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Compte rendu N°4, La parole.


Groupe de lecture, compte rendu 4 - 27 Septembre 2015 - 17h30 à Brugairolles

Corinne Simon, Edith Blanquet, Anne Guignabert, Frédérique Remaud, Marie-Christine Chartier et Darwin Fauché

ACHEMINEMENT VERS LA PAROLE - Martin Heidegger

Toute la question est : est-ce que la parole doit être du fait, du factuel ou bien est ce que la parole nous donne à entendre et nous invite à une dimension plus herméneutique ? La phrase qui nous semble importante : sur l’avant dernier paragraphe. Quand il dit : « Au lieu de caractériser exclusivement les significations à partir des concepts (c’est à dire la définition officielle d’un mot) on fait passer au premier plan le côté imaginé et symbolique de la parole (comment cela nous appelle, cela nous parle) ainsi l’on fait nommer la biologie, et l’anthropologie philosophique, la sociologie et psychopathologie, la théologie et la poétique pour décrire et expliquer de manière plus compréhensible les phénomènes linguistiques ». p17 C’est important parce que du coup cela développe : quand on invoque la psychologie alors « Ce faisant on réfère pourtant d’avance tout énoncé possible à la manière depuis longtemps canonique dont s’est manifestée la parole ».

Que veut dire canonique ? C’est la manière "officielle" "habituelle" , celle qui d’évidence dit comment il faut entendre : par exemple, qu’est ce que cela veut dire une table ? Ça amènerait à enlever tous les "bruits" de ce mot là pour ne garder que ce qui est le plus général, le plus établi. Ainsi, au lieu de parler de la table où on est assis là, et qui nous évoque un moment de rencontre etc, on finirait par retenir TABLE : un truc où l’on a posé des livres pour ce qui nous concerne… et si on est juste, ce n’est même plus une table !

Donc ça veut dire que l’on ne s’occupe pas de comment se manifeste la parole ? : oui, on retient le "quoi", le plus général ? Ce n’est pas décidé, pris en vue à chaque fois. Çela veut nous dire que l’on ne se questionne pas, un peu comme quand on parle au quotidien, on a d’avance compris et on ne se questionne pas sur l’inouï de ce que nous disons ! Heidegger avait bien dit : premier point : la parole c’est une activité de l’homme etc…, une activité qui vise à dire ce qui est, le réel ; cela veut dire que l’on a arraisonné le réel, on a par avance et de manière implicite déterminé quels sont les critères de ce qui est réalité. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas pertinent mais que cela réduit la parole à un outil. « L’expression dont l’homme est l’agent représente et expose le réel et l’irréel »p16, ça c’est le 3eme point qu’il nomme lorsqu’il parle des trois présupposés qu’il y a dans la parole courante, alors que lui nous propose de parvenir jusqu’au parler qu’est la parole. C’est à dire que c’est la parole qui parle, ce n’est pas l’homme qui parle, qui utilise la parole. Ce qui ne veut pas dire que c’est faux de dire que c’est l’homme qui utilise la parole mais c’est une manière, peut être restreinte d’entendre la parole, celle canonique.

« On achève ainsi de consolider ce qu’il y a de déjà arrêté dans la prise en vue de la parole en son entier. » Dans « consolider » il y a quelque chose de déjà compris, rendu solide, assemblé stable, maîtrisé, sécurisé. Solide ? Comme quelque chose qui fait appui ? Et qui réfère à l’idée que la vérité c’est ce qui est solide, ce qui n’est pas altéré par les différents points de vue, le plus général, le plus abstrait ; du coup cela amène à une parole qui devient factuelle. Cela renforce, il l’énonce dans la phrase d’avant : quelque chose qui n’est pas questionné et qui petit à petit se consolide, parce qu’on ne le questionne pas. Ça devient certitude ? Quelque chose qui se consolide c’est quelque chose qui se tient encore plus que ça se tient déjà : tu consolides, tu rajoutes ce qui est déjà, la façon dont on a déjà compris, dont la parole est déjà signifiée. C’est ce qu’il dit : il y a quelque chose qui s’est arrêté, et se faisant on fait toujours le même, on vérifie chaque fois cette solidité ! C’est à dire la manière dont on pense la parole devient quelque chose d’évident : une activité mentale pour extérioriser les pensées humaines, ce qui est dedans. Comme on a toujours des présupposés... et que nous ne questionnons pas ça, (c’est l’attitude quotidienne) notre manière habituelle de considérer la parole vient renforcer ce présupposé puisqu’il n’est pas questionné, il est posé comme allant de soi ! Du coup, dans ce paragraphe il montre comment cela se consolide. Avant il différencie la définition officielle et comment cela nous parle, les deux possibilités de la parole, « la parole dans son entier » et là il montre comment on ne la prend pas dans son "entier", on ne s’y arrête pas et du coup on consolide quelque chose qui est toujours étroit. Par exemple qu’au lieu de se poser la question : Qu’est-ce que c’est la parole ? Qu’est-ce que cela nous donne à entendre ?, on est dans l’évidence de l’utiliser, c’est moi qui parle.

