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Deuxième compte rendu de lecture.Le contact...


Groupe Maldiney

La dimension du contact au regard du vivant et de l’existant. (de l’esthétique-sensible à l’esthétique-artistique)

Compte-rendu N°2

page 189 "Or on peut en dire presque autant…." à page 190 "Ce en quoi il echoue."

Avant propos (préambule en guise d’ouverture de notre séance de travail)

En tant que Gestalt-thérapeute, nous sommes conviés de renoncer à la psychologie comprise comme une technique pour nous pencher sur celle de l’ontologie. Nous devons nous intéresser à la question de l’être et non plus à la question du sujet psychologique. En effet la théorie du self comprise dans une perspective de champ nous invite à questionner la possibilité du devenir sujet qui se manifeste par la manière dont un je advient en s’appropriant le langage dans lequel il séjourne en tant qu’existant. La psychologie propose une théorie du sujet : qu’est-ce que c’est que la conscience, la connaissance, les fonctions cognitives, affectives. La psychologie pose le sujet comme pré-constitué et étudie comment il fonctionne et par là vise à comprendre les motifs de son dysfonctionnement. La question de l’être se pose ailleurs, en amont d’un sujet constitué et ouvre la question de la possibilité d’un devenir sujet : qu’est-ce que c’est qu’avoir à être pour un humain ? Sans présumer d’un sujet déjà là. Pour nous la thérapie en appelle davantage à la philosophie qu’à la psychologie, la physiologie, bref à la scientificité. L’ontologie renvoie à la question de l’être. L’ontique c’est l’étant (que je suis), là où je suis pris dans ce que je fais : la dimension de la quotidienneté de l’être, là où l’être s’oublie dans le mouvement même où il se manifeste en étant qui il est, et où le sujet humain évolue dans l’évidence de sa présence. Comme thérapeute, nous nous tenons dans une position articulée ontico-ontologique : nous nous préoccupons de la personne dans sa vie quotidienne mais notre façon de nous tenir vient la solliciter dans une manière de se resituer quant à son être, quant à ses possibilités d’être qui elle est. C’est ça advenir en son Dasein.

La chair Maldiney dit que le masochiste a rencontré la question de la chair, pas celle du corps. Dans le langage courant nous utilisons généralement le mot corps plutôt que le mot chair. Ainsi évoqué, le corps est corps physiologique, celui que j’ai. La chair est le corps pris dans un réseau de significations. Le corps traversé de langage devient humain, la chair est ce qui distingue l’humain en tant qu’existant et pas simplement vivant ;le terme vivant référant à la dimension biologique (et cela nous situe comme vivant et non pas minéral par exemple). La chair est le corps sentant-senti. Moi simultanément qui sent et qui me sent. Cela rejoint la problématique de devenir soi même. Le sentant-senti est très présent dans la psychose –nous évoquons la dissociation mentale des schizophrènes qui sentent mais qui ne se sentent pas-. Je ne peux pas me renvoyer à moi, du coup je ne peux pas me situer dans une proximité aux choses, me rapporter et aux choses et à moi. Il n’y a pas d’ouverture de l’espace ou de temporalisation, ça s’ouvre sur un mode particulier, un mode "trop près", "immédiat" (voir Kimura Bin « psychopathologie phénoménologique » Puf ). Cela rejoint aussi ce que dit Ricoeur (« soi-même comme un autre ») avec les deux niveaux de l’identité : idem et ipse. Ce de moi que je connais (idem) et l’autre de moi que je ne connais pas, qui, pourtant, est toujours là (ipsé). Du point de vue du self, pour qu’il y ait de la nouveauté dans les constructions de significations, il faut que je dispose d’un monde connu mais il faut aussi quelque chose qui me dépasse et que les mots que je dis ouvrent à un inconnu ( pour que le self se déploie en mode ego ; traduisant l’acte de mon entrée en présence).

La coïncidence et la fission Le masochiste cherche la coïncidence du corps sentant et du corps senti. Il cherche que ça soit le même, ce qui est impossible car c’est tout ce que je ne sens pas qui éclaire ce que je sens et vice versa. Le dictionnaire dit de la fission : emprunté à l’anglais pour désigner la rupture d’un noyau d’atome (sens moderne) ou la division cellulaire par scissiparité (peu usité). Selon notre compréhension de l’œuvre de Maldiney, alors nous pensons que c’est le deuxième sens qu’il utilise pour décrire l’impossible coïncidence. La division fondamentale du toucher et du sentir fait que la quête d’unité, de totalité est vaine ; le fait que je touche met en vue ce que je ne touche pas, limite mon appropriation ( cf « le visible et l’invisible de Merleau-Ponty). Lacan a théorisé (l’objet petit a) sur le désir qui est toujours sans cesse nourri parce qu’aucun objet, in fine, ne peut jamais satisfaire mon désir. Tout objet qui va être momentanément l’objet de mon désir va aussitôt reconduire le désir et renvoyer au manque à être lacanien. Je ne peux pas être le tout. Cela nous fait évoquer aussi la question de la toute puissance notamment les travaux de Mélanie Klein la question du clivage de l’objet (objet partiel, objet total). Endurer qu’à un moment, l’objet ne peut être total, qu’il ne se donne que par esquisses (Husserl).

