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Accompagnement d’une situation en Gestalt-thérapie avec un enfant

Auteur :Virginie Lavaud


EN GESTALT –THERAPIE FORMATION A L’ACCOMPAGNEMENT DE L’ENFANT ET DE SES PARENTS Virginie Lavaud ; 2017.

TEMOIGNAGE DE L’ACCOMPAGNEMENT D’UNE SITUATION

INTRODUCTION Le présent témoignage est établi alors que j’accompagne Amélie, adolescente de 17 ans, depuis un an. Le point de départ de ce témoignage est une étude sémiologique de la situation, réalisée en groupe, en mai 2017, dans le cadre de la présente formation. Il est complété et enrichi par l’analyse des séances qui ont suivies. Ces séances n’ont pas été enregistrées, le travail est donc réalisé à partir de ce qu’il me reste ou restait en mémoire.

SEMIOLOGIE

BIOGRAPHIE Quand Amélie vient me voir pour la première fois, nous sommes en juin , elle a 17 ans et est en seconde au Lycée. C’est une élève brillante jusqu’alors mais ses absences répétées au cours de l’année posent problème pour son passage en 1ere . Amélie refuse les diverses orientations qu’on lui propose. Son projet professionnel est de devenir anesthésiste « pour faire des piqures aux autres ». Il lui faut donc passer en S. Ses parents et elle-même ont pris rendez-vous avec le proviseur adjoint pour solliciter son passage en S.

HISTOIRE DU TROUBLE Amélie est atteinte d’un diabète insulino-dépendant depuis l’âge de 5 ans. En janvier de cette année, elle est hospitalisée pour la pose d’une pompe. Amélie a souhaité la pose de cette pompe pour ne plus avoir à « se piquer » 4 à 6 fois par jour. Malheureusement, la pompe dysfonctionne régulièrement ce qui entraîne de fréquentes hyperglycémies. Son état l’empêche alors d’aller en cours, d’où ses absences répétées. Amélie présente un surpoids proche de l’obésité.

RELATIONS SOCIALES / VIE SCOLAIRE Amélie a peu d’amis. Ses absences au lycée, cette année de seconde, lui valent remarques et moqueries de la part de certains de ses camarades et même de certains de ses professeurs. Son professeur d’anglais l’accuse de « jouer de sa maladie ». Amélie mentionne un petit ami avec lequel je crois comprendre qu’elle n’a pas eu de relations sexuelles. Amélie n’a pas d’activité de loisirs en dehors du lycée. Au lycée, Amélie est en relation avec l’infirmière scolaire.

CONTEXTE DE LA DEMANDE C’est l’infirmière scolaire qui lui donne mes coordonnées et l’invite à me contacter. Amélie vient la première fois avec sa mère. Les motifs qu’elle indique pour suivre une thérapie sont sa difficulté à accepter la maladie et les relations difficiles avec ses camarades de classe. Les séances ont rapidement lieu tous les 15 jours, à la demande d’Amélie, qui invoque des raisons financières : le coût d’une thérapie mensuelle ajouté au coût mensuel d’un capteur - qui lui évite de faire sa glycémie- ne seraient, selon elle, pas supportables pour ses parents. Certaines séances sont annulées par Amélie quand son état ne lui permet pas de venir. Un rythme régulier est difficile à maintenir malgré mes efforts pour proposer de nouvelles dates ou créneaux horaires. Durant l’été 2016, Amélie indique qu’elle sera en vacances en famille tout l’été. J’apprends à la rentrée qu’elle n’est finalement pas partie sans qu’elle ait cherché à me joindre. La reprise de la thérapie a lieu en septembre, « après la rentrée scolaire » selon le souhait d’Amélie et malgré ma proposition de nous voir avant pour « préparer la rentrée » et cela, sans que je le mette au travail.

SENTIMENT CORPOREL Lorsqu’elle est en état d’hyperglycémie, Amélie souffre de nausées, vomit. Elle a très soif et une extrême fatigue l’oblige à rester alitée. Parfois, dans cet état extrême de fatigue, il ne lui est même plus possible de se lever pour aller aux toilettes. Sa mère lui apporte de l’eau et un seau pour vomir.

PAROLE, LANGAGE, RYTHME Amélie ne s’exprime pas d’emblée mais répond à mes questions. Le ton est plutôt monocorde. Sa parole et ses réponses sont brèves, factuelles, très peu développées. Cela m’amène à poser beaucoup de questions. Les propos d’Amélie expriment un découragement : « marre des piqûres » « pas le courage de me lever pour aller boire ou pour aller aux toilettes » (quand elle est en état d’hyperglycémie). Son langage est assez simple, voire enfantin. .Lorsqu’elle parle de ses parents, elle dit « papa », « maman ». Le langage de ses camarades ou de certains de ses professeurs est accusateur « tu joues de ta maladie ». Quand Amélie évoque à sa mère ses problèmes de diabète au cours d’un voyage scolaire, cette dernière lui répond « bien fait » sur le ton de la plaisanterie.

RELATIONS FAMILIALES Depuis qu’elle a 6 ans environ, le père d’Amélie part régulièrement en mission dans le cadre de son activité professionnelle. Ses absences sont longues et leur durée est indéterminée. Quand il part, sa famille ne sait ni où il va, ni combien de temps exactement il va rester. Les échanges par mail sont extrêmement limités. Ses missions doivent rester discrètes et il ne faudrait pas que certaines informations soient divulguées inopinément au travers des échanges. Quand il revient à la maison, c’est pour plusieurs semaines. Il ne participe pas aux tâches ménagères ce dont se plaint beaucoup Amélie. Elle dit de lui « qu’il ne sert à rien » qu’il n’est que « son géniteur ». Amélie se souvient de sa présence à la maison quand elle était petite et qu’il s’occupait d’elle. La mère d’Amélie ne travaille pas à l’extérieur, depuis que son mari part régulièrement en mission. Elle est dépressive et sous traitement. Amélie parle d’une relation fusionnelle avec sa mère et la voit comme une copine (« sa meilleure amie » ?). Avec son petit frère de 11 ans et sa mère, ils ont constitué un cocon à trois dont Amélie se satisfait tout à fait. La présence de son père à la maison, quand il est de retour, la dérange. Elle reste alors dans sa chambre et le moins de temps possible à table… quand ce n’est pas lui qui s’isole ou refuse les sorties à quatre. Lors du rendez-vous chez le proviseur adjoint pour son passage en 1ere , la présence de son père et ses paroles « je suis confiant et fier de ma fille » l’ont beaucoup surprise, comme quelque chose qu’elle découvre et qu’elle n’imaginait pas. Sans pour autant que cela semble l’amener à poser un autre regard sur son père. Amélie évoque régulièrement la situation conjugale : les disputes et l’évitement des conjoints comme s’ils ne se supportaient plus. Elle aimerait que ses parents se séparent pour rester continuellement dans ce cocon à trois.