« De là vient que la représentation de la parole - qu’elle soit grammaticale ou logique, philologique et linguistique - est restée la même depuis deux mille cinq cents ans, bien que les connaissances sur la langue n’aient cessé de se multiplier et de se modifier. »

La manière dont on comprend la parole, finalement est restée la même, on n’est pas sorti de cette manière toujours de l’avoir déjà comprise sans cheminer vers l’inouï. C’est « la représentation », la manière dont on a conceptualisé, dont on se l’est représentée, ce n’est pas la présentation de la parole ; et j’entends REPRESENTER plutôt que PRESENTER, c’est à dire comment une conscience s’est construit une image, une idée de ce qui est, l’idée étant le plus général, le plus abstrait. Mais ces représentations, qu’elles soient «  grammaticale ou logique, philologique et linguistique », nous amènent à questionner : qu’est ce que c’est grammatical, qu’est ce que c’est logique, qu’est ce que c’est philologique et qu’est ce que c’est linguistique ? Grammatical, les règles pour construire les sons de manière à agencer les phrases : il y a un verbe, un sujet, un complément, il y a des structures grammaticales qui font qu’il y a des règles pour dire la place des mots, la fonction des mots, la nature des mots dans une phrase. Et qui dit la place, dit le rôle, le statut du mot : le prédicat, c’est ce qui va être le sujet dont on parle qui s’articule à un verbe et qui s’articule avec des compléments qui sont des annexes…

Philologique et linguistique ? C’est l’étude des langues, l’histoire des langues ? De l’évolution des langues ? Et la linguistique, c’est la structure de la langue, l’articulation phonèmes, la structure des mots ?

« Grammatical ou logique » ? Il écrit « grammatical ou logique, philologique et linguistique », cela mériterait de chercher l’articulation particulière qu’il fait entre grammatical et logique ? Logique c’est la façon, normalement LOGOS : c’est la façon dont les choses se cueillent et se rassemblent, se tissent entre elles. Du côté sens ? De l’organisation du sens ? Est-ce que la logique serait l’organisation du sens et la grammaire du coté de la structure, du temps, de l’analyse ? Ça mériterait qu’on veille à ne pas le comprendre trop vite.

Déf Philologique : ancienne science historique qui a pour objet la connaissance des civilisations passées grâce aux documents écrits qu’on nous a laissé. Etude d’une langue fondée sur l’analyse critique de textes écrits dans cette langue. Donc écouter la pensée, la langue, le déroulement de la pensée par les textes écrits et selon les époques. Nietzsche avait une formation de philologue. Dernière définition : établissement ou études critiques de textes par la comparaison systématique des manuscrits ou des éditions par l’histoire… Donc c’est travailler sur les manières de dire, la façon dont la pensée s’articule selon les époques. Ce qui n’est pas pareil que la linguistique qui étudie la structure générale de la langue…

Déf Linguistique : qui concerne la pratique de la langue considérée comme moyen de communiquer, communication, relatif à l’apprentissage à une langue étrangère. Ça dit comment cela se prononce, ça traduit en linguistique, en phonétique, c’est la règle de l’outil langue… Déf linguistique : science qui a pour objet l’étude du langage et des langues.

Grammaire : c’est la conjugaison, les accords, cela concerne les règles de l’utilisation de la langue. Déf : C’est l’ensemble des règles morphologiques et syntaxiques d’une langue.

La grammaire ne nous dit pas comment on prononce un mot, alors que la linguistique nous dit comment on va le prononcer. Elle dit comment on va l’agencer avec un autre mot, quelle place il va prendre.

