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Septième compte-rendu. Article "le contact"


La dimension du contact au regard du vivant et de l’existant. (de l’esthétique-sensible à l’esthétique-artistique)

Compte-rendu N°7

De la page 200 "les formes par lesquelles l’existence humaine….. à la page 203 …au regard du vivant et de l’existant"

Tout au long des paragraphes qui constituent le texte compris entre les pages 200 et 203, Maldiney s’emploie à préciser la notion de "entre" comme possibilité de l’apparaître. Il procède à un détour linguistique et culturel via le Japon et l’Allemagne pour affiner la notion du "entre" français qui a perdu sa précision sémantique d’apparaître. Le sens commun le définit comme l’espace entre deux "quelque chose". Dans la culture française, le « entre » est compris en référence à la notion de sujet ; le sujet étant, chez nous, le fondement de toutes choses (philosophie moderne initiée par Descartes). Par ce détour, Maldiney respecte une démarche heideggerienne : c’est par l’épreuve de l’étranger que le familier se découvre.

Dans le premier paragraphe "Les formes par lesquelles…..moment apparitionnel", Maldiney aborde et explicite la notion d’aïda. Il se sert des mots allemands "Zwischenraum" et "Zeitraum", qui donnent l’idée d’espace-temps (pour qui maîtrise l’allemand ! zwischen se traduit par entre ; raum c’est l’espace au sens d’aménager ; Zeit c’est le temps) et pour renforcer l’idée d’une temporalité de « l’entre » et donc de l’apparaître. Il utilise également le test de Rorschach – à propos desquels les psychologues du groupe sont sollicités pour expliciter "les blancs"- et le témoignage d’une expérience avec un chamois pour suggérer l’apparaître. On ne peut que suggérer l’apparaître, le nommer va en faire un étant (de la même manière que dire l’être c’est l’occulter en tant qu’être et le révéler en tant que cet étant là venant à sa présence ; de même que l’acte de la Gestaltung ne peut se saisir ailleurs que par la forme ou Gestalt qui la traduit en oeuvre). L’acte de « s’apparaître » suspend le cours du quotidien, mais nommer l’apparaître ( donner une forme au procès de l’apparaître), dire ce qu’il est (Gestalt), c’est l’oublier en tant qu’apparaître : le faire devenir apparu.

Nous prenons un exemple : où est le bord de mer ? A mes pieds, à l’instant où l’eau arrive, et repart, et déjà plus…

C’est du « entre » que je deviens moi-même ? C’est plutôt de la co-survenue de l’ « entre » et du sujet-en -voie-de-lui-même (apparaître) que surgît le moi-même (apparu). L’être ne paraît jamais en pleine lumière, il est la condition de possibilité d’éclaircie des étants (voir compte rendu N°6). Il se donne à voir dans un rapport processuel figure/fond : une figure s’éclairant d’un fond se retirant et qui nous convie à la notion de frontière-contact (d’où cette notion d’éclaircie qui se distingue de la pleine lumière que recherchait la philosophie moderne : idée d’une pleine lumière de la raison, d’un savoir qui serait tout ; cela souligne que le sensible est toujours plus « vaste » que le percevoir. Le sentir nous renvoie à la notion de forme : une figure s’éclairant d’un fond s’opacifiant. La notion de forme ou Gestalt ne renvoie pas à un étant ; plutôt elle indique une mise en oeuvre). La frontière contact n’est pas un espace délimité, géographique. Elle est là où s’opère la différenciation : l’ « entre ». Elle est le signe slash ( /) figure/fond. L’aïda n’est pas une simple relation qui met en rapport des existences séparées, c’est à dire des sujets pré-constitués, des substances pré-définies. L’aïda est ce qui permet que des objets séparés puissent apparaître ; il est le là où s’opère la différenciation. De la même manière, c’est le rapport à l’être qui fonde la possibilité d’avoir ouverture au monde, d’y être en tant que devenant soi-même (cf. le processus figure/fond). L’être est ce qui fonde la possibilité pour des étants. C’est pour cela que l’humain, et lui seul, ek-siste, car il se tient dans l’ouverture au monde, dans l’éclaircie de l’être. Il est ouvert pour comprendre un monde d’étants dont il est parti prenante. Maldiney parle de la « conversion soudaine de l’être au monde », nous le comprenons comme l’l’apparaître dans sa survenue. En Gestalt-thérapie, cela nous évoque le déploiement du self en mode personnalité et en mode ça qui va permettre au mode ego d’advenir. C’est pour cela que nous réservons une signification particulière au mode ego qui s’éloigne de la lecture classique en Gestalt-thérapie : le mode ego traduit l’ajustement créateur d’un je, la forme ajustée ou situation où je devient pleinement qui je suis, là, situé maintenant et ensuite : moi et ce qui n’est pas moi. La situation se réfère au chronos et le "il y a" au kairos, à l’ouverture. De là découle que le Gestalt-thérapeute n’agit pas de manière délibérée en ce qui concerne le mode ego du self, comme dans la conception plus classique de la Gestalt-thérapie.