AFFECTIVITE, EXPRESSIVITE L’expression des affects et des émotions est très limitée. Amélie :( à propos de ses états d’hyperglycémie) « pas le courage de me lever pour aller boire ». Ses paroles sont dites sans accent de plainte apparent. Parfois cela donne plus l’impression qu’elle me partage un constat « pas le courage de me lever » que l’expression d’une plainte ou d’un découragement. Son père à propos de sa maladie ou de ses résultats scolaires : « comment va ta maladie ? et l’école ? ». Ces propos montrent à Amélie l’intérêt que porte son père à son état de santé et à sa scolarité sans donner pour autant d’indication, non plus, sur comment ses sujets l’éprouve lui véritablement. La répétition de ces questions, toujours les mêmes, à l’occasion des mails envoyés par le père en mission, finissent par agacer Amélie qui aimerait que son père s’intéresse aussi à d’autres aspects de sa personne (et là je me rends compte que je n’ose pas lui demander de me préciser lesquels). Cela me donne à percevoir un peu le goût du manque dans leur relation à eux deux.

QUALITE DE CONTACT ENTRE LE THERAPEUTE ET SA PATIENTE Quand je vois le nom d’Amélie sur mon agenda et envisage la séance à venir, je soupire. C’est lourd pour moi, d’une lourdeur écrasante, comme un effort à tenir dans la séance. Au cours de la séance, il ne m’est pas possible de laisser le silence s’installer. Je questionne sans cesse pour maintenir un échange. Je peux imaginer que rester en face d’elle dans le silence m’angoisse. La position d’Amélie face à moi est immobile et cette immobilité me donne envie de m’agiter, de m’échapper ( ?). J’ai l’impression que questionner sans cesse me permet de me soustraire à cette immobilité. Je ne sais pas dire comment Amélie supporte les silences. Je n’ose pas questionner « l’intime » : par exemple, partager mon impression qu’elle prend du poids et regarder cela ensemble ; ou bien questionner la relation avec son petit ami. Je suis avec une très grande pudeur et retenue sans oser lui partager. Nous restons « sages », face à face. Je me demande à quoi je sers. Lorsque j’ai pris la décision de faire de l’accompagnement d’Amélie le présent témoignage, je n’ai pas pu me décider à lui demander l’autorisation d’enregistrer nos séances. Il me semblait et me semble encore que lui demander serait prendre le risque de trahir quelque chose de la confiance qu’elle m’accorde dans nos échanges, confiance qu’elle me témoigne en acceptant de venir et de me parler. Je peux imaginer que ma crainte se base en partie sur ce que sa mère a pu me dire d’Amélie sur ses ami(e)s : « elle est très difficile » et sur les jugements qu’Amélie me confie sur la plupart de ses camarades ou certaines personnes de sa famille. Souvent le qualificatif « hypocrite » revient. Avec Amélie, je me rends compte que je « marche un peu sur des œufs », je vais faire attention à ce que je dis, comment je le dis … D’ailleurs, je ne dis pas grand-chose, je questionne, pour relancer les échanges, juste dans l’idée de ne pas rester dans le silence avec elle.

COURS DE LA PENSEE Ça commence, ça part ailleurs, il n’y a pas de continuité un peu comme si la parole d’Amélie nous entraîne d’un sujet à un autre. Je ne m’en rends compte qu’après coup. La parole nous entraîne et nous la suivons sans nous poser de question. Cela fait une impression de légèreté et nous empêche d’approfondir, de prendre la mesure de tout ce qui se dit.

THEME Le thème de la mort est très présent. Tout d’abord, au travers de la maladie grave qu’est le diabète. C’est une maladie très rapidement mortelle si le malade ne s’administre pas ses doses quotidiennes d’insuline. C’est une maladie invisible qui peut « attaquer » différents organes : les yeux, les reins,.. et causer des lésions irréversibles. C’est une maladie qui rend difficile la cicatrisation d’où de possibles complications graves en cas de blessure ou d’opérations : infection, amputation, … Le thème de la mort est également présent au travers du métier du père, qui part en missions, pour des durées longues et indéterminées, dans des lieux tenus secrets.

ANALYSE ET HYPOTHESES ISSUES DE L’ETUDE SEMIOLOGIQUE DE LA SITUATION Les analyses et hypothèses mises en avant par le groupe et la formatrice au cours de cette étude sémiologique me permettent de prendre conscience des éléments suivants :

Un état d’anxiété et de sidération majeur caractérise la situation.

La dimension de morbidité n’est pas sensible. Quelque chose ne peut pas s’élaborer des peurs et des angoisses. Toute la dimension de l’anxiété se dit de manière légère : exemple selon l’indication donnée plus haut : quand Amélie évoque à sa mère ses problèmes de diabète au cours d’un voyage scolaire, cette dernière lui répond « bien fait » sur le ton de la plaisanterie.

La parole est enfantine (« papa », « maman »), ce qui est peut-être une manière de mettre du doux. Le ton et le rythme de la voix amène à questionner l’élan vital et toute la question de « faire la fête » qui est un thème important chez les adolescents.

La demande de thérapie est portée par le groupe : l’infirmière scolaire qui donne mes coordonnées, les parents et Amélie qui suivent l’indication donnée par l’infirmière scolaire. Le self se développe en mode personnalité.

Les espaces affectés où il se passe quelque chose sont en lien avec le père.