Déf La logique : manière de raisonner de façon juste cohérente, enchaînement de faits conformes à la logique, en raisonnement, qui fait preuve de logique donc cohérence, méthodes de quelqu’un ou de quelque chose, la logique d’un système. C’est le sens de LOGOS, cueillir et rassembler, prendre forme et visage. C’est peut-être pour ça qu’il dit « grammaire ou logique », car la grammaire c’est les règles. Ça précède à la cohérence : il y a des règles pour écrire, pour dire. C’est l’architecture !

La philologie : il y a la notion de temps, donc d’une langue selon des "époques". Dans la langue quelque chose évolue de la logique et de la grammaire. C’est à dire que la langue n’a pas une structure stable, elle est aussi liée à une époque. Ce n’est pas seulement la langue que l’on cherche dans la philologie c’est aussi une époque de vie humaine, comment on pouvait penser, comment on vivait à travers les textes, et cela parle de civilisation aussi…ça parle des manières….de l’éthique, la manière d’habiter à une époque à travers les textes écrits plutôt que par exemple à travers la structure des murs, comme on peut le faire quand on est archéologue. Si on prend le français, la philologie pourrait s’intéresser à comment on parlait. Cela me fait penser par exemple aux texte de Rabelais ou de Montaigne : quand on les lit dans la version du vieux françois et quand on les lit en français ; tous les changements de sons, de construction, sont très particuliers en vieux françois… et la lecture n’a pas du tout le même goût que quand on lit en français moderne Ronsard ou du Belley…. « Ce suis-je transis de vous ? » On pourrait regarder cela à notre époque, dans le langage actuel, dans la manière de parler de certains jeunes et adultes actuellement, dans la question logique et grammaticale :les temps de la conjugaison disparaissent. Il y a du présent, de l’imparfait, mais il n’y a plus le subjonctif, le passé antérieur, le futur antérieur. Ça semble surfait de parler à ces temps là. De même le "bagage verbal" devient de plus en plus réduit : "j’aime/ j’aime pas" et cela suffit...un parler du genre "sondage d’opinion". Est-ce une simplification grammaticale ? Plutôt une manière de voir la question du temps, de la présence, avec l’immédiateté, un langage très pragmatique. Par exemple, il y a de moins en moins de temps conjugués exigés au brevet : présent, imparfait et passé simple. Comment se passer des conjugaisons ? Il y a un passé mais un passé simplifié, où il n’y a pas toutes les nuances du passé qui dure, du passé momentané : cela dit des manières d’habiter. Ça traduit les priorités où la manière d’habiter est de plus en plus factuelle, technique. Pour les ados, échanger ce n’est pas parler direct, c’est parler par sms ; ils sont l’un à côté de l’autre et pourtant ils échangent par sms : c’est ça qui est important ce n’est pas "se "parler.Il s’agit d’échanger des "informations" , d’être "pratique".

