www.edithblanquet.org
Accueil du site > Enseignements de Gestalt-Thérapie et phénoménologie, de Daseinsanalyse > Activités de recherche au sein de l’EGTP > 1.4.6 Groupe de lecture "La parole " texte de Martin Heidegger > Compte rendu N°9

Compte rendu N°9


Groupe de lecture, compte-rendu de lecture n° 9 - janvier 2017 à Alet Edith Blanquet, Marie-Christine Chartier, Frédérique Remaud, Corinne Simon « La seconde strophe débute en appelant « plus d’un » parmi les mortels. Bien que les mortels appartiennent avec les divins, avec la terre et le ciel au cadre du monde, les deux premiers vers de la seconde strophe ne s’adressent pas encore en propre au monde. Presque comme la première strophe, mais dans une suite autre, ils nomment bien plutôt du même coup les choses : la porte, les sentiers obscurs. Seuls les deux autres vers de la seconde strophe appellent expressément le monde. Ils nomment soudain quelque chose de tout autre :" Le texte se poursuit ainsi : "D’or fleurit I’arbre des grâces Né de la terre et de sa sève fraîche.

L’arbre s’enracine, robuste, dans la terre. Ainsi croît-il jusqu’à s’épanouir en fleurs qui s’ouvrent à la faveur du ciel. La levée de l’arbre est appelée. Elle traverse et mesure à la fois l’ivresse de la floraison et la sobriété de la sève nourricière. » p 25-26

Le cadre du monde comme dimension de la présence, un rapport entre les divins et les mortels, d’élévation de la transcendance que l’on pourrait traduire par le fait que les choses nous questionnent plutôt qu’elles sont d’évidence et que nous sommes amenés à leur présence en répondant à un appel d’Être. Il n’est pas là question de notre toute puissance mais d’un rapport à quelque chose qui nous dépasse et nous oblige. Ce qui dispose ciel et terre en même temps vers le haut vers le bas, les directions de sens : être mondain, forme d’un pouvoir être qui nous est donné. Le Cadre/ le jeu des quatre, le quadriparti :c’est une traduction de das Geviert, le jeu des 4, tension ouvrante, c’est l’installation, le pouvoir de prendre place, de s’y situer, d’y être appelé ;y prendre place, venir à son propre… Cadre : ça veut dire 4 en général, mais on perd cette dimension et l’on voit une ligne qui entoure quelque chose, plutôt qu’un rapport où il y a 4 dimensions qui ouvrent un espace, un lieu où un monde se trouve disposé. « les deux premiers vers de la seconde strophe ne s’adressent pas encore en propre au monde », mais s’adressent aux mortels. Il les fait venir en présence comme « plus d’un », jamais un tout seul :à partir d’ être-avec-autrui (Mitsein) comme existential et nous pouvons entendre alors les principes de champs de la Gestalt-thérapie qui amènent à penser autre chose que le principe d’un individu plus un individu ( l’humanité comme collection d’individus, addition) L’humanité n’est pas une collection d’humains mais cela qui nous dépasse et qui fait de nous que nous sommes "humains"(question de la parole comme dimension de notre présence). Ça fait penser à la question de la déchirure : l’ouvert auquel nous sommes livrés éclate en place et lieu ! Le trait ouvrant (Maldiney) « La croissance retenue de la terre et la prodigalité du ciel se répondent l’une l’autre en s’entre appartenant. Le poème nomme l’arbre des grâces. » Rendre grâce ! « Sa belle floraison recèle la chance du fruit immérité : le sacré et sa libération, qui pour les mortels est grâce. » p 27 S’incliner, être les répondants.

« Dans la floraison d’or de l’arbre règnent terre et ciel, divins et mortels. Leur cadre uni est le monde. « Monde » n’est plus à présent un mot de la Métaphysique. Il ne nomme plus ni l’univers sécularisé de la nature et de l’histoire, ni la création représentée théologiquement (mundus), ni même et seulement l’entier de ce qui est présent (χδσμο). (cosmos) Le troisième et le quatrième vers de la seconde strophe appellent l’arbre des grâces. C’est le monde qu’ils prient de venir. Dans cet appel, le cadre du monde vient, cependant même que le monde va aux choses. » p 26 Cette place arrive de cette mise en tension. C’est une dimension, qui n’est pas une proportion (un découpage géographique) « La croissance retenue de la terre » qui dévoile le ciel. Quand on taille un olivier, il faut que de toutes parts de l’arbre une colombe puisse se frayer un passage,sans se heurter nulle part..c’est cela ménager le libre, l’ouvert. Tailler un arbre, dévoiler l’ouvert, ménager le libre . Les branches part leur tenue dévoilent l’espace..en prenant place, elles dévoilent l’ouvert , le libre. Ça libère veut dire rendre libre pour que les choses prennent place .. une branche !

