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Compte-rendu N°11. la parole

pages 32 -33 du texte


Compte rendu de lecture acheminement vers la parole n°11 Corinne Simon, Frédérique Remaud, Marie Christine Chartier, Edith Blanquet.

« La douleur a déjà ajointé le seuil dans son support. La dif-férence se déploie déjà en tant que le recueil du déploiement d’où advient à soi le port où monde et chose sont portés. Mais comment ?

Là resplendit en clarté pure Sur la table pain et vin.

Où la pure clarté resplendit-elle ? Sur le seuil, dans la portée de la douleur. Le déchirement de la Dif-férence, c’est lui qui fait resplendir la clarté pure. Son ajointement éclaircissant délivre et dispense la mise au clair du monde en ce qu’il a de propre. » P31

Tout ce qui vient à se manifester déchire l’ouvert, es-pace, accorde place et lieu, fait venir à la lumière... lumière qui en même temps se retire pour laisser apparaître les choses, c’est un éclairement, une tonalité. La Dif-férence (rapport figure/fond) comme une manière d’avoir toujours déjà prit place parmi. C’est ce déchirement de l’ouverture,-pouvoir être, une manière d’avoir toujours déjà pris place parmi- qui dévoile une tonalité particulière, une saveur de monde dans laquelle à la fois nous nous trouvons et nous avons à nous décider. Franchir le seuil, une épreuve, s’y éprouver : douleur, pathein, une tonalité qui fait apparaître un monde c’est à dire là où je suis toujours auprès : on retrouve comme existential la mondanéité du monde, toujours un rapport, la tournure.

« Le déchirement de la Dif-férence libère le monde à son déploiement de monde, rend le monde proprement mondant, devenant faveur de choses. Avec la mise au clair du monde en son resplendissement d’or, c’est du même coup aussi le pain et le vin qui se mettent à briller. Les deux choses, grandement nommées rayonnent dans la simplicité où elles se déploient comme choses. » P31

Libérer, c’est rendre libre, ça ouvre place et ton et saveur ; « rend le monde proprement mondant » dans le sens où ça nous touche, ça nous concerne, ça nous donne un ton… ça n’est pas juste un monde métrique ! L’espace prend forme d’une tournure, une tonalité, sens et signification, il prend place dans le sens "moi auprès de", chacun s’y trouve ajointé, rapproché…et nous accorde la faveur de pain et de vin… plutôt que de sel et de poivre… ça nous accorde(entendre la musique, le rythme) ! Etant appelée à la présence, l’épreuve de ce seuil déchire l’ouvert,en in-forme les possibilités, … ouverture à être : en possibilité d’être convié à une table pour partager un repas par exemple. Pain et vin, c’est ce qu’il m’est donné, cette profusion de la nature et aussi l’acte de manger .. pétris ensemble la nature et les humains, accord entre des matières qui nous sont données et qui sont aussi ce qui nous nourrit et devant lesquelles nous devons rendre grâce (mesurer combien cela nous dépase en quelque sorte). Rendre grâce dans le sens de toujours mesurer à quel point il y a une générosité d’être-au-monde. On trouve autour de nous, pour qui sait voir, des choses qui nous appellent à pouvoir manger, bouger et cela nous accorde la possibilité d’y être auprès. C’est là l’essentiel... pain et vin ! Heidegger nous invite à entendre le monde comme ménagement ( ménager... prendre soin), ajointement, ciel, terre, divins et mortels avec l’image du pain et du vin qui est dans la liturgie catholique : avoir un morceau de pain et un verre de vin, c’est pouvoir se nourrir, c’est le frugal avec la générosité du vin qui n’est pas qu’un se nourrir mais aussi le plaisir, l’ivresse.. il n’y a pas que la dimension matérielle de subsister il y a aussi la dimension du goût, de la saveur, du tact. C’est revenir au simple.. le goûter avec la tartine et la confiture plutôt que gâteaux et brioches.. revenir à ces petites choses simples… savourer la confiture qu’il m’est accordé de faire avec les cassis du jardin ! Ce temps de s’arrêter devant et de cueillir les fruits, me donner le temps de les faire cuire m’envisageant les mangeant… toute cette dimension du tact et de s’incliner devant la générosité du monde, cette profusion... des cassis et des mains pour les cueillir ! Il nous faut réapprendre cet accord naturel avec le monde… s’étonner, s’émerveiller de tout, comme les enfants.. retrouver cette fraîcheur native. La philosophie nous amène à ça… être attentif à ne pas être ingrat avec ce qu’il y a autour de nous et voir comment nous pouvons à chaque fois remercier ! car tout ce que nous mangeons sont des variations autour du pain et du vin. Il y a à la fois qqchose de vivant et d’existant, nous ne sommes pas juste vivant… les choses ont un goût et nous donnent faveur, elles nous invitent à une saveur, une tonalité. Cela évoque comment dans la technique on en arrive à compter les calories, manger des pilules et boire des boissons avec juste des "agents de saveur"… il n’y a plus de monde avec des comportements conformes à des séjours humains dignes de ce nom, c’est à dire à une saveur, à une geste. Il ne s’agit pas juste d’avaler des choses, il s’agit aussi d’y gagner en saveur, d’y trouver une tournure. S’il n’y a plus l’œuf et la coquille, il n’y a plus l’humain qui sait casser l’œuf et qui prend forme d’être un geste humain.. la poudre d’œuf déshumanise et l’humain et l’œuf qui a perdu sa forme d’œuf.. s’il n’y a plus les infinis gestes quotidiens, il n’y a plus de mondanéité, il n’y a plus les rapports et donc je ne sais plus qui je suis ! Et pour quelqu’un qui souffre… comment revenir aux activités qui me donnent place, qui me réaccordent. ( je me lève, je fais le lit… la vaisselle….)