Comment comprendre : « De là vient que la représentation de la parole est restée la même depuis 2500 ans, bien que les connaissances sur la langue n’est pas cessées de se multiplier de se modifier » ? Est-ce que cela veut dire que nous avons gardé l’idée de cette hiérarchie, de ces présupposés de structures ? Même si on peut constater des évolutions, entre le français et le vieux français, on a toujours cherché à déterminer la structure grammaticale logique philologique ou linguistique. Cela n’enlève pas qu’il y ait eu des évolutions… Beaucoup d’études ont été développées mais chaque étude est restée dans sa voie, ça a empêché de regarder, d’écouter, d’entendre la parole dans son entier. On ne considère toujours pas la parole "dans son entier" et donc du coup on reste dans ce découpage ….qui consolide le fait que l’on ne s’arrête et réfléchit pas sur la parole dans son entier... Et en quoi cela nous concerne ? Soit on peut dire par exemple sur le sujet de la simplification des temps : ce n’est pas utile parce que c’est trop compliqué de parler au futur antérieur etc.…, cela vient questionner : qu’est ce que c’est être temporel pour un humain ? Mais ce genre de questions n’est pas pris en compte et c’est ce qui fait que depuis 2500 ans on continue de ne pas se poser cette question des règles grammaticales : sont elles juste des règles pour compliquer l’expression ou bien nous disent-elles des subtilités de la présence ? Si on prend cette phrase « Ce suis-je transis de vous ? », ce n’est pas pareil que de dire « je suis transis de vous ». « CE suis-je ? » cela n’ouvre pas du tout la même manière d’habiter la présence ? CE suis-je, indique la dimension passible, le mode moyen ; alors que JE suis situe le JE en première instance/position, l’acte c’est moi qui. Dans la tournure " CE suis-Je", ça m’oblige, ça me donne, je m’y trouve ainsi, transi de vous. Il m’advient ça, il m’arrive d’être ainsi. Je témoigne d’un état dans lequel je me trouve, qu’il m’est donné d’éprouver. Je ne suis pas l’auteur, le créateur de cet état : je m’y trouve. Ce suis-je : je suis ainsi, je me trouve ainsi transis de vous. Cela invite à une question : un état qui me vient ou bien un état que je produis, au sens de le maîtriser ? Cela nous permet de relire la phrase différemment, « De là vient que la représentation de la parole quelle soit grammaticale ou logique » si on reste dans la représentation juste grammaticale ou juste logique et qu’on n’articule pas la parole dans son entier, on perpétue ce qui a toujours existé. Et donc, dès que nous sommes dans la représentation ,dans l’ordre du concept, du maîtrisé, on ne prend pas en compte l’épaisseur de la situation. En Gestalt thérapie, de comment c’est : situation ? On s’arrête à une manière d’avoir, à un plan de la complexité situante et cela invite à penser pourquoi nous Gestalt thérapeutes, travaillons avec la notion de situation : Est ce que la situation c’est ce que font un Je et un AUTRE ou c’est tout autre chose ?

« On pourrait même avancer ce fait comme preuve de la justesse inébranlable des représentations cardinales du langage. » C’est vrai puisque c’est toujours là ! Ce qui est vrai, c’est ce qui est éternel, ce qui ne s’altère pas. « Des représentations cardinales » : Ce sont celles qui sont les plus importantes ; les points cardinaux, ce sont les points essentiels, ce sont les manières habituelles de penser quelque chose. C’est la "représentation" majeure : les plus en cours, les dominantes. Définition : c’est le point essentiel d’une doctrine, d’une action. Sa structure, son axe majeur, sa vérité… Cette idée que la vérité est toujours quelque chose de général. Le concept : c’est le caractère le plus général . On va définir qu’est ce qu’un homme, on ne va pas dire comment est Darwin, quel homme il est, on va enlever tous les "bruits" qui font quel homme il est, pour retenir Darwin c’est un homme composé avec deux bras deux jambes avec des yeux... C’est un humain et pas une tasse à café on garde le plus général ! Mais on ne dit rien de Darwin lui-même et on enlève tout ce qui en fait la singularité de la présence ( Qui/quoi).

« Personne aussi ne se risquera à qualifier d’inexacte ou même à rejeter comme inutile la détermination qui caractérise la parole comme extériorisation sonore de mouvements psychiques intérieurs, comme activité humaine, comme exposition symbolique et conceptuelle ». La parole est le véhicule qui nous permet de représenter ce qui est, ce qui se passe à l’intérieur, de dire comment ce qui se présente à nous est représenté : cela témoigne d’une "image mentale". La parole n’est pas ce qui me permet de dire la façon dont je me trouve parmi/ auprès : quand je dis "un arbre", cela dit comment je me représente cette chose en tant qu’idée et que d’évidence vous reconnaissez comme un arbre. C’est bien quelque chose qui représente l’intérieur, le psychique, la part mentale. C’est ça la "re"présentation, puisque habituellement,la présentation c’est ce qui est dehors et la représentation c’est l’image mentale que j’en ai dans ma conscience. Ça se présente à nouveau, c’est une copie intérieure, idéelle de ce qui se tient à l’extérieur, dans le monde matériel. D’où la question : comment on peut se représenter exactement quelque chose ? C’est ainsi que l’on fait intervenir Dieu qui est le garant de la vérité du rapport entre présentation et représentation. C’est pour cela que nous ne sommes pas dans l’erreur : Descartes, méditations cartésiennes repris par Husserl. C’est tout le chemin des méditations, le doute méthodique, hyperbolique. Le but de ce doute n’est pas de rester en doute mais d’arriver à une certitude assurée ; et donc je mets de côté tout ce dont je ne suis pas sûr, la seule chose qui est vrai c’est « je pense donc je suis ». Comment puis-je être assuré que ce que je vois et ce que je dis sont concordants ? Qui est le garant de ma cohérence ? Dieu, puisque moi je ne peux pas être dedans et dehors (immanence/transcendance) ! Et si on supprime Dieu alors il nous faut justifier autrement ! Aujourd’hui nous avons la garantie "scientifique", le psychisme se vérifie comme cerveau et nous disposons maintenant d’appareils pour établir la matérialité de la dyscalculie...