Les vers commencent avec le mot : « D’or. » Pour mieux entendre ce mot et son appel, qu’il nous soit permis de penser à un poème de Pindare. Au début de la cinquième Isthmique, le poète nomme l’or : περιώσιον πανιων- ce qui, toute chose, πανιω, tout ce qui à l’entour vient en présence, plus que tout le traverse de son éclat. L’éclat de l’or abrite tout ce qui est dans l’ouvert de son apparition. » p. 26

C’est l’éclat qui révèle et la place de ce qui est doré et de ce qu’il y a autour. C’est ça cette tension ouvrante ! « L’éclat de l’or abrite tout ce qui est dans l’ouvert de son apparition. » Ça garde en retrait l’ouvert lui-même. Ça le maintient sous abri pour que les choses apparaissent. C’est la définition de l’alèthéia. Il s’agit là de l’entrée en présence…tenue dans l’ouvert, l’ouvert : le libre. Cela permet de comprendre la dimension d’être-avec : que l’entre n’est pas un espace métrique ; il est trait ouvrant, jaillissement, déchirure de l’ouvert. et cela nous invite à méditer le rapport figure/fond, la notion forme. La richesse du travail thérapeutique est de veiller à préserver le rapport ( que chaque chose se rapporte à, prend sa signification de) :ça, plutôt que, à la place de …

« Tout comme l’appel qui nomme les choses appelle à venir depuis le lointain et porte son appel au loin, de même le Dire qui nomme le monde est en lui-même un tel contraste : appel du loin - appel au loin (her und hin). Il remet le monde aux choses, et en même temps abrite les choses dans l’éclat du monde. Celui-ci offre aux choses leur déploiement. Les choses : portée du monde. Le monde : faveur de choses. » p. 26-27 « l’appel qui nomme les choses appelle à venir depuis le lointain… » cela nous évoque un existential : le dé-loignement. Nous sommes toujours auprès-de, la proximité c’est d’être auprès… la proximité vue comme la contrée…là tout contre, qui n’est pas une distance métrique mais une proximité affective. C’est cela être appelé du lointain. Ça é-loigne, ça in-forme le loin. Rendre présent, c’est prendre place auprès-de. Le slash du rapport figure/fond en est une illustration.Toujours nous nous tenons proche… auprès de, d’une manière qui nous est propre, manière qui nous devance et dont nous avons à prendre la mesure ; la dimension. Le "Dire" dans le sens grec : logos, cueillir et rassembler, prendre forme et visage par l’acte de l’appellation. Appeler à la présence, appeler par le nom. Donc le Dire remet le monde aux choses, cette dimension, ce rapport devient le site pour que des choses y prennent place. La table devant moi ! Ça situe et la table et moi. Jamais moi tout seul, toujours au bord. C’est ça se situer ou s’approprier, venir à son propre, à son site. Le Dire « remet le monde aux choses, et en même temps abrite les choses dans l’éclat du monde ». C’est le sens de pro-duire, duire à l’avant.. ce qui veut dire phénomène… duire au sens d’une Duite, conduite. C’est quelque chose qui se tient mais qui se tient en mouvement, qui vient à la présence avec… devant.( être devancer) : ici, maintenant et surtout ensuite de la Gestalt-thérapie. Le monde « offre aux choses leur déploiement. Les choses : portée du monde. Le monde : faveur de choses. », portée comme la portée d’une poutre, quelque chose qui s’oublie mais qui permet qu’un toit se tienne. Porter un monde à sa venue et ouvrir la charge de cette manière d’y être ainsi plutôt qu’autrement. Portée au sens de charge d’être, responsabilité d’être …le souci (existential), prendre soin d’être comme ça plutôt qu’autrement, s’en préoccuper et surtout en prendre responsabilité.