Dans le paragraphe suivant - qui court de "(page 201) Ce entre nous fait entendre…à (page 202) tout simplement la vie" – Maldiney précise que l’aïda, en tant que lieu d’origine du soi-même authentique, correspond à la traduction du Dasein comme l’être-le-là ; en ayant en tête que c’est le "le-là" qui est important, car c’est ce qui est propre au vivant. En Gestalt-thérapie, cette phrase "Avant le qui, avant le quoi, il y a le où" nous interpelle. Nous qui ne recherchons pas un "quoi" premier d’une cause, ni un "qui" sujet, cause efficiente d’un projet. Mais, nous, qui cherchons le comment de l’expérience, le comment d’un déploiement de forme. La forme impliquant à la fois un sujet et un monde, les deux indéfectiblement reliés et toujours en voie d’apparaître (ici, maintenant et ensuite : le processus de l’in-formation ne pouvant se saisir c’est-à-dire se suspendre). Onozukara donne l’idée d’un mouvement dynamique universel qui nourrit mizukara. Avec une lecture "gestaltiste", onozukara et misukara nous amènent au concept théorique de figure/fond, tel que nous le concevons : onozukara est le fond qui permettrait mizukara, la figure s’éclairant. Rappelons que dans le PHG., (et en cela nous retrouvons l’appui de la Gestalt-thérapie sur la Gestalt théorie) la figure et le fond sont deux éléments séparés ; une figure claire et brillante se détache nettement d’un fond. Du coup cela entraîne une frontière figée et l’élaboration d’une théorie du sujet. Le ji-nen japonais est à rapprocher du physis grec avec le sens de nature jaillissante.

Page 202 " Cette distinction japonaise…….(page203) au regard du vivant et de l’existant"

L’essence de ce dernier paragraphe peut s’énoncer ainsi : Se mouvoir différencie la chose du vivant et se pouvoir différencie le vivant de l’existant Nous avons noté la belle image de Maldiney "les horizons mouvants d’un espace vital". Elle dit à peu près ceci : c’est le mouvement qui produit l’espace vital, les limites ne sont pas des frontières définies, elles sont sans cesse en voie de se constituer. Sur la notion de soi, Maldiney précise que sentir et se mouvoir sont toujours liés ( et cela nous permet de penser le concept de contact/ contacter de la Gestalt-thérapie). C’est le mouvement qui origine la subjectivation, c’est à dire la création de moi en tant que je-sujet différencié. Dans le mouvement je sens, je me sens et je me donne forme, forme sans cesse en abîme. Petite parenthèse : le percevoir est une restriction du sentir ; le percevoir est sans cesse reconduit auprès d’un sentir qui vient le nourrir. Sur la question de la subjectivation, André Pichot, dans son livre "Petite Phénoménologie de la Connaissance" (Aubier 1991), parle de disjonction d’évolution. Pour lui, le mouvement produit une différenciation qui disjoint et qui, en même temps, donne une direction. C’est cette disjonction qui produit la conscience du corps. L’évolution (le mouvement ?) augure une disjonction, c’est à dire une différenciation qui crée une conscience de moi/ ce qui ne l’est pas… et ensuite le sentiment de continuité de moi. Nous terminons ces pages en essayant de cerner le « schizophrène ultime » : il n’y a plus de lieu où il y est, il n’y a plus d’espace d’appropriation, il n’y a plus rien qui l’accroche dans le monde. On cite l’exemple du style de présence du schizophrène catatonique et de celui de la schizophrénie pauci-symptomatique…

Plus de lecture pour affiner : "Regard japonais sur l’espace propre". Joël Bouderlique

http://www.cairn.info/article_p.php ?ID_ARTICLE=EMPA_054_0020