Du coup, la vérité c’est ce dont je me souviens ? Si je reconnais l’arbre comme un arbre il a bien fallu que l’image de l’arbre soit mise en moi par quelqu’un ! Et qui fait la cohésion entre ce qui se présente et la représentation mentale ? A l‘intérieur de nous, on a des images de ce qui est dehors. La question étant : d’où viennent les images ? Maintenant qu’il n’y a plus de Dieu, ce sont des marqueurs neurologiques… Comment peut-on reconnaître dans un scanner la dyslexie ? C’est tellement évident que cela ne pose pas question pour nous. Comment puis-je voir la dyslexie, c’est à dire la possibilité de ne pas pouvoir lire ? Est-ce que je peux voir "ne pas pouvoir lire" ? Ou bien : je vois quelque chose dont je déduis que cela veut dire dyslexie ? Et c’est tellement évident que maintenant les neuropsychologues en arrivent à trouver les traces de la dyslexie, de la dyspraxie. Tu peux interpréter, trouver un symbole et tu déduis que c’est la dyslexie, mais on a perdu ce chemin là, et on a dit que c’est vu d’un scanner, et si c’est vu, c’est que ça y est "concrètement" !

« Cette façon de prendre en vue la parole est exacte, elle s’ajuste exactement à ce qu’un examen des phénomènes linguistique peut à chaque moment constater ». Définition :exact = conforme à l’idée que nous avons. Exactement dans le sens exact, c’est une façon de prendre en vue la parole, qui ne comporte pas d’erreur, conforme à la logique, à la réalité. Dans le dictionnaire, cela dit bien conforme à la logique c’est à dire aux règles de construction que nous avons à un moment posé et cette logique s’appelle réalité. C’est intéressant de voir que chez Kant par exemple la teneur reale d’une chose ce n’est pas sa réalité, la teneur reale d’une chose c’est la possibilité chez Kant. Dans la définition : exact, exactus, achevé, arrêté, maîtrisé rigoureusement conforme à la réalité c’est à dire à la règle que nous avons établie ! Exclu toute approximation : c’est une certitude, conforme à un énoncé, à un principe Il dit que c’est vrai = exact. Il approfondi encore plus ce que cela veut dire, il insiste sur ce mot exact. Cela nous amène à questionner ce mot exact. Cela ne va plus alors de soi : c’est vrai il est 19:05, c’est exact, c’est conforme à l’horloge objective ! Si je dis : il est 15:00, tu me dis : non ! Entre 19h et 19h15 : on est d’accord ! L’exactitude est là ; c’est ce qui est convenu et public, et donc arrêté, et c’est important d’avoir des repères comme ça. Et cela ne dit pas que c’est vrai, cela dit que c’est exact !

EXACT, ex-actus : en dehors de l’acte, donc c’est objectif, c’est vrai, c’est figé, c’est exact. Il n’y a plus de mouvement, cela ne dépend pas d’un acte. C’est posé à priori, c’est conforme à l’ « a-priori » : vrai au sens de la vérité égale à exactitude. C’est le sens de la vérité, la vérité définie comme « adaequatio intellectus et rei » ça c’est l’exactitude, la vérité comme EXACT ; ce n’est pas la même chose que la vérité entendue comme ALETHEIA. Donc la vérité comme exactitude c’est « adaequatio intellectus et rei », définition dans laquelle nous sommes. Ce qui est vrai s’énonce clairement et les mots pour le dire nous viennent aisément. L’idée est la chose, c’est le rapport exact, donc l’adéquation de ce rapport idée / chose peut se qualifier comme EXACT. C’est la vérité comprise comme exactitude, la vérité moderne. Ce n’est pas la vérité au sens du dévoilement de l’ALETHEIA grec. C’est la vérité pour les sciences qui s’appuient sur la vérité comme EXACTITUDE, comme adéquatio. Et de ce point de vue là on va dire : c’est vrai ou c’est faux, un peu comme 1 plus 1 = 2 1 + 1 n’égale pas 3 ! « Adaequatio intellectus et rei » : c’est la définition classique de la vérité à partir de l’époque moderne, tout le début du développement de la science comme mode de penser, calculer, classer ce qui est. C’est Descartes qui rassemble un tel mode de voir puisqu’il va poser l’étoffe mentale et l’étoffe réelle. Il ouvre à la technique et au projet de maîtrise "nous assurer de tout ce qui est".