« Pain et vin sont les fruits du ciel et de la terre, offerts par les divins aux mortels. Pain et vin recueillent auprès d’eux ces Quatre à partir de ce qu’il y a de simple et d’un dans le partage en quatre. Les choses invitées, pain et vin, sont elles-mêmes simples parce que leur geste de porter un monde est immédiatement rempli par la faveur du monde. De telles choses ont leur content du séjour qu’elles ouvrent auprès d’elles pour le cadre du monde. La clarté pure du monde et le simple resplendissement des choses traversent et mesurent leur entre-deux : la Dif-férence. La troisième strophe appelle monde et choses au milieu de leur intimité. La jointure de leur appartenance est la douleur. »

Le jeu des quatre : le quadriparti (Geviert) ; dans l’œuvre d’Heidegger quand il parle de la mondanéité du monde, il dit que le monde c’est le jeu des quatre, un rapport entre ciel, terre, divins et mortels. Un rapport dans lequel l’humain doit prendre place et qui est de l’ordre de ménager (attribuer) places et lieux au sens de la contrée, tout contre, tout près… un rythme, une manière de bouger, de respirer… une tonalité… un souffrir (pathein… déploiement du self en mode ça !)

« Pain et vin recueillent auprès d’eux ces Quatre à partir de ce qu’il y a de simple et d’un dans le partage en quatre. »

C’est avant tout une unité, une unité qui prend place et qui devient faveur de monde, qui s’éclaire comme un monde, c’est à dire possibilité de se comporter, de se rapporter pour un Dasein : une table pour s’asseoir autour, du vin pour boire, partager avec d’autres… un monde qui se répartit en places et lieux… saveur pour un humain, un Dasein qui est ouvert pour des possibilités comportementales. Simultanément il y a du pain pour un humain qui va manger, une table pour s’attabler à plusieurs convives et pour célébrer la présence, cette unité d’être ensemble au monde.

« Seule la troisième strophe rassemble l’injonction des choses et l’injonction du monde. Car la troisième strophe appelle originalement à partir de la simplicité unie d’un enjoindre intensément intime, celui qui appelle la Dif-férence cependant même qu’il l’a laisse hors parole. »

Etre-le-là, être-au-monde, ‘’plus d’un’’, toujours y être parmi … ça appelle la dif-férence, ça prend places et lieux mais cette dif-férence elle se retire, elle a toujours déjà pris place comme pain et vin ou table ou moi, toi. La différence elle-même, cette déchirure qui m’ouvre places et lieux, qui ouvre cette intimité : toujours être-auprès qui n’est pas déchiré et séparé(qui n’est pas l’union de deux entités, la liaison... cf théorie du lien...) , c’est la parole qui va le séparer dans le sens de dire le pain est sur la table. ‘’Sur la table’’ ouvre place et lieu et c’est un place et lieu qui n’est pas espacé au sens unifié, divisé, individualisé. Quand je dis « le livre est devant moi », ce devant dont il s’agit n’est pas un devant métrique ( « hors parole », c’est l’intimité, spatialité, déloignement, toujours proximité ).