Un contexte familial où une famille est déjà en déroute. C’est lourd et grave. Si mon impression était de ne pas « servir à grand-chose », il est grand temps de me mettre au travail pour servir à quelque chose justement. La thérapie (avec une thérapeute plus engagée) a toute sa pertinence. Je ne vais pas « déranger » à réclamer une séance hebdomadaire. Bien au contraire, une séance hebdomadaire a toute sa pertinence pour accompagner davantage Amélie.

PROJET THERAPEUTIQUE Comment approcher la situation ? Voir l’insupportable de ça ? Et comment cela ne peut se faire que par touches légères… Comment le thérapeute pris dans cet état d’anxiété et de sidération peut porter cela et témoigner de cela ? Et notamment permettre de : • parler pour pouvoir penser la situation, ne pas banaliser. • élaborer autour de la maladie, le diabète : une maladie invisible qui pose la question du sentir et d’un rapport à la sensibilité particulier : Qu’est- ce que ça veut dire manger ? Et aller au restaurant ? Qu’est-ce que cela veut dire ne plus sentir ses bouts de doigts et les conséquences possibles sur les bobos, les brulures… ? Qu’est-ce que cela veut dire des moments où tout peut vriller d’un moment à l’autre lorsqu’un état d’hypoglycémie ou d’hyperglycémie survient ? Et comment aider à appréhender la limite : hypo / hyper ? Qu’est-ce que cela veut dire accepter la maladie ? Et voir que la maladie est une manière de s’éprouver, de se comporter et ne pas se laisser prendre seulement dans l’aspect physiologique. Qu’il s’agit d’ouvrir des possibilités de se comporter alors que c’est l’impouvoir et l’épuisement qui se montrent, devoir regarder cela comme ouverture de possibilité .. un défi. • Elaborer autour de son poids : qu’est-ce que cela veut dire prendre du poids et de le voir par la quantité d’insuline prise qui augmente ? Qu’est-ce que cela veut dire « je suis normale » ? Cela ouvre la question de plaire à autrui, d’envisager d’être aimée. • regarder toute la dimension de la sidération, comment l’annonce de la maladie dans la famille a amené de la sidération partout. • Quels sont les appuis possibles quand la personne « saine » ( le papa) disparait régulièrement ? • mettre l’attention sur le passage affect / émotion. Par exemple : être « haute et basse », c’est-à-dire être en risque d’hyperglycémie ou d’hypoglycémie, concrètement c’est quoi ? Cela s’éprouve de quelle façon, comment cela participe dans les relations avec autrui : ce que cela permet ou bloque ? Me laisser me sentir concernée par ça. Passer du comprendre au sentir. • regarder le cours de la présence dans la séance

• voir la possibilité de revenir à une séance toutes les semaines en regardant l’aspect financier avec les parents et avec les parents seulement. • faire circuler la parole dans la famille • remettre quelque chose qui permet un accès à l’affectif • éprouver l’anxiété, la porter ensemble

SEANCE de mai :

PROJET DU THERAPEUTE Ramener sur le sujet du diabète dans l’idée de partager et d’éprouver ensemble. Objectif : commencer à approcher la dimension de l’anxiété, me laisser me sentir concernée par ça et le partager.

DEBUT DE SEANCE Je choisis volontairement de commencer la séance. Extrait approximatif. Thérapeute : « j’ai pensé à toi Amélie , j’ai pensé aux piqures d’insuline que tu t’aies faites entre nos 2 séances, et ce matin j’ai essayé d’en calculer le nombre et ça m’a paru vertigineux .. au début j’ai même pas réussi à calculer tellement ça m’a sidéré … tu le sais toi ? » Amélie, du tac au tac : « 84 et 42 par semaine » Thérapeute : « c’est lourd ! » et évocation de la lourdeur de mes paupières et de mes yeux que j’ai du mal à tenir ouverts. Amélie : « c’est trop pour une personne « comme je l’interroge sur son ressenti partage toutes les deux : « de la tristesse » « ça serre à l’endroit du cœur » …

Le reste de la séance consistera à parler de sa maladie, à regarder le détail de ce qu’elle vit et de comment elle fait avec.

FIN DE LA SEANCE J’indique la fin de la séance. Toutes les deux nous partageons notre impression que la séance a passé vite. Amélie (souriante) : « je suis contente, j’ai pu en parler (de sa maladie) pendant une heure ! D’habitude je ne veux pas en parler. Je suis fière de moi ! » Thérapeute : « ça me touche ce que tu me dis. Ça me parait important que tu puisses en parler quelque part, que nous puissions porter ça toutes les deux, pas toute seule ».

APRES-SEANCE POUR LE THERAPEUTE Ce que je fais immédiatement après une séance avec Amélie donne une indication de l’état d’intensité dans lequel j’ai été. En l’occurrence, pour cette séance, je me vois faire 20 minutes de jardinage et démarrer le débriefing de la séance seulement 30 minutes après. Il ne m’est pas possible de fournir l’effort intellectuel que représente le fait de me remémorer la séance même si je sais que ma mémoire à très court terme est généralement bien meilleure et qu’elle ne sera déjà plus la même 20 minutes ou 30 minutes après. J’ai bien en tête la nécessité du présent témoignage, mais je ne peux pas contraindre à rédiger. Je me sens dans le « trop » mais sans pouvoir même dire le « trop » de quoi. (

ENRICHISSEMENT AU NIVEAU DE LA SEMIOLOGIE

AFFECTIVITE La séance s’est déroulée beaucoup plus en mode ça. Elle a commencé avec l’évocation de la lourdeur, le partage de la tristesse et du cœur qui serre. A la fin de séance, Amélie a évoqué du contentement et de la fierté, peut-être de s’être risquée à partager avec moi, j’ai évoqué combien j’étais touchée de ce partage. Nous avons terminé joyeuses toutes les deux et j’ai ressenti un sentiment de proximité plus grand. Et quel soulagement aussi pour moi d’avoir pu nommer et partager nos sentiments, d’avoir pu commencer à envisager ensemble les contraintes liées à la maladie.

