Résumé des conférences journée INSERM

Résumés des conférences

 Francis Eustache, Directeur de recherches en Neuropsychologie et neuroanatomie fonctionnelle mémoire (INSERM Caen). Unité de recherche U1077, Inserm, EPHE, Université de Caen/Basse-Normandie Titre : "L’étude de la mémoire humaine et de ses troubles" Les travaux provenant de la pathologie humaine et ceux utilisant l’imagerie cérébrale ont proposé que la mémoire était composée de différents systèmes en interaction. Cinq grands systèmes sont le plus souvent différenciés. La mémoire à court terme (ou mémoire de travail) a une place singulière car elle a pour rôle le maintien temporaire et la manipulation d’informations pendant des durées brèves, n’excédant pas quelques secondes. Les autres systèmes de mémoire (mémoire procédurale, mémoire perceptive, mémoire sémantique et mémoire épisodique), systèmes de mémoire à long terme, sont organisés de façon hiérarchique. Ces systèmes entretiennent de nombreuses relations qui permettent le changement de statut de la trace mnésique au fil du temps. Par ailleurs, les études visent à décrire les processus qui surviennent lors des stades d’encodage, de stockage et de récupération des informations. Le sommeil est impliqué dans la phase dite de stockage où surviennent différents mécanismes de consolidation des traces mnésiques. Les bases physiologiques de ces mécanismes et les possibilités de les moduler restent en partie inconnues. Les modèles de mémoire s’étendent aujourd’hui aux liens d’une part avec l’identité personnelle et d’autre part avec la cognition sociale, car différents mécanismes (de voyage mental) semblent en partie communs à ces différents processus. La neuropsychologie de la mémoire présente un statut particulier dans l’histoire des sciences et de la pensée car elle tient une grande partie de ses connaissances de l’étude d’une relation approfondie entre un patient et un clinicien-chercheur.

 Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, phoniatre, ORL (Univ. Louvain) Titre : "Quand la génétique bouleverse la nosologie : illustration par le cas du et des bégaiements. Les récentes découvertes en génétique et en neuro-imagerie et neuro-biologie ont obligé les parties prenantes dans le domaine du bégaiement – et d’autres troubles de la parole a changé de perspectives théoriques. Il s’est produit un véritable glissement paradigmatique qui oblige à revoir la nosologie de ces troubles de parole et, partant, leur prise en charge.

 Gorana Bulat-Manenti, Psychanalyste, Paris Titre : "Corps biologique, corps psychique : quel lien ?" L’évolution d’une maladie, d’un symptôme dépend d’une multitude de facteurs dont la causalité est aussi extérieure à notre corps biologique. Cette causalité trouve sa source dans le langage qui construit notre corps et le modèle : une parole peut le faire tenir debout, ou le laisser tomber ! Le moment de déclanchement d’une maladie, d’un symptôme réside dans le nouage de plusieurs dimensions que l’on pourra différencier dans une analyse et toujours après coup, comme un nouage selon une clinique indiquée par Lacan comme celle des dimensions du symbolique, de l’imaginaire et du réel. Jamais une donnée définitive, notre corps grandit, bouge ou déchoit s’il n’est pas reconnu dans un lien à l’autre. N’étant pas une donnée en soi il doit être arraché aux pulsions qui le dominent pour s’humaniser : mais il perd de cette humanité lorsqu’il est réduit à l’organisme ou à la chair.

 Corinne Moy, Dr en sciences de l’éducation, Enseignante rééducatrice, formatrice (Paris) Titre : "L’aide rééducative à l’école : le corps en jeu dans une dynamique relationnelle et symbolique" L’aide rééducative à l’école crée un espace où les enfants reconnus dans leur globalité, jouent, dessinent, peignent, écrivent, inventent, créent. Dans le jeu, le corps est mis en mouvement, il agit la symbolisation, il parle en actes, il appelle la relation à l’autre. Le rééducateur inscrit ces manifestations corporelles dans la signifiance, dans une dynamique relationnelle et favorise ainsi l’équilibre de l’énergie pulsionnelle. La créativité de l’enfant se déploie avec du corps, du langage dans un espace partagé avec un autre ou quelques autres. L’enfant se découvre actif à l’école, peu à peu prêt à se lancer dans les apprentissages.