« L’appel original qui enjoint de venir à l’intimité du monde et des choses, voilà l’injonction proprement dite. Cette injonction, c’est ainsi que se déploie parler. Parler se déploie là où a été parlé : dans le poème. C’est le parler de la parole. » p32

La troisième strophe : « Voyageur entre paisiblement ; La douleur pétrifia le seuil. Là resplendit en clarté pure Sur la table pain et vin. » p19

Que veut dire parler ? parler, cela amène à répondre. Répondre : présence de moi /présence de monde : Sur la table pain et vin, quelque chose qui est du plus banal et que l’on ne prendrait même pas en soin. C’est une forme de réponse : ça s’appelle et ça se répond mutuellement… pain et vin s’accordent en nous accordant présence et on s’y trouve chacun en place. C’est une injonction, quelque chose dont on ne peut pas se dérober…nous y sommes toujours déjà et nous sommes les obligés d’avoir pris place et d’y prendre place toujours d’une certaine manière et d’avoir déjà répondu à un appel à être en nommant, la douleur, le seuil, le pain, le vin … quoique se soit ! La parole fait paraître un monde et nous appelle à répondre, c’est une injonction dans le sens avoir charge de, souci.

« La parole est parlante. Elle parle en invitant à venir ce qui est enjoint : le monde des choses et les choses du monde – en l’invitant à venir dans l’entre-deux de la Dif-férence.

Ce qui est enjoint c’est ce qui est déjà mis ensemble, ce qui est déjà rapporté, le pain, le vin, la table, le seuil, quelque chose qui demeure dans le sens où ça se tient comme ça en rapport à la quotidienneté. Et c’est là où nous habitons. Finalement rendre libre, c’est habiter …quand je pose un crayon ou quoique ce soit sur la table, c’est là que l’espace se dévoile… c’est le crayon qui, en même temps qu’il prend une place donne place au reste, tout se distribue autour de ça … mes allers et venues, la manière dont je vais m’y trouver dans la pièce, la tonalité, les saveurs et aussi, le en vue de quoi… y compris, Il y a un crayon qui est au milieu du gymnase ! Par où que ce soit que je le prenne, Il y a toujours une déchirure que ce soit le crayon ou autre chose, je dis le crayon et pas la couette, mais je pourrais dire la couette… qui révèle le crayon… le crayon posé sur la couette fait apparaître le crayon et la couette …et moi comme celui qui le dit par là plutôt que par ailleurs… ça fait un seuil aussi, ça pétrifie, ça éprouve et ça demeure, ça donne consistance de monde, au sens quotidien… des outils.

« Ce qui est ainsi enjoint est remis (befohlen) pour l’advenue venant de la Dif-férence et parvenant en elle. Nous pensons ici le vieux sens de Befehlen que nous connaissons encore par la locution : « Befiehl dem Herrn deine Wege » (Remets au Seigneur ton cheminement ).

Le sens de s’en remettre évoque l’obligation, l’injonction ( befohlen, befehlen ), qui évoque aussi befuhlen : sentir, éprouver…fehlen : sentir, éprouver, s’en remettre à Dieu.

« la parole parle en invitant à venir ce qui est enjoint : » donc, c’est la parole qui fait venir sur la table pain et vin. « le monde des choses », ça fait apparaître comme mondain faveur de choses possibles : du pain, du vin, une table, du soleil ou autre chose et des humains, « et les choses du monde », les choses du monde quotidien, le en vue de quoi, le réseau de renvoi, l’habitation de la parole quotidienne « en l’invitant à venir dans l’entre-deux de la Dif-férence.. » quelque chose qui ouvre un rapport, un prendre place, l’entre n’étant pas un entre métrique. « ce qui est ainsi enjoint », c’est à dire appelé à la présence, comme si ça différencie quelque chose qui est déjà jointé… enjoint aussi « est remis pour l’advenue » une possibilité d’y être « venant de la Dif-férence et parvenant en elle. » appelé par le nom… répondre…toujours déjà et ça diffère sans cesse, toujours déjà ailleurs, toujours déjà eu lieu, ça temporalise, la parole nous dit ce qui a déjà été parlé : « je suis dans la bibliothèque » ça a déjà été parlé…la bibliothèque ne devrait pas aller de soi ! ça dit déjà un endroit où il y a des livres…ça a déjà été parlé et ça fait venir aussi que j’y suis maintenant…toujours déjà ayant eu lieu ! ça a déjà été appelé par la présence, ça ouvre un lieu pour demeurer, ça le met dans une quiétude, ça ne nous fait pas question ; ce qui n’est pas le cas pour certains patients qui se retrouveraient devant et ne pourraient pas aller attraper un livre par exemple, la perte de l’évidence quotidienne.