SENTIMENT CORPOREL Pour ne pas souffrir d’hyperglycémie le matin à son réveil, Amélie s’empêche d’aller aux toilettes avant de dormir et met son réveil à 5h. Le but est qu’une envie d’aller aux toilettes la réveille « naturellement » vers 3 / 4 h du matin. Ainsi, elle peut alors en profiter pour s’administrer une piqure d’insuline. Le réveil à 5h est là pour pallier au manque éventuel d’envie de se lever dans la nuit pour aller uriner. Amélie met en place cette technique 3 nuits par semaine, le week-end et le mardi soir. Les autres nuits, c’est sa mère qui met son réveil à 2 h pour lui faire sa piqure d’insuline. Nous voyons là comment la mère porte avec sa fille ce souci.

PAROLE, LANGAGE « je n’ai pas eu le sentiment d’être malade jusqu’à ce que je fasse mes piqures moi-même au Cp » « je ne sens pas mes piqures quand c’est quelqu’un d’autre qui me les fait » « y’a moi malade et moi pas malade : un soleil avec un nuage noir qui me suit, jamais reliés, je ne me relie pas à ma maladie » « c’est la honte le diabète, c’est honteux de se faire des piqures » et le lien que fait Amélie avec ce qu’il lui est arrivé un jour dans un restaurant. : alors qu’elle faisait sa piqure d’insuline, une mère de famille l’a traité de « droguée ».

« je ne fais plus mes dextros depuis février, elle (la diabétologue qui la suit) n’avait qu’à pas me dire que « c’est pas grave ».

(N.D.R Le dextro (ou hémoglucotest) est une technique de mesure simple et rapide de la glycémie (taux de sucre dans le sang). Il est réalisé avec un petit appareil lecteur de glycémie qui peut être utilisé par le patient lui-même. Cela consiste à se piquer au bout d’un doigt pour prélever une goutte de sang. La personne diabétique est supposée faire une dextro avant chaque piqure d’insuline pour ajuster la quantité d’insuline à s’injecter. Dans le cas contraire, la quantité d’insuline est calculée « arbitrairement » et la personne diabétique prend le risque alors de subir hypoglycémie ou hyperglycémie. A force d’être répété, cette technique entraîne insensibilité au bout du / des doigts.

ANALYSE DU RAPPORT D’AMELIE AVEC SA MALADIE Les propos d’Amélie recueillis à l’occasion de cette séance permettent de voir comment Amélie prend en compte sa maladie, la gravité de celle-ci et comment elle les prend en charge.

Amélie prend en charge l’aspect rapidement mortel de sa maladie : elle se fait les piqures d’insuline qui lui sont nécessaires. Mais elle ne le fait pas seule et demande à sa mère de lui faire certaines piqures et notamment celle de la nuit, ce dont la maman se charge 4 nuits sur 7. Amélie ne fait plus sa glycémie depuis plusieurs mois ce qui m’amène à me questionner sur ce qu’elle sait des effets à long terme du diabète- et d’un diabète insuffisamment « stabilisé » - sur ses organes et notamment la vue, les reins …

Amélie exprime un rapport honteux : « c’est la honte de se faire des piqures »

SEANCE FAMILIALE :

PROJET DU THERAPEUTE Le projet pour la séance est de me présenter au papa, de faire circuler la parole au sein de la famille et remettre quelque chose qui permet un accès à l’affectif. Mon projet est aussi de voir avec les parents la possibilité financière d’un suivi hebdomadaire et non pas toutes les 2 semaines. Cette séance me permet aussi de regarder la relation entre le père et la fille, de tenter de voir si elle est aussi dégradée que le dit Amélie. Amélie m’a prévenu : son père parle encore moins que sa mère et elle-même ce qui me fait appréhender encore plus la séance. Je prépare la séance avec le plus de soin possible. Pour cela je prépare des questions à poser à chacun dans l’idée d’éviter les silences et le malaise qui pourrait s’en suivre.

DEBUT DE SEANCE Je commence la séance avec un stress certain et l’accueil suivant (extrait) :

« Ça me réjouit de nous voir tous ensemble. Ça me parait important de me faire connaître auprès des 2 parents de Amélie, que vous sachiez aussi Monsieur quelle personne accompagne votre fille. Il ne nous manque plus que le petit frère d’Amélie pour être rassemblés au grand complet ! Je suis particulièrement touchée par votre famille, par l’histoire de votre famille. C’est pas rien d’avoir un membre de sa famille atteint du diabète. Ça l’ait encore moins quand il s’agit de sa petite fille de 5 ans ! C’est pas rien d’avoir un mari ou un papa dont le métier l’amène à s’absenter longtemps et pour une durée indéterminée loin de sa famille. Alors moi j’aimerais qu’on regarde ensemble l’histoire familiale. »

Ma première question s’adresse aux deux parents d’Amélie : « Qui veut bien me décrire à quoi ressemblait Amélie quand elle avait 5 ans ? »

Les autres questions sont posées de façon à ce que chacun imagine l’éprouvé de l’autre sur les sujets suivants : • l’annonce du diagnostic du diabète d’Amélie • comment Amélie vit sa maladie aujourd’hui ? • les départs en mission du père • la présence du père au rdv avec le principal adjoint pour le passage en 1ere S.

Cela donne par exemple la question suivante : « Amélie, peux-tu nous dire ce que tu imagines que ta maman a ressenti à l’annonce de ta maladie ? » Celui dont l’éprouvé a été indiqué par l’autre pouvait ensuite nuancer, compléter ou réfuter.

FIN DE SEANCE Je demande à Amélie de sortir quelques instants pour aborder avec ses parents la possibilité d’une séance hebdomadaire. Mon objectif est de regarder l’aspect financier avec ses parents seulement . En effet, c’est Amélie seule qui avait décidé de ne faire qu’une séance toutes les 2 semaines en arguant du coût de la thérapie sur le budget familial. Peu convaincue de mon utilité, je n’avais, à l’époque, pas vérifié auprès des parents. J’argumente ma demande en faisant état du niveau d’anxiété qui rend difficile la possibilité pour Amélie de prendre toute la mesure de sa maladie. J’indique que s’il y a un problème financier pour passer à une séance hebdomadaire, je peux ajuster mon tarif. Ses parents acceptent le principe d’une séance hebdomadaire. Le père précise qu’ils s’organiseront s’il le faut. Nous informons Amélie à son retour. Elle ne montre pas de réaction particulière et indique que cela ne sera pas possible la semaine prochaine en raison de son oral de français et de sa préparation. Rendez-vous est pris 3 semaines plus tard comme je suis moi-même en congé la première semaine de juin.