« La parole des deux premières strophes parle en disant aux choses de venir au monde, et au monde de venir aux choses. Ces deux façons d’inviter sont distinctes, mais elles ne sont pas à part. Elles ne sont pourtant pas seulement accouplées l’une à l’autre. Car le monde et les choses ne sont pas l’un à côté de l’autre. Chacun, ils passent l’un à travers l’autre. Passant ainsi à travers, ils mesurent, à eux deux, un milieu. C’est là qu’ils sont à l’unisson. En tant qu’ainsi unis, ils sont intimement l’un pour l’autre. Le milieu des deux est la tendresse intense de l’intimité. Le milieu pour ce qui est deux, la langue allemande le nomme das Zwischen (l’entre-deux). Le latin dit : inter. A quoi correspond l’allemand unter. L’intimité où monde et chose sont l’un pour l’autre n’est pas une fusion où tous deux se perdent. Il ne règne d’intimité que là où ce qui est à l’unisson, monde et chose, devient distinction pure et demeure distinct. Au milieu des deux, dans l’entre-deux où monde et chose diffèrent, dans leur inter, règne le Dis- de leur jonction. » p. 27

"Dis" : C’est un dis au sens de dire et un dis au sens de dis, le « dire » attribue place et lieu, ça joint en attribuant place et du coup, la différence est une manière de dire le commun, la jonction. C’est là toute la question du "entre". En maths : On a 2 objets ( diagramme des "patates") et on regarde ce qui est commun, l’intersection : soit c’est le ET et ça devient un espace indifférentié, soit c’est OU comme pour les équations de recherche sur internet (+ et – dans les équations de recherche)… Si on le prend par le paradigme de champ : comme dans la situation " couple" : une tonalité, un milieu par où nous y prenons place, ce n’est pas moi, pas elle ou lui : c’est d’abord le ton, un unisson, un accord duquel nous allons nous attribuer place, chacun. Ça nous accorde faveur d’y être intoné ! Le Dire nous accorde une tonalité, une tournure, faveur de chose, ça nous accorde d’être … c’est un accord, une faveur, ce n’est pas nous qui le produisons. Ce n’est pas la jonction de 2 personnes : ce n’est pas elle qui est plus ceci ou cela et qui appelle lui à ça, ce n’est pas elle qui colore l’atmosphère, c’est l’atmosphère qui donne le ton par lequel nous sommes déjà accordés et qui prend forme d’un sentiment quotidien (psychologique). La différence entre le sentir et l’émotion. Le ‘dis’ de la jonction, la disjonction, ce qui écarte, ménage, rend proche. Cet écart est un surgissement tonal…là où ça se cueille et où ça prend tournure… Ça dit la manière dont toujours nous sommes « plus d’un ». Si on le pense du point de vue de l’individu, on peut dire que c’est elle qui est la cause, c’est elle qui produit ça sur son mari avec l’idée qu’il y a des choses qui sont premières par rapport à d’autres et qui se tiennent au sein du psychisme, et qui déteignent sur les autres…la théorie des causes et des effets ! Si on prend l’ambiance de la journée, ce ne sont pas les nuages, le brouillard qui produisent la lumière en premier ; c’est ensemble faveur de monde et recueil de choses : et à la fois la brume et la couleur des feuilles et le mouvement des arbres, l’indistinct du paysage, la lumière par où cela intone et me donne place… c’est ensemble ! on peut le diviser ( individuer) dans le discours quotidien, mais le diviser s’appuie d’une communauté première. C’est une autre manière de regarder, c’est comme si c’est un écartement, ça donne place et lieu, c’est toujours un mouvement de quelque chose qui est toujours déjà donné d’emblée. Quelque chose de premier qui est là, l’unisson, le « plus d’un »…c’est la séparation/jonction qui donne le sens à chacune des choses, mais chaque chose ne peut prendre son sens individué que d’un unisson,. c’est ainsi que nous prenons appui en Gestalt-thérapie sur la notion de forme plutôt que sur le concept ou le symptôme… On ne peut pas isoler une figure toute seule. La figure ne prend sa dimension de figure que d’un rapport à ce qui n’est pas figure. Ce rapport est une dis-jonction, une manière de dire ce qui est déjà, avant tout une forme : "plus d’un". La forme n’est pas un objet, c’est une manière de penser : forme plutôt que concept…la forme / concept. Et de dire cet unisson, de sans cesse le tenir ensemble, donne la portée de chacun : portée de monde faveur de choses. On comprend concept si on écoute concept/ forme, ou forme /objet. Le plus souvent il n’y a pas de distinction entre forme et concept : Concept la pleine lumière, c’est l’effacement de l’ombre, c’est pas être dans le slach, c’est justement évacuer le slash, mais du coup il n’y a plus rien,c’est vide, le concept étant le plus général il ne peut jamais s’incarner . Forme et phénomène : symptôme et phénomène c’est le même mouvement, la même dimension. Le symptôme dit qu’il y a quelque chose qui est le camouflé,quelque chose de fondamental d’où se tient le signifiant. On perd l singularité de chaque manifestation pour rester à l’essentiel ( le plus général). Chacun se plaint, c’est une manière de dire l’unisson ; et là ils sont accordés tous les deux !! chacun se plaint… la plainte ! Comment travailler à partir de là ? : en rendant grâce à cette manière d’être, en lui permettant d’aller à son épanouissement, à sa floraison et qu’elle devienne fruit ou autre chose, de la laisser cheminer, ad-venir, la laisser venir à sa forme sans cesse… Le slash figure/fond c’ est toujours quelque chose qui s’accorde, qui accorde place et lieu. C’est toujours à partir d’un uni qu’on fait des variations, des nuances, la richesse qui se nourrit sans cesse de nouveautés, de surprises… L’exemple des jardins Zen : les cailloux n’ont pas une signification en eux-mêmes, le principe d’un jardin zen est que, de quelque endroit d’où tu poses ton regard, il y ait toujours un surgissement, quelque chose qui survient et t’appelle. Un autre exemple, pour nous les maisons sont une manière de s’isoler de l’extérieur alors qu’au Japon, elles sont en rapport à l’extérieur, il ne doit pas y avoir dedans ni dehors c’est pour cela que tout est ouverture, cloisons qui bougent, il s’agit de préserver cette continuité de physis. Pour les japonais une maison n’est pas quelque chose qui doit être étanche, c’est quelque chose qui doit ménager l’ouvert. Nous avons des portes et des volets qui ferment,chez eux les murs sont selon les usages, ils sont mouvants…il n’y a pas de pièces définies, pré découpées. Les occidentaux cherchent à étanchéifier les maisons.

