun de vouloir exiger cette raison. » C’est à dire exiger que tu la dises car il faudrait te la tirer de la bouche.

« D’après la manière dont vous venez de recueillir en votre écoute notre mot japonais pour « parole », et depuis ce que vous avez donné à entendre de l’annonce du désabritement de la duplication et du cheminement messager de l’être humain je ne puis soupçonner que de façon indéterminée ce que veut dire métamorphoser la question sur la parole en une méditation sur le déploiement de la Dite. D- Pardonnez-moi de rester économe avec les indications qui pourraient peut-être mener à une situation du déploiement de la Dite. J- Pour cela, il est besoin d’une migration jusqu’au site du déploiement de la Dite. » C’est-à-dire une épreuve qui mène à une posture qui mène à tout autre chose que le rendre compte ; c’est ce que cherche à faire toucher la mystique, la pensée juive notamment, et peut-être dans certaines formes du bouddhisme. La pensée juive est une pensée qui n’est pas canonisée dans le sens : arrêtée en quelque chose. elle n’est pas dogmatique comme le sont le catholicisme et la religion musulmane. Donc le japonais comprend qu’il s’agit « d’une migration jusqu’au site du déploiement de la Dite. » C’est du « pain béni » quelqu’un qui peut dire ça.

« D- Cela avant tout. Mais j’ai d’abord autre chose dans l’esprit. Ce qui me décide à la retenue, c’est la croissante lumière du regard portant sur l’intouchable qui nous voile le secret de la Dite. La simple clarification de la différence entre dire et parler ne fait rien gagner, ou si peu. » Quoiqu’on veuille, quelque chose reste intouchable, un voile, quelque chose qui est toujours une dérobée, un mystère. Déjà distinguer dire, parler, les rapporter l’un à l’autre, ça ne fait rien gagner ou si peu, mais il y a quelque chose d’incommensurable. Ça ne fait rien gagner du fait de notre époque ou du fait de l’humain ? Les deux. Mais tant que j’en suis à vouloir chercher quelque chose, en voulant atteindre quelque chose à un moment… et alors c’est peut être ça la sagesse, renoncer à dire : c’est trop douloureux, c’est continuer le chemin. Déjà essayer : c’est trop vouloir, c’est trop s’accrocher, à un moment il y a juste à faire un chemin. Plus on mesure l’intouchable, l’inépuisable de la Dite, plus je parle, et à un moment je me tais, je deviens économe, égard, même plus l’animosité ne vient, même plus le douloureux, accepter le pathétique de chaque chose et le regarder avec tendresse quoiqu’il se passe. Se laisser attendrir la chair encore et ne pas prendre pour soi les choses dont il est question. Est-ce que c’est possible à un moment d’être toujours dans l’accueil ? Et quand on reçoit une gifle sur une joue de tendre l’autre ? C’est aussi un chemin quand ça passe par l’égo, qu’on le reconnaît et que ça lâche à chaque fois. Le chemin est de l’ordre du souffrir, de l’endurance et on est toujours dans l’idée qu’à un moment ça s’arrêterait.

Est-ce que dans la pensée bouddhiste des maîtres y sont parvenus ? Sous la forme de bodhisattvas, tu peux entendre sans être pris dans l’égo et du coup accompagner l’autre. Ex : dans un couple, quand l’autre m’agresse comment je peux l’accompagner et le remercier du pas que je fais avec lui. D’après les textes de Suzuki, il n’y a pas à y arriver. Le propre de l’éveil : c’est un chemin, une voie et il y a des gens plus sages que d’autres, plus éveillés. On reconnaît l’autorité d’un maître. Un chemin de souffrance s’est approfondi, il est grand quand on mesure toutes les fois où on est pris dedans, mais plus je le reconnais, plus il m’est facile de le reconnaître et moins ça dure. A partir de Dasein, les émotions ne viennent pas nous tarabuster. L’émotion dit être mis en mouvement, la manière dont nous sommes mis en mouvement fait que nous ne crispons pas sur une signification. Ce n’est pas l’émotion qui est un danger mais la signification qui se met dessus quant elle devient celle d’un égo. Il faut reprendre la dimension émotive comme tournure, disposition, plus d’un. Plus tu travailles ça, plus tu arrives à l’entrevoir. Le chemin d’éveil c’est le chemin de celui qui à chaque fois a l’humilité de se remettre à l’ouvrage plus facilement, plus rapidement car ça coince moins aux entournures pour se plier ( l’ego). Etre est une question qui ne nous laisse pas en paix et il y a des manières d’y répondre qui sont plus propices à l’animosité que d’autres. La nature humaine est d’être celui qui est appelé à être et ce n’est pas une manière paisible.

« J- Il serait importun de vouloir exiger cette raison » Il n’y a pas une raison qui explique. C’est ça la migration jusqu’au site du déploiement de la Dite. La parole n’est pas un rendre compte logique avec des causes et des effets, au sens de choses à raisonner, une progression qui est celle de la table des catégories, une manière d’habiter la parole habituellement. (Zagdanski) La traduction du texte hébreu « le livre texte » : l’hébreu a été traduit par Saint Paul qui a voulu mettre encorder un texte car il disait que ça n’avait ni queue ni tête, ça ne correspondait pas aux canons de la logique qui était la manière dont on avait dit ce que veut dire : dire, c’est à dire avec le principe des causes des effets, des choses nécessaires, des choses pas possibles etc … on avait raisonné la parole. La langue hébraïque n’est pas une langue qui s’arrête au principe de non-contradiction. En hébreu tu peux dire que ça c’est bleu et que c’est vert. En quelle manière on pourrait le regarder à partir de vert ? Et qu’est-ce que ça donnerait à penser si on le regardait à partir du bleu... ? Ça n’essaie pas de trancher, du coup toutes les manières de penser l’herméneutique faisait qu’un disait : il est super ton chapeau rouge, et l’autre : il est super ton chapeau vert et bleu. On n’est pas dans une idée qu’il y a des faits qui tissent une chronique, mais dans la dimension de ce qui donne à éprouver et à penser, dans la jubilation du sens jaillissant sans cesse et pas dans une recherche du bon sens unique. Il faut migrer, sortir du terrain de la logique, de ce qu’on appelle la métaphysique. … Est-ce qu’on est prêt à se laisser dépayser de cette manière là ? c’est à dire se laisser payser autrement et ça à notre époque sécuritaire, ce n’est pas facile ! Chaque période a eu des moments d’accueil de ça, il y a eu des moments où c’était plus propice, et des moments plus totalitaires… et du coup, ce n’est pas sans danger, aujourd’hui ça redevient un danger. Le moment où c’est propice, et on ne sait pas quand c’est, c’est le Kaïros, le moment opportun. Et c’est quand ce moment-là ? A un moment où les dieux nous sont propices !


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé| www.8iemeclimat.net|