Je demande leur sentiment à tous par rapport au principe des séances familiales. Tous s’accordent à dire que « c’est bien ». Je précise mon souhait d’en faire régulièrement à intervalle à définir entre nous. Le père d’Amélie indique que pour la prochaine, s’il n’est pas là, ce sera son fils à sa place et « peut-être cela lui fera du bien ».

APRES-SEANCE POUR LE THERAPEUTE Je suis sortie soulagée et épuisée de la séance. J’ai été m’allonger directement et ai dormi une demi-heure. J’ai réalisé le débriefing une heure plus tard.

ENRICHISSEMENT AU NIVEAU DE LA SEMIOLOGIE

PAROLE, LANGAGE Les propos tenus par chacun sont brefs et ponctuels. Ils ont été faits en réponse à mes questions. Il ne m’a guère été possible de faire approfondir ou préciser. Par exemple, à propos de la description demandée d’Amélie à l’âge de 5 ans, le père m’a répondu que c’était une petite fille active. La maman a confirmé, quelque chose comme « oui, elle bougeait beaucoup, on ne s’ennuyait pas ». Je n’ai pas pu avoir d’autres précisions.

AFFECTIVITE, EXPRESSIVITE Il est très difficile pour Amélie d’entendre son père parler de « fatalité » à propos de sa maladie et qu’il n’y a pas d’autre choix que d’y faire face. Rien n’a semblé pouvoir atténuer le difficile ( ?), l’insupportable ( ?) de ça : ni les excuses de son père par rapport à la façon dont il dit les choses, ni son aveu « non, il ne s’y fait pas à la maladie pour sa fille », ni mon intervention : « pour papa, faire face ne veut pas dire que ce n’est pas dur ».

Amélie a repris sa mère quand cette dernière a dit que c’était « pas facile pour Amélie de supporter sa maladie ». Amélie a rectifié « c’est dur, c’est pas elle qui supporte la maladie et les piqures ».

Le père d’Amélie n’a pas su (ou n’a pas osé ?) imaginer et nous dire ce que sa présence au rdv avec le principal adjoint a créé chez sa fille.

La question de la sensibilité est apparue quand Amélie a évoqué son petit frère et le rôle de « gardien » qu’il joue par rapport au diabète de sa sœur, en l’encourageant à faire ses piqûres ou en étant attentif à ce qu’il ne faut pas qu’elle mange. Amélie dit l’écouter plus que ses parents « parce qu’il est sensible, qu’il pleure quand on ne l’écoute pas alors qu’il prend soin des autres ». Une ressemblance entre Amélie et son père a été évoquée : elle est « dure » comme son père et a du caractère comme lui. Je suis intervenue pour évoquer la carapace avec laquelle chacun peut recouvrir sa sensibilité, dans l’idée d’indiquer à Amélie qu’avoir une apparence ou une attitude « dure » ne signifie pas que l’on n’a pas de sensibilité , parfois bien au contraire. Amélie a pu entendre, que s’ils le pouvaient, chacun de ses parents seraient prêts à prendre sa maladie. J’ai souligné ces propos

Avec le recul, je me rends compte qu’il y a eu du « prendre soin » dans la séance : chacun, à un moment donné, est intervenu pour adoucir quelque chose en faveur de l’autre : • Madame, envers son mari, pour adoucir les propos d’Amélie qui évoquait la difficulté de sa mère de tout prendre en charge quand son mari est absent mais aussi quand il revient. Amélie indiquait que son père ne participe pas non plus aux tâches ménagères quand il revient. Sa mère a précisé, à ce moment-là, qu’il reprend en charge l’autorité parentale.

• Amélie envers son père à propos de son absence aux réunions parents/ profs au lycée. Amélie a indiqué que son père détestait faire la queue au supermarché alors ce n’est pas possible pour lui d’attendre son tour pour voir les professeurs qui ont toujours beaucoup de retard dans leurs rendez-vous.

• Monsieur pour s’excuser auprès d’Amélie de « mal dire les choses » (au moins 2 fois).

• Moi envers son père pour tenter d’expliquer à Amélie ce que je crois qu’il entend par « fatalité « , que s’il dit qu’il y a à faire face, cela ne veut pas dire qu’il s’y fait.

La séance s’est déroulée de façon polie et courtoise. Chacun est resté « sage », à sa place, à ne parler que quand je questionnais. Il me semble bien que personne n’a jamais rien rajouté à mes demandes de précisions. Amélie m’a semblé parlé sans gêne, son père s’est montré plus précautionneux et s’est excusé 2 fois vis-à-vis de sa fille « de ne pas savoir dire les choses ». Le père a exprimé son point de vue par rapport aux profs « avant une vocation, maintenant ils font juste leur métier … des truffes …enfin pas tous ». Il y avait quelque chose de la gêne, beaucoup en début de séance. Mon impression était que la famille est là parce que je l’avais demandé. Je peux imaginer aussi la situation d’insécurité aussi comme c’était la première fois. Je me suis entendue mettre de la légèreté dans ma façon de questionner, d’apostropher pour essayer de mettre à l’aise. Cela m’a été facile à faire, beaucoup plus que d’insister pour approfondir ou faire préciser. En général, je m’arrêtais au bout d’une ou deux sollicitations. Je me suis perçue dans la gêne d’insister, dans la crainte de les mettre en difficulté. Je me suis vue beaucoup sourire. Ça a pu un peu rire et sourire avec moi.

VIE SCOLAIRE Amélie bénéficie d’un P.A.I. (plan d’accueil individualisé) pour sa scolarité au lycée. Il lui donne apparemment juste le droit de s’absenter et d’aller à l’infirmerie quand elle est souffrante ( si tant est qu’elle puisse s’y rendre en cas de malaise ?!). Certains professeurs peuvent prendre son état de santé en considération et lui faire refaire ses contrôles quand elle est absente pour raisons médicales. Mais tous ne le font pas.

