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Premier compte rendu


Le groupe de lecture de Carcassonne à convenu de faire une pause dans la lecture des textes de Henri Maldiney pour se consacrer à la lecture du livre suivant . Comme à l’accoutumée nous mettrons en ligne les comptes rendus de nos reunions. Vos échos et rebonds sont les bienvenus par le biais du site, rubrique « contact ».

Article « Présentation » de Bernard Granger- p 11 à 15 – Phénoménologie des sentiments corporels, Tome I (Editeur :Association le cercle herméneutique, collection phéno., Argenteuil,2003 ,208 pages) Les textes publiés dans ce recueil constituent les actes de la Vème conférence internationale de philosophie et psychiatrie qui s’est tenue à paris les 28, 29 et 30 juin 2001. Les passages en italique sont des extraits du texte. Cet article présente le découpage du livre, l’enchainement des articles. Le postulat de départ est que la psychiatrie doit s’appuyer sur la philosophie. Il importe de poser le contexte d’écriture de cet article : Pendant un temps, la philo et la psychiatrie étaient en lien, ce qui a permis cette réflexion particulière, phénoménologique, sur la maladie mentale, et cela jusqu’au développement des neurosciences. La psychiatrie s’affilie alors à la la biologie . Or, c’est l’appui sur la philo qui permettait tout le travail autour du normal et du pathologique en se questionnant sur « ce qu’est Être » et non en pensant en terme de norme, d’un « c’est comme cela qu’on est ». Ainsi il convient que la psychiatrie s’appuie tant sur la biologie que sur la philosophie.

L’auteur propose d’explorer un domaine délaissé par la psychopathologie : la douleur. Ce qui nous amènera à différencier douleur et souffrance, douleur, angoisse, et dépression, douleur physique et douleur morale…. Il nous propose d’entendre la douleur au niveau physiologique et la souffrance au niveau du vécu de la douleur.

Il expose ensuite la position classique qui définit 4 composantes à la douleur :

Douleur sensorielle : elle renvoie au senti et au corps. Elle est alors « un message sensitif » à décoder en termes de qualité, d’intensité, de durée et de localisation.

Douleur émotionnelle : elle renvoie à la souffrance, au ressenti, ce que le patient éprouve à l’occasion de sa douleur.

Douleur cognitive : elle est la manière dont cette douleur s’inscrit dans l’histoire du patient. C’est la symbolisation d’une douleur (la manière dont le senti va être pensé) comme événement qui participe d’une histoire de vie. La signification émerge dans le lien avec l’histoire d’une personne dans un réseau de causalité, de succession chronologique, de détermination… C’est par cette composante que nous pouvons comprendre qu’une maladie ne va pas être vécue de manière identique selon les personnes : une bronchite sera vécue différemment par quelqu’un qui est asthmatique que par une personne ayant une bonne capacité pulmonaire…

Douleur comportementale : elle désigne les manifestations comportementales observables : motrices, verbales et physiologiques. C’est la manière qu’a celui qui souffre d’être en relation avec son entourage et dans le même mouvement de se donner forme.

Ensuite, l’auteur énonce différents thèmes qui lui paraissent être abordés dans ce premier tome.

• Les possibilités de discours de la douleur et de discours sur la douleur vont être examinées selon les perspectives heideggerienne et merleaupontienne. Pour parler de la douleur, il va falloir s’appuyer sur une théorie de la corporeïté et sur l’élaboration de la notion de plainte. • D’autres articles vont s’intéresser à ce que l’on nomme les sentiments corporels, c’est-à-dire principalement la fatigue, l’ennui, l’épuisement, la lassitude, la dépersonnalisation, le dégout. Ces sentiments nous amènent à la question de la temporalité, au temps vécu.

La notion de l’ennui chez Heidegger est ce qui m’amène à sentir le temps qui passe, dans sa brutalité sans pouvoir le symboliser autrement. Dans l’ennui, je m’éprouve avec du temps encore à passer. C’est le temps lui-même qui devient figure et non le temps vécu, traduisant une défaillance de la structure du projet. « Alors que la dépression se caractérise par un échappement à la temporalité » : cet échappement est en opposition à ennui car dans l’ennui j’éprouve complètement la temporalité alors que dans la dépression, au sens de mélancolie, ce qui est évacué, c’est la possibilisation de soi. C’est un échappement au temps car ça arrête la dimension du possible, du rapport à l’avoir à être, (être est de l’ordre de la possibilité). La temporalité ouvre alors des possibilités vides car elles sont déjà traduites en effectivité, c’est un « déjà eu lieu », un « si j’avais…, je n’en serai pas là… » Pendant longtemps, on a négligé l’étude de la douleur. Maintenant, il y a des centres anti-douleur, avec le risque de réduire la douleur à des aspects sensoriels, à un comptage, à une forme de gestion comptabilisée, qui perd toute la qualité de la sensibilité… et nous expose à la dérive de la notion de soin… conçue comme une entreprise de gestion de pompes à morphines ou autres… Retour sur une phrase qui nous semble importante : L’idée que le bonheur, la capacité à trouver une signification, une satisfaction dans l’accomplissement de soi est tout à fait exclusive de toute souffrance, est une idée dangereuse, qui amène à des déceptions si on a n’a pas intégré dans sa propre éducation qu’il doit y avoir une place pour le souffrir… La douleur n’est pas un opposé au bonheur, qu’il s’agirait d’éradiquer.

Dans la manière dont nous avons décidé d’accompagner les personnes en thérapie, il est question d’apprendre à vivre avec l’émotion, les sentiments, la douleur, la tristesse comme des formes d’existence, contrairement à l’idée assez répandue qu’avec la thérapie on ne souffrirait plus.

• D’autres articles seront consacrés à la notion de culpabilité, qu’il faudra différencier dans ses composantes dépressive, névrotique et de celle qu’on appelle normale. • Le déclin de la culpabilité indique une évolution de notre société au profit de l’efficacité de la production et au détriment des valeurs morales. Nous sommes dans une société où la manière dont l’être s’oublie et se dispense, évoque la notion du stock, de l’utilisable. Cela fait perdre toute la dimension de l’affectivité, de l’humanité, de l’être comme possibilité, ouverture.

Dans notre manière de comprendre « souffrir », il y a un aspect qui nous semble important à prendre en compte. Souffrir n’est pas uniquement lié à une douleur physiologique, c’est aussi lié à « endurer ». « Pathos » est-il souffrance ou endurer ? On retrouve ça dans éprouver, dans le sens de la jouissance lacanienne, jouir pleinement : quelque chose dans lequel je suis pleinement ou bien être pleinement soi-même ; jouir pleinement de soi…. Jouir de quelque chose c’est avoir la pleine propriété de … la jouissance d’un bien.

Parler des souffrances humaines ne doit pas nécessairement nous plonger dans l’affliction.