« Cette façon de prendre en vue la parole est exacte », nous interpelle d’autant plus que Heidegger ajoute : « elle s’ajuste exactement ». Cela vient dire : l’exactitude, et c’est vrai que cela va de soi pour nous « exact » : c’est conforme à l’idée que j’en ai. Et d’où elle vient cette idée ? C’est conforme à un à priori : et comment cela s’articule ? Comment définit-on un à priori ? Cela se définit par rapport à quoi ? À priori par rapport à posteriori. A priori c’est avant l’épreuve et à postériori : déduit de l’expérience. Ce sont des choses que nous ne pouvons pas fonder en invoquant d’autres choses. Mais l’à priori, l’expérience va le valider, puisque l’expérience s’appuie sur les à priori que j’en ai. C’est pour ça que je ne peux que trouver ce que je cherche ; d’où la théorie de Popper dans l’épistémologie des sciences qui dit qu’une théorie est vraie tant que je ne peux pas la démonter. Je n’essaie pas de la fonder en raison puisque forcément je l’ai toujours déjà fondée en raison ! J’essaie de la rendre fausse, j’essaie de la falsifier. Donc Heidegger dit «  elle s’ajuste exactement à ce qu’un examen des phénomènes linguistiques peut à chaque moment y constater ». Si je regarde quelque chose à partir des à priori des phénomènes linguistiques, je ne peux qu’y trouver des phénomènes linguistiques. Si je regarde une pelouse en tant qu’herboriste je vais y trouver des herbes et des plantes, si je la regarde en tant que tondeur, je vais y trouver de la longueur, trop longue ou pas assez longue…

« C’est dans le cercle de cette justesse que se meuvent donc aussi toutes les questions qui accompagnent la description et l’explication des phénomènes linguistiques » Pourquoi écrit-il « question » en italique ? Que veut dire question ? Je prends conscience que quand je pose une question dans un contexte bien déterminé : est-ce bien une question ? Ou est-ce que j’ai déjà une réponse que je vais vérifier ? Donc je ne questionne pas, je vais juste vérifier. Ce n’est pas un "vrai" questionnement, c’est une question qui a déjà trouvé son présupposé. Le statut d’une question, c’est qu’elle reste une question, quelque chose qui nous taraude, où l’on n’a pas de réponse. Ce n’est pas une question qui questionne c’est une question qui présuppose que je vais valider la réponse que j’ai déjà. Cela évoque le plan ontique et ontologique. La question aujourd’hui : on cherche à y répondre ! On perd de vue toute la dimension herméneutique de la question qui reste question, qui toujours ouvre la question ? La question sert à justifier la manière de penser de la science c’est à dire des pré-requis. Heidegger dit dans "Etre et temps", quand il pose la question QUI ? QUI est l’ETRE ? Comment questionner qui est l’ETRE ? Il dit que, de tous temps, la métaphysique a répondu à la question. En posant la question de l’être, elle a déjà défini ce qu’est l’être : c’est l’air, c’est le feu, c’est le premier moteur, c’est Dieu… Et du coup, elle n’a pas préservé la question de l’être. Elle a ouvert cette question pour justifier la réponse qu’elle en avait…et il dit que passer au-delà de la métaphysique ( de la posture métaphysique), c’est justement reconduire la question de l’être comme une question digne de question.Notre travail à nous les humains c’est de prendre charge, d’avoir charge, de préserver le statut de question à être. Toute réponse à cette question fait que être devient un étant, une manière d’être qui est déjà fermée, qui est actualisée. Comment relier tout ça à ce que : dans le quotidien on ne peut plus se questionner on doit se positionner ? Il y a position et position. Venir en présence de manière appropriée ce n’est pas juste dire : je n’aime pas les glaces à la vanille ! Ça c’est une position dans la quotidienneté qui est : je n’aime pas ça, c’est une affirmation mais ce n’est pas une venue en présence au sens appropriation de soi. Dans un cas je vérifie un présupposé qui est : celle que je suis, celle qui n’aime pas ça, et je consolide cette idée que je n’aime pas ; alors que je ne sais pas, peut-être que quelque chose pourrait bouger. Quand je dis que je n’aime pas la viande par ex, cela fait des années que je n’ai pas mangé un seul morceau de viande, je ne sais pas ce qui pourrait se passer si j’étais amenée à manger un morceau de viande. Peut être que je pourrais changer cette idée, mais je m’en tiens à cette idée là, à l’exactitude de l’énoncé figé sur moi, qui va de soi et qui pose question à personne, et on va dire me "concevoir" comme celle qui n’aime pas la viande !