« L’intimité, monde et chose, se déploie dans le Dis- de l’entre-deux, dans la Dif-férence. Le mot de Dif-férence est ici libéré de tout usage courant. Ce que nomme à présent le mot la « Dif-férence » n’est pas un concept générique pour toutes les différences possibles. La Dif-férence à présent nommée est Une en tant que telle. Elle est unique. A partir d’elle-même, la Dif-férence tient ouvert le milieu vers lequel et à travers lequel monde et choses sont réciproquement à l’unisson. L’intimité de Ia Dif-férence est l’unissant de la Дιαφορα (diaphora : une traversée lumineuse, la clarté dans le sens de l’éclaircie) - ce qui porte à terme en ayant porté d’un bout à l’autre (der durchtragende Austrag). » p.27 Traduction de portée qui traverse et qui attribue. Le travail de Derida sur la différance : où il écrit différance avec un « a » qui est cette dimension de rapport, de portée, de sans cesse différé, reconduit.... C’est la différance qui donne portée à chaque chose. La différence est donc unisson, elle est ce qui permet à chaque chose de prendre sa dimension de chose mais elle se tient d’un unisson, ce n’est pas la séparation entre deux choses. La différence est ce qui donne la portée à chacun, c’est le slash.

« La Dif-férence porte à terme le monde dans son déploiement en monde ; elle porte à terme les choses dans leur déploiement en choses. Les portant ainsi, elle les rapporte l’un à l’autre. La Dif-férence n’est pas médiation après coup, qui rattacherait le monde et les choses à l’aide d’un moyen terme surajouté. La Dif-férence en tant que milieu, fait d’abord arriver monde et choses jusqu’à leur déploiement - c’est-à-dire dans ce rapport mutuel dont elle porte et supporte l’unité. » p. 27-28