« L’injonction de la parole, ce qu’elle enjoint, elle le remet de cette façon à la Dif-férence, où se recueille toute injonction. La Dif-férence laisse reposer le déploiement des choses en choses dans le déploiement du monde en monde. La dif-férence abandonne la chose à la quiétude du cadre. Un tel abandon ne dérobe, n’enlève rien à la chose. Il enlève bien plutôt la chose jusqu’à ce qu’elle a de propre : qu’elle fasse demeurer un monde. Abriter au sein de la quiétude, c’est apaiser. »

Donc, c’est à la fois une éclaircie, une déchirure, quelque chose de l’ouvert de cette ouverture où on a pas de possibilité, de l’insaisissable et du mystère de ça et quelque chose qui devient tout familier.... qui fait que les choses sont tranquilles, elles vont de soi.... on ne se pose pas question tout le temps…l’oubli ! Il faut que ça se retire pour que l’on puisse être dans un monde familier, tranquille.

« A la chose comme chose, la Dif-férence donne la paix en la ramenant au monde. »

On pourrait dire de l’étrangeté de notre présence, du fait que nous avons sans cesse à donner sens, à nous décider, à nous comporter, que ce n’est pas déjà pré-inscrit et que l’on se questionne (ça plutôt qu’autre chose), de cette espèce d’inquiétude différée, cette déchirure, cette ouverture à être…de cet instant de crise d’existence qu’il se dérobe toujours, se retire pour permettre la quiétude d’un séjour familier. C’est quand il y a crise d’existence que l’on mesure justement un peu plus ce vertige …qu’est ce que je fais ? qu’est ce que je dois décider ? La quiétude du cadre évoque ce rapport qui fait que les choses nous sont familières, qu’elles ne nous inquiètent plus…le plus souvent ! qu’elles demeurent dans le sens qu’elles seraient durables, continues, ‘’dans le monde’’, disponibles pour nous et plus ‘’au monde’’ comme dans un rapport de venue. Exemple d’une patiente qui, enceinte, s’affaire à rénover une chambre conforme pour son bébé (ce qui est dans la quiétude c’est ce qu’ elle sait faire…aménager une maison !) et subitement …contraction ! et là se pose comme quelque chose qui l’appelle à mesurer que ce qu’elle met en œuvre pour accueillir son bébé est paradoxalement quelque chose qui l’oublie. (elle l’oublie- et par là elle s’y rapporte aussi...- lui en tant que bébé pour répondre en tant que quelque chose de familier et qu’elle sait faire) Cela l’invite à mesurer qu’elle n’est pas toute seule, qu’elle ne peut pas planifier ses travaux puisque l’état corporel qui survient, l’oblige à s’ajuster et se découvrir autrement…ça fait surgir à nouveau cette dif-férence, ce différé mais sur le mode de l’inquiétude (enlever la quiétude dans le sens la révéler, la dévoiler)

Il dit bien : « Un tel abandon ne dérobe, n’enlève rien à la chose. Il enlève bien plutôt la chose jusqu’à ce qu’elle a de propre : qu’elle fasse demeurer un monde » La chose, ça l’emporte vers faire demeurer un monde, c’est à dire que le « il y a », le mystère, ce qu’il nous est donné de pouvoir être, est faveur de monde, objet posé "devant" nous y prenant place comme sujet et objet provisoires d’un comportement (j’attends du pain qu’il soit savoureux et tendre et j’attends de moi de pouvoir mettre du beurre dessus… que le pain soit dur et que je n’ai plus de dents ouvre de suite à la récalcitrance… les choses sont là comme si elles y demeuraient de toute éternité… on ouvre la porte de la maison…point ! enfin chez moi avec l’idée de la quiétude d’un chez moi) Mais si c’était si paisible pourquoi je m’embêterais tout le temps à l’aménager ? Pourquoi on passe autant de temps à construire des maisons ? Il y a quand même l’idée que c’est jamais acquis, terminé et que par là, on oublie que le lieu où j’habite n’est pas juste un lieu à aménager c’est aussi un lieu où je dois éprouver des choses, les vivre… Et finalement construire la maison devient habiter, devient une manière de passer sa vie. Alors que souvent on construit la maison en vue d’autre chose…quand j’aurai fini ma maison, je ferai ça ! et comment on peut rater, partager un moment d’existence avec ce qu’on pose comme des obligations qui nous détournent de l’essentiel finalement ! Nos patients viennent autour de ces questions là : qu’est-ce qui m’importe dans ma vie ? Et qu’il ne s’agit pas de mépriser l’autre côté, de le regarder comme quelque chose qui, à un moment donné, va donner/prendre sens …les vêtements hors de prix, les ustensiles très design… et que si je reviens au simple, un vêtement sert à protéger sa peau, à ne pas avoir froid, qu’il ait un pli ici ou là … et à quel moment on pourrait entrer dans l’extrême inverse …comment être dans la saveur sans qu’il y ait un excès d’esthétique qui enlèverait la sensibilité et deviendrait technique…c’est délicat de trouver cette injuste proportion.