 Jacques Fradin, Directeur de l’IME, Comportementaliste et cognitiviste, (Paris) Titre : "Émergence d’une thérapie neurocognitive". Certaines connaissances sur le cerveau nous permettent déjà de décrypter et gérer différemment la psychologie ou la pédagogie. Ainsi, la description des modes mentaux automatique et adaptatif traduit un déplacement relatif de l’activité neuronale des territoires médians, postérieurs et bas vers le cortex préfrontal. Cette régulation inconsciente dépend du niveau de complexité de la situation et de maitrise que nous en avons... mais dans laquelle certaines routines/croyances ou le stress peuvent jouer le rôle de perturbateurs. On peut alors concevoir de nouvelles stratégies de recrutement plus conscient et efficient du mode adaptatif, en amont de la résolution de problèmes.

 Gérard Pommier, psychiatre, psychanalyste, Professeur en psychopathologie à l’Université Paris 7. Titre : "Hypothèse sur la mémorisation des traces" L’apprentissage de la parole montre sans expérimentation spéciale qu’une présence affective est nécessaire pour l’inscription de traces mnésiques sonores, puis pour leur répétition dans la parole. C’est dire que chaque trace est tributaire de son rapport avec de multiples autres traces. Et ces dernières dépendent d’une présence extérieure. De cette dépendance à une présence affective procède non seulement le développement neuronal lui-même, mais sa plasticité autrement inexplicable. Seuls les couplages de chaque trace dans plusieurs aires différentes expliquent qu’elles puissent renaître lorsqu’elles ont été lésées, mais cette renaissance elle-même dépend des capacités transférentielles préservées. On attend avec intérêt les résultats des recherches neuroscientifiques qui montreraient le degré d’autarcie des apprentissages humains qui sont pour les plus importants dans la dépendance de la parole.

  Jeanne Moll, Dr en sciences de l’éducation, formatrice à l’Agsas (Association des groupes de soutien au soutien ou Balint pour enseignants) Titre : "Sensibiliser, dans le champ pédagogique, à la complexité de l’humain" Ma rencontre avec les découvertes de la psychanalyse quant à la complexité du psychisme et mon étude des écrits de pédagogues proches de Freud qui ont osé penser autrement leur pratique m’ont déterminée à cheminer, dès lors, entre pédagogie et psychanalyse. Comment sensibiliser les futurs enseignants et étudiants de l’université à la complexité de l’humain ? Comment les amener à penser la multidimensionalité en même temps que la singularité des sujets que nous sommes ? Réfléchir aux déterminants de la relation à autrui et à soi, à l’intrication, dans nos actes, de l’intelligence et de l’affectivité, à l’impact des regards et des paroles pour la construction psychique de l’humain, tels sont quelques-uns des axes d’une recherche poursuivie en formation continue, en référence à une éthique de l’altérité où l’on vise ensemble la construction d’une plus grande humanité.

 Brigitte Aupiais (orthophoniste enfants, langage), (Hôpital de St-Maurice, 94) Titre : "Coexistence de troubles neuropsychologiques et de troubles du comportement chez l’enfant. Quelle prise en charge ?" Les troubles du développement de la parole et du langage, ainsi que les troubles des apprentissages s’inscrivent parfois dans des tableaux cliniques complexes associant des atteintes cognitives et comportementales. La prise en charge thérapeutique nécessite un diagnostic soigneux afin d’adapter au mieux les propositions de remédiation aux déficits.