La différence est une mutualité, ensemble, c’est-à-dire une communauté, une commune affection au sens de plus d’un : concerné mutuellement, l’intime … C’est la tendresse, le tendre vers. Ça enlève la confusion l’un et l’autre. Nous ne sommes pas dans la systémique, ce n’est pas quelque chose qui est l’intermédiaire de, pas des systèmes qui s’influencent mutuellement. C’est la mutualité qui permet à chacun de prendre son site, ce site ne se tenant que de rapport à …là plutôt que là, c’est le prendre place, "aumen" : ménager. Ça fait arriver monde et choses jusqu’à leur déploiement, là où ils viennent à se manifester, là où ils sont au plus près, intimité rapport : je suis accoudé à la table : ça fait pousser les coudes et la table ! et tout le reste ..ce qui n’est pas accoudé on pourrait dire ! C’est à partir de cette zone de dis-, ce dire de la jonction, de là où c’est tout près, que tout le reste apparaît. Ça ramène à la manière, à la tournure ; toujours en rapport et qui ne s’arrête jamais, toujours en rapport…le next, on pourrait creuser à l’infini. C’est une manière de penser !

« Dif-férence » ne signifie donc plus une distinction entre des objets, établie par notre représentation. La Dif-férence n’est pas plus une simple relation de fait entre monde et chose, telle que la représentation, la rencontrant, n’aurait plus qu’à la constater. » p. 28

La distinction est établie par notre représentation, c’est la manière dont on pense l’humain c’est à dire celui qui est capable de se représenter. Qui a l’intérieur de lui présente à nouveau les choses à partir de lui, et en fait un vécu. C’est la chose telle que je la vis :les choses telles que je les voient, c’est ma représentation mentale (à l’intérieur de ma conscience). Ça ramène tout à la représentation et à l’idée que tout vaut car tout peut être un produit de la raison humaine, du calcul humain. C’est l’idée que les choses sont produites par un humain. Des objets, qu’il pose devant lui, et qu’il en est le sujet, le fondement, C’est lui qui est le créateur. Du coup je crée des idées, des opinions. Ce n’est pas quelque chose qui m’est donné, c’est moi qui suis propriétaire de la parole, et de la capacité de nommer ; c’est une activité mentale. C’est l’idée d’avoir ramené cela à la conscience, c’est l’homme qui peut savoir et qui est propriétaire du langage, de la parole et de tout ce qui est le savoir. Ce qui est vrai c’est les images mentales : on est dans l’idéalisme…et on pourrait dire que ce bouquet est une tarte à la fraise par ex. Mais la conscience imageante dit bien que c’est un bouquet de fleurs et si je dis que c’est une tarte à la fraise je tords quelque chose. Il y a des choses qui m’obligent…il m’est donné de pouvoir le voir comme ça mais pas de n’importe quelle manière. C’est la dimension du cadre du monde, qui fait qu’on ne peut dire tout et n’importe quoi ! je m’incline devant ça et je répond à un appel et ce n’est pas une question de vécu et d’opinion, ce n’est pas moi qui le fabrique de toute pièce, à l’intérieur de moi ! C’est ce qui fait que petit à petit les mots peuvent ne plus rien dire. Si le sujet est au fondement de tout, il n’y a plus rien qui nous oblige à dire non ..on peut tout dire puisque c’est mon vécu ou mon opinion ! Heidegger reprend la manière classique de penser la différence : on peut comparer un objet lambda avec un autre objet lambda, un objet posé indépendant et hors de tout contexte. Ce n’est pas une relation de fait, ce n’est pas de l’ordre du factuel au sens de quelque chose qu’on peut calculer, se représenter mentalement entre un monde qui serait l’ensemble des choses et les choses dans ce monde. Si c’était comme ça, le but de la conscience humaine, ça serait de constater qu’une fraise n’est pas un hortensia ! Si la différence était juste quelque chose qui serait le produit d’une représentation, c’est comme si on poserait que l’humain lorsqu’il rencontre des différences, il les constate, objectivement et que du coup ça ne le concerne pas en propre, qu’il y va pas de lui et d’une tournure mondaine, d’une manière d’y être à l’unisson.Ce serait un manque de tact, d’égard tant vis à vis de la chose (qui devient un objet pour mon usage et j’en fait ce que je veux), que vis à vis de l’humanité de l’homme.