En conclusion, par rapport à mon projet de séance qui consistait à faire circuler la parole et remettre quelque chose de l’affectivité, je dirai que la séance a permis à ce que la famille se pose et « s’entende » pour ne pas dire volontairement « se parle » parce que cela n’a pas été exactement le cas. Amélie m’apparaît être la plus apte à parler aux autres, en l’occurrence ses parents. Je n’ai pas entendu les parents se parler entre eux ou s’apostropher, ni s’adresser à Amélie d’ailleurs. Contrairement à une séance avec la mère et la fille où les deux pouvaient se parler librement.

SEANCE

PROJET DU THERAPEUTE ET EPROUVE

Je suis avec la culpabilité de m’être trompée de semaine et de ne pas avoir envoyé un message d’encouragement à Amélie -au moment où j’y ai pensé - pour son bac français. Mon intention était de lui exprimer ma sympathie et de lui indiquer que je pense à elle et pas seulement au moment des séances. Mon projet est le même que pour notre dernière séance individuelle : continuer à approcher la dimension de l’anxiété, me laisser me sentir concernée par ça et le partager.

DEBUT DE SEANCE Je démarre la séance en lui demandant comment s’est passé pour elle le bac français. ( et sans oser lui parler de ma culpabilité !). Amélie m’explique qu’elle a très peu fait de révision. (Je fais le lien intérieurement sur le fait qu’on ne s’est pas vu la semaine de préparation du bac français justement parce qu’elle devait réviser et n’ose pas le lui mentionner). « Toute l’année, le soir, je tape le cours de la journée, je le relis et je relis un texte précédemment » Thérapeute : « je suis impressionnée par ta mémoire ! … une mémoire surtout pragmatique alors (comme Amélie m’explique qu’elle déteste le français, qu’elle oublie tout après) « je n’aime pas les récits d’invention … » Thérapeute : tu dirais que tu n’es pas créative ? (Question que je regrette aussitôt dans la crainte de la froisser ou de l’amener à regarder une difficulté chez elle qu’elle pourrait voir comme un défaut ou une faiblesse et avoir honte de ça, et sans lui faire part de mon regret) Amélie m’explique ce qui fait qu’elle choisit la dissertation pour le bac français.

Je poursuis la séance en lui demandant comment s’est passé l’après séance familiale. Amélie me répond« on s’est embrouillé avec papa à propos de la fatalité quelque jours après et le week-end dernier » Je cherche à explorer ce qui la dérange dans ce mot de fatalité. la fatalité pour Amélie c’est comme si c’était « prédestiné ». « oui et moi ça m’a choqué » J’explique à Amélie ce que je crois que son père veut dire par ce mot ( je me rends compte que je cherche à adoucir, adoucir le propos , adoucir la relation, mais sans le lui dire ) Thérapeute :« ça veut dire que c’est là quoi , on ne peut pas le changer , comme le ciel est bleu et ni jaune ou orange » Thérapeute : « ça va être dit un peu durement , mais tu n’as pas le choix …pas le choix de te soigner ...sinon …( grimace) » et Amélie me donne des exemples (pour me convaincre ?) « c’est comme quand ma grand-mère, la mère de mon père, est morte : mon grand-père l’a appelé en pleurs et il a répondu : « c’est la fatalité » , ça m’a choqué , moi quand ma mère perdra sa mère , elle ne dira pas ça … »

La conversation continue sur : accepter la maladie pour Amélie ce serait quoi ? l’alimentation (et je crois entendre : « parce que là c’est n’importe quoi » ) faire son insuline … (En fait je comprends que pour Amélie, c’est tout bien faire par rapport au traitement). Et aussi : « ne pas avoir honte d’être malade » Thérapeute : « et devant moi, tu as honte Amélie ? » Amélie : « c’est pas pareil, devant les personnes plus âgées c’est pas pareil ... » et de m’expliquer comment cela a été difficile l’année dernière au lycée et que du coup, cette année, elle n’a pas parlé de sa maladie, que certaines de ses amies ne sont pas au courant. Amélie évoque « encore un mois avant d’avoir terminé l’année » et je crois saisir la notion de « tenir » pour elle mais sans en prendre la mesure dans l’immédiat, et poursuis sur l’analyse : Thérapeute : est-ce qu’on peut dire que l’année dernière a été une année particulière, que peut-être il y a eu une situation particulière ? L’exploration de l’année nous permet de mettre en avant : • les propos du professeur d’anglais « tu joues de ta maladie », propos relayés par les élèves. • le principal adjoint qui voulait la faire redoubler au vu de ses absences alors qu’il ne savait même pas pour sa maladie. • le conseil de classe auquel elle a assisté et où elle a rapporté les propos de sa professeur d’anglais et comment la prof d’anglais l’a traité ensuite dans les couloirs de « menteuse » … Thérapeute : oui c’est sûr tu as subi ça … (sans nommer l’éprouvé de consternation qui m’habite à ce moment-là, c’est tout ce que j’ai pu lui dire au mieux).

APRES SEANCE J’écris dans mon débriefing combien pour moi, c’est dense, c’est confus. Je me rends compte que je ne saurai pas dire ce qui nous amène d’un sujet à un autre. Je me rends compte que je retiens certains propos ou questions. Je me rends compte combien je retiens l’expression de mes éprouvés, que je ne les retiens pas volontairement, j’ai plutôt l’impression de ne pas pouvoir les nommer parce que je n’y suis pas suffisamment attentive. Cependant je peux sentir que l’affection grandit, et aussi l’aisance, la spontanéité, nous nous retrouvons à rire un peu. Et je note des phrases à peine entendues : « l’alimentation c’est n’importe quoi ».

ENRICHISSEMENT DE LA SEMIOLOGIE

QUALITE DE CONTACT ENTRE LE THERAPEUTE ET SA PATIENTE Avec Amélie je me crée : • dans la culpabilité (de ne pas avoir envoyé de message de soutien … alors qu’elle ne me l’a pas demandé). • dans l’expression de mon éprouvé, mais seulement celui agréable : « je suis impressionnée par ta mémoire ! », j’imagine pour favoriser la perception et l’expression du sien et me rendre plus proche. • dans la crainte de la froisser ou de l’amener dans la honte (mais sans le lui dire) • dans la difficulté à entendre ce qui m’angoisse ou peut être honteux (« l’alimentation, c’est n’importe quoi !) • dans la direction de la séance : c’est moi qui pose les questions • dans chercher à adoucir • dans l’analyse et l’explication

Avec moi, Amélie se crée : • dans l’explication • dans « l’obéissance » ( ?) : elle répond à mes questions • dans la volonté de me convaincre, de me ranger à son avis (au sujet des propos tenus par son père) pour favoriser notre proximité ?