«  A la chose comme chose, la Dif-férence donne la paix en la ramenant au monde. » C’est à dire objet situé. On pourrait dire que la chose est ce dont il est question (le crayon avec lequel j’écris… crayon est une parole qui dit qqchose qui a déjà été parlé… crayon plutôt que boulon. Dans la quotidienneté on ne mesure pas que quand je dis crayon j’appelle la chose à devenir faveur de monde. J’appelle et je réponds à un appel par lequel j’ai toujours déjà répondu ; je réponds à une injonction que je ne prends pas en vue.

« La Dif-férence abandonne la chose à la quiétude du cadre » La chose, l’ouverture au monde, venir en propre, se dévoiler a toujours déjà pris forme d’être dans un usage quotidien, dans une forme de quotidienneté, donc c’est déjà désapproprié…c’est un appropriement qui désapproprie puisque pour que je puisse être dans la quiétude d’un monde quotidien (ne pas se poser de question) il ne faut pas que je sois saisie chaque fois par comment chaque chose m’engage et me concerne moi et pas que moi… moi et le monde entier. Au Japon, il n’y a pas une multitude d’objet et cela oblige à prendre en considération cet appel par lequel la chose devient faveur de monde… que la chose se manifeste à nouveau et qu’on ne peut pas la négliger… Ça ramène à cette in-quiétude : dévoiler/révéler la quiétude du monde.

« Mais un tel apaisement est en propre seulement ainsi : qu’en même temps le cadre du monde remplisse le geste de la chose pour autant que l’apaisement accorde à la chose le content de faire demeurer le monde. La Dif-férence apaise doublement. Elle apaise en laissant reposer les choses dans la faveur du monde. Elle apaise en laissant le monde se contenter en la chose. En ce double apaisement de la Dif-férence est en propre : die Stille » p32-33 « Die Stille » tranquille, être installé c’est à dire que ce qui est tel qu’il est, avoir pris place. On pourrait dire que ce qui nous laisse tranquille c’est ce qui va de soit, ce qui momentanément ne nous pose pas question.

« Qu’est-ce donc que die Stille – la paix où règne le silence ? Elle n’est nullement ce qui simplement ne rend aucun son. Ne rendre aucun son, c’est uniquement être immobile quant à retentir et résonner. Mais l’immobile n’est pas seulement limité à la résonnance du bruit ( en tant que suppression de celle-ci ), pas plus qu’il n’est déjà ce qui est proprement dans la quiétude. L’immobile n’est jamais pour ainsi dire que le revers de ce qui est dans la quiétude. L’immobile repose lui-même encore en la quiétude. Or la quiétude a son être en ceci qu’elle apaise. Etant l’apaisement du silence, la quiétude – pensée en toute rigueur – est toujours plus mouvementée que tout mouvement et toujours plus remuante que toute levée » p33

Aristote : le monde est mouvement, changeant, physis, transformation. Tout est sans cesse altération. L’idée du premier moteur immobile, puisque l’immobilité est condition de possibilité de tout mouvement. Un immobile c’est ce qui supprime (dans le sens de le révéler) le mobile, donc le mobile est toujours là, il y a toujours qqchose, quoique ce soit… un rythme, un aller vers, un ensuite pour un séjour humain… ne serait-ce qu’un rythme cardiaque, une respiration… on n’est jamais arrêté ! L’existence humaine et le pouvoir être mondain du monde ne sont jamais quelque chose de figé pour un humain. De ce point de vue là, il n’y pas de chose qu’on pourrait dire pas possible ..ça nous amène à voir en quoi il nous est donné cette possibilité d’être ainsi et qui n’est pas selon une planification. La quiétude c’est ce qui apaise et ce qui apaise ne veut pas dire que c’est sans mouvement.

« Etant l’apaisement du silence, la quiétude – pensée en toute rigueur – est toujours plus mouvementée que tout mouvement et toujours plus remuante que toute levée »

Cet apaisement, prendre place, y être en propre, c’est une intensité de présence… la quiétude ou le recueillement c’est pas le silence du sommeil ou la sieste, c’est survenue en mode ego. Etre proprement soi-même c’est une justesse qui n’est pas paisible, c’est un mouvement de pleine présence, un moment d’éveil…c’est juste et ça apaise dans le sens de « j’y suis » et paradoxalement ça peut faire violence… faire silence ça appelle à y être ! la question d’avoir à y être, ça te ramène de l’oubli de l’être.


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