« La Dif-férence n’est pas extraite après coup de l’unité du monde et de la chose comme étant leur rapport. » La fraise et l’hortensia : je les pose comme 2 choses différentes. La fraise n’est pas l’hortensia, sauf que la fraise et l’hortensia ne peuvent survenir en tant que tel, que d’un unisson. Ce n’est pas une différence de nature objective entre deux, c’est une portée de monde. C’est comme existant/vivant.

« La Dif-férence, pour monde et chose, approprie les choses à elles-mêmes, où elles se déploient en gestes du monde ; elle approprie le monde à lui-même, où il se déploie en faveur des choses. » C’est la différence qui approprie, qui donne le lieu. Cette dimension de dif-férence, d’intimité : la différence ne finit pas d’attribuer place et lieu, d’écarter et d’approcher, d’établir cet écart, sans cesse reconduit. C’est l’écart qui produit le ‘se toucher encore’, le ’chercher à se toucher’, jamais arrêté ! toujours différé…c’est attribution de place et lieu..c’est le mouvement qui diffère. Livre de Pichot : le monde est disjonction d’évolution. C’est physis : aller vers, qui ouvre un espace de jonction différenciant, et qui fait la subjectivation. Il y a toujours une rythmique, c’est jamais figé, arrêté. Du coup, ce ne sont jamais des objets, comme le cœur qui bat, c’est la pulsation du monde. Le rythme, les gestes, la geste… le monde est une geste comme un trait ouvrant, une esquisse à l’infini… la disjonction comme le dis- d’une jonction !

« La Dif-férence n’est pas plus distinction qu’elle n’est relation. La Dif-férence est tout au plus Dimension pour monde et chose. » p. 29 Là où chacun vient à se montrer. Là où ce rapport fait que se montrer donne chacun ! Ce n’est pas où chacun vient à se montrer qui pose chacun isolé et où la différence s’est déjà opérée, c’est où se montrer prend forme de chacun. Ça ne peut pas se saisir, ça peut que s’éprouver..une posture !

« Mais alors « Dimension », à son tour, ne signifie plus une région préexistante où pourrait s’établir n’importe quoi. La Dif-férence est la dimension, pour autant qu’elle mesure, et ainsi amène monde et chose à ce qui leur est propre. » La dimension, c’est prendre la mesure, prendre en charge. C’est ce qui donne place et lieu et donne la possibilité des mesures au sens de la quotidienneté. C’est s’occuper de, se préoccuper de, préserver… cet unisson. Et dans le quotidien, on oublie l’unisson pour s’intéresser au déjà différencié.

« Cette mesure seule ouvre l’écart où monde et chose peuvent être l’un pour l’autre. Une telle ouverture est la façon selon laquelle, ici, la Dif-férence mesure de part en part les deux. La Dif-férence mesure, comme milieu pour le monde et les choses, le mètre de leur déploiement. Dans l’invite qui appelle chose et monde, ce qui est à proprement parler enjoint c’est : la Dif-férence. » p. 29 Cette invitation est la Dite qui témoigne d’une différence. Ça appelle à la présence et ça répond en nommant. Mais cette nomination n’est pas quelque chose qui isole, ça témoigne d’un rapport. C’est cette histoire de appropriant/différenciant.

« Dans l’invite qui appelle chose et monde, ce qui est à proprement parler enjoint c’est : la Dif-férence » ça évoque que la conscience est d’écart : venir en conscience, c’est écarter. C’est comme un entrebaillement, une déchirure… Ah c’est moi qui !…c’est ça l’acte de conscience ! c’est ça différence, ça attribue mais ce n’est pas quelque chose qui est déjà différencié, c’est l’acte même de la conscience de témoigner d’une différence qui a toujours déjà eu lieu. Façon dont je m’y suis appropriée, dont je m’y trouve située. Approprié : "eigen", l’ap-propriation de soi, venir à son propre, c’est une dimension, une direction de sens, c’est dévoilement/dévalement. Subjectivation : le sujet n’a pas été de tout temps le synonyme de l’être humain. Le sujet c’est ce qui est au fondement de. Hypokaïménon : le jassant, au fond. C’est avec Descartes que le sujet devient une manière de dire l’humain. On pourrait dire que la table est le sujet du vase, dans le sens où la table recueille le vase. C’est le lieu du rapport, le trait qui ouvre, ça devient moi, ça me donne place. C’est pas le sujet, pas au sens du sujet moderne du cogito.


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé| www.8iemeclimat.net|