Ce qui me laisse à penser qu’il y a encore beaucoup d’anxiété et combien je reste fragile dans mon projet thérapeutique d’approcher et de partager l’anxiété.

LE CADRE DE LA THERAPIE AVEC ENFANTS EN GESTALT THERAPIE L’accompagnement de l’enfant et de ses parents en Gestalt-thérapie pose d’emblée l’une de ses principales particularités : il s’agira non seulement d’accompagner une personne – un tout petit, un enfant ou un adolescent- mais aussi d’accompagner cet enfant et ses parents « pris » ensemble au sein d’une même situation. C’est donc avec l’enfant mais aussi tous ensemble que le Gestalt thérapeute va s’appliquer à regarder les choses dans l’idée que l’enfant n’est pas « ni tout, ni seul, ni simple responsable » de ce qui arrive.

UNE MANIERE DE PENSER L’ENFANT ET SA SOUFFRANCE / UNE MANIERE DE PENSER LA SITUATION QU’EST-CE QU’UN ENFANT ? C’est d’abord un petit être en cours de … En cours de formation, en cours de croissance et de développement physique et physiologique, en cours de maturation et de développement psycho-affectif... C’est, dans les premiers moments de son existence, un tout petit dans un rapport de dépendance totale, vitale, à ses parents. Devenu enfant puis adolescent, ce rapport de dépendance s’estompe mais n’en demeure pas moins ce qui le caractérisera jusqu’à son passage à l’état d’adulte. Un enfant se définit donc dans un rapport à un ou des adultes mais aussi en rapport à ces adultes : l’enfant est un adulte en devenir.

L’enfant c’est aussi cet être vulnérable qui donne la dimension parentale à ces adultes qui sont ses parents. Biologiques ou affectifs, ses parents ont la responsabilité de préserver les conditions de croissance du vivant : la chaleur, la nourriture, les soins corporels, le sommeil. Ils sont les obligés de ça. Les parents sont ceux aussi qui prennent soin, qui prennent en charge, qui assument une responsabilité, une autorité, qui seront toujours là pour l’enfant, comme un appui inconditionnel. Leur rôle est d’éduquer, de protéger, d’éveiller, de transmettre une culture. L’enfance se regarde donc aussi comme vivre avec autrui qui donne des manières de faire.

QU’EST-CE QU’UN ENFANT POUR UN GESTALT-THERAPEUTE ? Avec l’éclairage de la phénoménologie, la Gestalt-thérapie nous amène à penser l’être humain de manière tout à fait spécifique Le Gestalt-thérapeute va penser le bébé, l’enfant dans sa dimension d’existant, comme toujours en devenir de lui-même et qui doit choisir, décider de ses manières de se comporter. Et il va regarder la pathologie comme une modalité d’exister, une forme langagière, c’est-à-dire la manière d’être présent, de pouvoir se donner forme. Pour lui, la pathologie est une manière de tisser des formes qui témoigne d’une souffrance et met en difficulté le rapport au monde quotidien.

Le Gestalt-thérapeute va penser et éprouver la rencontre comme le lieu de la mise en sens, en signification, en direction de ce qui génère souffrance et détresse. Dans son travail, il va se poser et éprouver les questions suivantes : • Qui est cet enfant-là auprès duquel j’existe ? • qui suis-je à sa rencontre ? • par quoi est éclairée ma rencontre avec l’enfant ?

En d’autres termes, le Gestalt-thérapeute va regarder l’enfant, son évolution et ses difficultés, dans la situation, celle présente ou relatée, et va chercher à ouvrir d’autres formes de compréhension de la situation. Mais travailler dans la situation, qu’est-ce que cela veut dire ? La situation est toujours en rapport à. En gestalt-thérapie, l’accompagnement ne se fait pas avec un enfant isolé. Il s’agit d’accompagner un enfant en rapport avec son entourage, un contexte, une époque. Par exemple savoir qui fait la demande de thérapie : l’enfant (ou l’adolescent) ? les parents ? l’école ? le médecin ? les grands-parents ?... Cela donne un contexte et une situation dont le thérapeute doit tenir compte.

Il s’agit de penser et d’accompagner à partir d’une situation et non pas à partir d’une personne isolée.

LES CONSEQUENCES SUR LE TRAVAIL DE LA THERAPIE AVEC LES ENFANTS ET LES PARENTS

LE PREMIER ENTRETIEN Le thérapeute va regarder le souci amené par les parents et l’enfant de façon à déculpabiliser : il va faire l’hypothèse avec eux qu’il y a des malentendus et non pas d’imaginer que, peut-être, ils ne feraient pas bien ou que l’enfant est tout responsable. Le thérapeute va chercher aussi à dédramatiser et apaiser l’inquiétude à une époque où la vulgarisation de la culture psy amène plein d’informations et du coup plein de questionnement chez les parents. Le thérapeute indique aux parents qu’ils vont travailler en partenariat et qu’ils ont le droit de le questionner, de l’interpeller, de venir à une séance s’ils le souhaitent. Le thérapeute peut dire : « on est ensemble concernés et ça reste très ouvert ». Le thérapeute est avec, prend part, il ne s’agit pas d’être en face des parents et de l’enfant. Ensemble, ils vont nommer, partager, chercher ensemble et, notamment, discuter du cadre de la thérapie.

LE CADRE DE LA THERAPIE Le spécifique dans l’accompagnement des enfants concerne : • la parentalité : qui est emmenée en séance aussi. En gestalt-thérapie, accompagner des enfants c’est aussi recevoir les parents ; un enfant est forcément lié à ses parents, il en est indissociable. Le cadre est très souple et élaboré en fonction de la situation et au fur et à mesure des besoins : des temps peuvent être prévus, avec les parents seulement, pour traiter des questions qui ne concernent pas l’enfant et ainsi préserver leur image et leur égo. Les parents sont donc reçus s’ils le demandent et le thérapeute peut aussi prendre la responsabilité de décider de faire venir tel parent ou la fratrie par exemple. Et ce, même si l’enfant ne le veut pas. Il s’agit de réfléchir ensemble, de pouvoir élaborer, pouvoir penser, pouvoir s’orienter ; la question n’est pas de rentrer dans un conseil ou une injonction ( sauf s’il y a carence) mais d’accompagner les parents dans leurs difficultés.