«  Le rôle étrange de ces représentations exactes, nous ne le méditons assurément pas encore assez » Donc c’est "nous" maintenant : est-ce que nous pouvons entendre que même quand on commence à questionner cela, on commence à s’ouvrir, qu’il y a des présupposés etc.…même dans la manière que nous avons de le partager, on le partage sur le même ton de l’évidence. On ne se laisse pas méditer ça au sens de se laisser interpeller et questionner. Même là quand "on" en parle ! Même en avoir conscience, cela reste encore une "représentation".On ne laisse pas l’espace pour autre chose, pour approfondir, pour nous laisser toucher de manière "essentielle". Même là quand on en parle, on parle sur ça. C’est à dire qu’en parlant sur les représentations, quand je dis « ça c’est la vérité comme exactitude », est-ce je ne suis pas aussi en train de poser une représentation ? Je fais la même chose ! La manière dont j’habite la parole à la même tonalité, je le pose comme quelque chose qui est un discours savant sur une époque, quelque chose comme ça. Mais ce faisant, qu’est ce que je fais ? La même chose ! « Le rôle étrange de ces représentations exactes » Est-ce que cela fait prendre conscience que c’est bizarre de lire que les représentations exactes seraient étrange ? Cela fait vaciller la familiarité. Cette manière de dire amène à méditer. Même quand on essaie d’expliciter, on achoppe encore sur l’essentiel. Toujours on a déjà compris. Effectivement je m’aperçois que je ramène toujours une référence, c’est Descartes qui a dit cela…, je vais aller dans une histoire, je fais une forme de philologie. Quand il parle de « rôle » : on peut questionner les représentations mais on ne va pas jusqu’au rôle parce qu’on ne médite pas. On peut se questionner, dire cela ne va pas, faire un commentaire mais on n’interroge pas le rôle, ce que cela crée, ce que cela suscite ? Qu’est-ce que cela implique ces représentations exactes ? La manière dont cela nous tourne, cela nous façonne. Pourquoi rôle ? Est-ce que c’est justement un rôle ? ou est-ce que ça ne peut-être qu’un rôle ? C’est toujours la façon dont on est pris dedans, avec ces rôles, aussi : mode de la quotidienneté, du "on dit". C’est à dire que cela questionne le sens que nous pouvons donner : regarder le rôle comme la façon dont déjà nous avons donné sens. Si l’on parle d’un rôle, cela commence à questionner : en quoi il y va de nous ? En quoi cela nous concerne ? En quoi cela nous interpelle ? Et effectivement cela nous façonne d’une certaine manière. Et même quand on le dit comme ça, dans la façon dont on le dit, cela nous façonne d’une certaine manière. Je pourrai dire déploiement du self en mode personnalité majeur et en même temps, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’affect mais que nous ne nous n’y arrêtons pas… car cela devient vertigineux.

« Elles tiennent partout comme si elles étaient inébranlables, le champ des diverses manières de considérer scientifiquement la parole. »p18 Il parle de ces représentations, ces représentations exactes : c’est la logique, la grammaire, cette idée que la parole sert à extérioriser une intériorité mentale, et çà tient partout, dans tous les cas cela fait tenir debout, ça délimite . « Elles tiennent partout », quel que soit le contexte...Dans toutes les manières de questionner, d’un point de vue scientifique, la science s’appuie toujours sur un présupposé. Quand la science définit le monde, elle s’appuie sur un présupposé du monde. Elle n’écoute pas le monde à partir de lui-même, elle l’étudie à partir de ce qu’il y a dedans par exemple. Donc c’est d’évidence que le monde c’est quelque chose où il y a des trucs. C’est un dedans quelque chose.