 Edith Blanquet, psychologue clinicienne, philosophe, Gestalt thérapeute, (Toulouse) Titre : "Penser l’être humain". Cette présentation commencera par le contexte d’une époque : celle que nous nommons moderne ou post-moderne. Nous en dégagerons rapidement quelques axes de lecture : la mort de Dieu et l’avènement du sujet humain, le développement de la technique, la manière de penser la vérité et le mode de penser des sciences. L’explication de l’homme : les pathologies mentales et leurs étiologies, de la psyché au cerveau, de la psychologie à la neuropsychologie. Nous nous pencherons davantage sur une autre manière de penser qui ne vise pas à fonder en raison : celle que la méthode phénoménologique met en oeuvre et qui délaisse la symptôme pour accueillir le phénomène. Prenant appui sur la manière dont Heidegger nous ouvre une alternative à une anthropologie avec sa méditation de l’être humain compris comme Dasein, nous aborderons les travaux de Médard Boss et de la psychiatrie phénoménologique pour proposer une manière d’entendre la souffrance humaine et ses formes langagières : une autre manière de comprendre ce que veut dire pouvoir être corporel, ce que veut dire le monde et ce que peut vouloir dire vérité. Si nous en avons le temps, nous envisagerons la théorie du self initialement élaborée par Fritz Perls , fondateur de la Gestalt-thérapie, théorie remaniée selon la pensée du Dasein. Ce faisant nous ouvrirons des questions et proposerons des témoignages quant à une telle posture d’accompagnement "psycho"thérapeutique.  
 Hélène Loevenbruck, Chargée de recherche CNRS en Langage et Cognition Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (CNRS UMR 5105), Grenoble Titre : "Les neurosciences cognitives et les manifestations du langage intérieur" La littérature et les sciences humaines, en s’appuyant sur l’introspection et la réflexion, ont sondé le langage intérieur et décrit sa phénoménologie. Les neurosciences, la psychologie expérimentale, la psycholinguistique, la psychiatrie, grâce à leurs méthodes empiriques et leurs outils de mesure, apportent un éclairage pertinent sur la nature et les fonctions du langage intérieur. Elles montrent qu’il joue un rôle central dans la mémoire de travail, la mémoire autobiographique, la planification, la résolution de problème, la lecture, l’écriture, la pensée, la conscience de soi, l’auto-régulation et le développement du langage chez l’enfant. En nous appuyant sur des données récentes, nous comparerons les caractéristiques comportementales, physiologiques et cérébrales de la parole à voix haute et de la parole intérieure ; nous passerons en revue diverses manifestations objectivables du langage intérieur, lors de la lecture, de l’écriture ou du vagabondage verbal mental ; nous évoquerons la forme du langage intérieur chez les personnes sourdes utilisant la langue des signes et les prémisses de la parole intérieure chez les nourrissons ; nous aborderons enfin les corrélats neurophysiologiques de deux cas de dysfonctionnement du langage intérieur : les ruminations mentales et les hallucinations auditives verbales.

 Hervé Chneiweiss, Pdt du comité d’éthique de l’INSERM et directeur de recherche en neurosciences (Laboratoire Neurosciences Paris-Seine, Jussieu) Titre : "Neurosciences et neuroéthique" Les travaux menés en neuroscience s’inscrivent dans une tension entre recherche fondamentale (comment fonctionne cet organe qui me permet de me poser la question « qui suis-je » ? ») et recherche finalisée cherchant à répondre aux immenses besoins sociétaux en matière de lutte contre le handicap, la dépendance, la maladie mentale, voire la détérioration des fonctions intellectuelles. Il s’agit aussi de répondre à la demande sociale qui considère l’intégrité des capacités physiques et intellectuelles comme une priorité. Par ailleurs, nous sommes confrontés au détournement de ces progrès à des fins d’amélioration des performances - au travail, au sport, à l’armée, du comportement des enfants à l’école, aux stratégies de publicité et de consommation - ce qui nous interroge sur notre maitrise des conséquences à venir des connaissances acquises ou en cours de l’être. Le concept de vie privée, de liberté de pensée, de liberté de conscience, d’autonomie de la personne, sont remis en question par certaines utilisations des neurosciences.