• la demande du patient : dans les thérapies d’enfant, la plupart du temps la demande est portée par les adultes : parents, enseignant, médecin, … rarement par le « patient » (l’enfant) lui-même. Se pose alors la question de son engagement dans la thérapie. • l’engagement : on ne peut pas demander à un enfant de « s’engager » dans la thérapie ; l’engagement est une modalité réservée aux adultes. Ce n’est pas parce que l’enfant vient, qu’il « s’engage », il est important de garder en mémoire que l’enfant peut s’exécuter pour obéir à ses parents. • l’alliance thérapeutique : elle ne s’élabore pas qu’avec l’enfant mais aussi avec les parents. Le thérapeute vérifie au départ si c’est ok pour les parents qu’il suive leur enfant. • la prise de rendez-vous se décide aussi avec les parents. • le prix des séances n’est pas payé par le « patient » (l’enfant), mais par ses parents. Demander à l’enfant une contribution (caillou, dessin, …), à l’occasion des séances, reviendrait à lui demander de payer pour ce qu’un adulte – à savoir là un thérapeute- fait pour lui. Ce qui n’existe pas dans la vie courante. • la durée de la thérapie : le thérapeute veille à ne pas faire durer la thérapie … même si c’est plaisant et agréable pour l’enfant ( !). • la confidentialité : elle est limitée : le thérapeute se réserve la possibilité de prévenir les parents de ce que l’enfant peut lui avoir confié s’il le juge nécessaire. Il prévient l’enfant : « si je suis inquiète, je me réserve le droit d’en parler à tes parents ». En dehors de cette possibilité, la confidentialité s’exerce en faveur de chacun : enfant et parents. Certaines questions ne vont pas concernées l’enfant et ne seront vues qu’avec les parents. Inversement, le thérapeute a le souci de rassurer l’enfant : « ce que tu dis reste entre nous sauf si des éléments relèvent de l’autorité parentale ». • le lieu de la thérapie : Le thérapeute n’est pas dans son cabinet exclusivement. Il peut se déplacer. Il est important qu’il s’autorise à prendre contact avec l’instituteur par exemple.

LA SEMIOLOGIE Peut-on parler d’une pathologie de l’enfant ? Aujourd’hui, nous sommes dans une société très normée et rapidement les parents sont inquiets si l’enfant sort de la norme. Mais, en général on ne parlera de pathologie mentale qu’à partir de l’adolescence. Faire un travail de sémiologie consistera à regarder les possibilités de l’enfant de se comporter. Pour le Gestalt-thérapeute, ça devient pathologique quand ces manières de se comporter sont souffrantes. Il est important aussi de se poser alors la question suivante : souffrant pour qui ? Pour l’enfant ? Pour ses parents ? Ou bien pour l’instituteur ? Ou… ?

Dans les grandes lignes, la sémiologie va concerner • la qualité du contact • la manière dont la demande s’exprime : qui demande ? et comment ? • la manière de dire, de se dire • les fonctions mnésiques : les manières de se souvenir • l’évaluation du langage : la production langagière, le rythme, les particularités du langage, la dimension de communication des mots (c’est dit ? c’est jeté ?...) • la manière d’exprimer l’état affectif et l’émotion • la manière d’explorer

LA POSTURE DU GESTALT-THERAPEUTE Dans son travail avec l’enfant et /ou avec ses parents, le gestalt-thérapeute va partir de la manière dont la forme langagière, c’est-à-dire la manière d’être présent, de pouvoir se donner forme, donne place et lieu. Ainsi, quand deux personnes se parlent, elles se donnent forme, elles prennent place ensemble et cela ne serait pas la même chose avec une autre.

Dans son souci premier de « prendre soin d’exister à autrui » et d’être dans un délibéré qui s’ajuste en permanence, le gestalt-thérapeute a aussi le projet d’aller vers un mieux et pour cela il va chercher à enrichir . Il sera à l’occasion de ça, et non pas à l’origine. Il va ainsi regarder la situation présente ou relatée et chercher à ouvrir d’autres formes de compréhension de celle-ci et amener les parents à ceci. Son projet est de sortir des malentendus qui se créent dans toute situation d’existence .

Le Gestalt-thérapeute va par exemple : • Se poser la question de ce qu’il se passe de la parole entre eux .La question du sens se construit dans la situation, il va chercher à ouvrir le sens et pas un sens interprété qui risque d’amener du jugement ; par exemple : « j’entends que c’est important pour vous que votre petite fille soit au top ». • Enrichir les possibilités d’être ensemble ; par exemple, les yeux de maman qui coulent, le thérapeute va questionner l’enfant : « qu’est-ce que cela veut dire ? maman est triste ? malheureuse ? touchée ? c’est important ? » • interpeller là où c’est déjà « mangé » et compris, pour ne pas pacifier mais plutôt questionner : par exemple : « vous me dites que vos enfants sont jaloux . Jaloux ça veut dire quoi ? Jaloux plutôt que quoi ? ». • inviter à penser • imaginer pour les parents : proposer « je peux imaginer que ça pince » .. • arriver à nommer des comportements « ça pince ». • ouvrir la possibilité de se parler à trois et inciter parents et enfants à se parler • témoigner là où ça nous parle • appeler à des variations, voir si ça peut prendre • …

Et plus globalement, accompagner les parents à une posture affectueuse avec responsabilité.

PERSPECTIVES DE TRAVAIL AVEC AMELIE

DE LA SIDERATION OU RIEN NE PEUT S’ELABORER A L’EXPLORATION D’HYPOTHESES ET DE PROJET THERAPEUTIQUE

Hypothèse : le pesant des relations d’Amélie avec chacun de ses parents influe sur son diabète qui est très déséquilibré . Projet thérapeutique : explorer les relations avec chacun des parents, de façon séparée et non en couple, afin de les améliorer.


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