«  Elles remontent à une antique tradition. Et pourtant elles ne font aucune attention à ce qui est le plus ancien : la marque où s’empreint comment est la parole. Ainsi, malgré leur ancienneté et leur intelligibilité elles ne mènent jamais à la parole en temps que parole ». Ça tourne autour de la même idée, c’est important de trouver des mots pour dire ça. Cela n’amène jamais à la parole en tant que « die Sage. » A aucun moment on nous parle de la parole à partir d’elle-même, on la définie à partir de quelque chose d’autre qu’elle : la linguistique, la grammaire, la logique, la prononciation d’un humain, l’outil… Mais toujours on la réfère à autre chose pour dire ce qu’elle est, on parle à partir d’un autre endroit que le site de la parole. On ne définit pas le parler de la parole, là où elle est la parole, la parole de la parole, en quoi la parole est parole. On dit : elle est parole pour un humain, elle est ce qu’utilise un humain. Mais cela ne définit pas la parole quand je dis ça ; du coup je dis ce qu’en fait un humain. Mais qu’est-ce que c’est la parole ? Elle est structurée selon des règles de grammaire, mais là je dis la grammaire ! Comment je dis la parole elle-même ? Pour la définir je la réfère à un intermédiaire. Et ce n’est pas en tant que ce qu’elle est. Je ne décline pas le séjour lui-même de la parole comme être parole, je la découle comme être pour un autre être, elle dérive d’un étant, elle dérive d’autre chose qu’elle.

C’est toute la question de : qui tu es ? Quand on joue à cela dans les stages de formation : déploiement du self en mode personnalité. Lorsque je veux ouvrir en mode ça, par exemple, je peux le prendre par la question : qui es-tu ? Mais tu tiens cela une ou deux heures. Tu réponds : je suis celle qui dit. Mais non ce n’est pas toi, c’est quelque chose que tu fais. Mais qui es-tu ? Toujours je vais répondre par quoi je fais. La seule chose que je vais dire c’est : qui ? À ce moment là. Et même qui ? A un moment, cela vacille. Dès que je réponds, je réponds par : quoi. Donc quand on parle de la parole, on répond par quelque chose qui évoque la manière dont elle se traduit, mais pas la parole elle-même, pas la parole-parole, le parler de la parole, son lieu à elle. Nous vient l’attitude de l’enfant : c’est quoi une pomme ? Et pourquoi on dit une pomme ? … Il est dans cette question de la chose à partir d’elle même et à chaque fois on lui dit autre chose ; donc il n’arrête jamais de questionner. Je ne peux pas accéder à la parole en tant que parole, je ne peux accéder qu’au parler de la parole, la manière dont la parole est parlée, ou dont la parole parle. Le problème c’est que quand j’y accède je me tais. Se taire est une manière d’habiter la parole, sauf que tu arrêtes de produire des concepts, et là il se passe quelque chose.

C’est pour cela qu’avec le "parti-pris-d’y-voir-clair-en-conscience", un existential, Heidegger va dire que la parole, cet appel, cette voix de la conscience, ( cette conscience morale,éthique « Gewissen » qui n’est pas la conscience « BewuBt », la conscience psychologique) nous appelle à la conscience (Gewissen) et comment ? En ne disant rien, en silence. Un exemple : quelqu’un qui arrive en supervision en disant : je voudrais parler de cette situation Le fait même qu’il veuille en parler, que la question se pose à lui : c’est dire que déjà la conscience lui a parlé, ça fait question et l’appelle. Qu’il se pose la question, il a déjà en quelque façon une réponse. Il a une forme de réponse mais qui n’est pas celle qui sera attendue ; et qu’il arrête d’agir. La voix de la conscience, dans le parti-pris-d’y voir-clair-en-conscience, c’est ce qui nous rappelle, qui permet de passer du dévalement de la quotidienneté au dévoilement. C’est un faire silence, l’angoisse, l’ouvert. D’où l’angoisse comme tonalité fondamentale. L’angoisse n’étant pas l’angoisse psychologique. Dès que je l’ai dit, cela devient une peur ou autre chose … une angoisse psychologique c’est à dire une peur de quelque chose…


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