La jouissance La jouissance est l’instant (kaïros) d’une rencontre qui n’est plus alors altérité irréductible, notament la jouissance de l’autre, le sexe de l’autre. C’est une rencontre mais je ne peux pas pleinement y être, je ne peux que le rencontrer et m’y trouver (par chance dixit Maldiney).

Le masochisme.

La division fondatrice du toucher et du sentir fait que la quête d’unité, de totalité est vaine. Consciousness et awareness ne peuvent jamais coïncider. Toute conscience est d’écart, c’est à dire de différenciation je et non je. Le fait que je touche met en vue ce que je touche, ce que je ne touche pas limite mon appropriation et la situe (référence au travail du négatif –Fichte, Hegel, Schelling…).

Le problème phénoménologique auxquels nous convient le masochisme et le sadisme est le problème du sentir, de l’intensité du sentir. C’est ce qu’ouvre Maldiney dans cet article. Le masochisme est un problème d’existence. Si nous regardons la pathologie d’un point de vue phénoménologique, le masochiste nous met devant cette particularité de l’existence qui est que l’humain est toujours du côté du sentir. Le paranoïaque nous met, lui, devant un problème d’existence qui est l’inconséquence où l’angoisse ; que toutes décisions le conduisent au doute. Le paranoïaque est taraudé par le doute, c’est pour cela qu’il s’accroche à une projection unique. La posture phénoménologique du thérapeute peut s’énoncer ainsi : la personne que l’on rencontre n’est pas un malade qui a un problème de malade. Elle est un existant qui a un souci d’existant. Un souci que le thérapeute partage avec lui. Le plus petit dénominateur commun que le thérapeute a avec le malade mental est celui d’exister. Sauf que le patient s’éprouve réduit dans son pouvoir être ( définition de la maladie mentale) et c’est alors au thérapeute d’aller vers lui, là où il manifeste encore un pouvoir être. A ce moment là, il peut y avoir communauté de monde entre le patient et le thérapeute existant l’un à l’autre. C’est à cela que l’article « l’existant » de Maldiney nous avait convié. La rencontre thérapeutique est celle de deux existants et non plus celle d’un spécialiste de la psyché face à un malade. La posture du thérapeute n’est pas de l’ordre de « l’en face » mais de « l’exister à » ; y être avec.

La façon d’exister du masochiste est un éprouver intense du senti. Il recherche cet éprouvé avant que le senti se divise en plaisir ou douleur. Il cherche à se sentir. Il y a une recherche de suspension de l’éprouvé dans l’intensité, sauf que quand on est humain, l’intensité se traduit automatiquement en une forme de plaisir ou de déplaisir. Ce sont les deux principes de Freud : touché dans un humain, déjà divisé. Alors que l’on pourrait dire que le masochiste est en recherche de quelque chose de l’être sentant, c’est à dire avant qu’il ne devienne un sujet ou souffrant ou éprouvant du plaisir. Il cherche à tenir ce moment là qui est de l’ordre du kairos car dès qu’il se sent (ce qui est inéluctable) il est dans le chronos, l’ici et maintenant. A la lumière de cela, nous ne pouvons peut être plus dire que le masochiste est celui qui recherche activement la douleur et y éprouve plaisir. Freud dit que l’excès de plaisir amène du déplaisir. Il situe l’excès au niveau quantitatif (point de vue économique de la topique). Nous pouvons plutôt considérer qu’il y a un endroit (un moment ?) entre plaisir et déplaisir où il n’y a plus de différence, il n’y a plus de je. C’est l’instant du kairos, du sentir. Cet instant est antérieur à la fission sentant-sentir ; L’instant que cherche le masochiste.

La proposition de Maldiney est de regarder le masochisme de ce point de vue là. Le masochiste ne cherche pas à se faire mal (cf le sens populaire : le plaisir dans la douleur), il met en œuvre une alchimie qui lui permette enfin de se toucher totalement, de jouir pleinement de lui même. Etre partout pleinement lui même or nous ne pouvons pas être pleinement, entièrement touchant-touché. Le masochiste, pour Maldiney, cherche à toucher de lui ce qui n’est pas accessible, et cherche dans la rencontre à se toucher encore plus : à toucher l’intouchable de lui même. Le masochiste utilise la souffrance pour se toucher au maximun lui-même comme si la souffrance pouvait être un toucher plus plein, plus intense. Le dictionnaire dit de hétéronomie : 1) état de la volonté qui puise hors d’elle-même dans les impulsions ou dans les règles sociales le principe de son action. 2) absence d’autonomie. Pour maitriser la faille que le masochiste pressent dans l’interiorité, celui-ci intègre la douleur comme élément extérieur indispensable à la coïncidence. Mais il se heurte à nouveau à la fission… Il nomme plaisir cette douleur en essayant de la vivre comme une jouissance, c’est à dire comme un état réunifié de son être (et de le vivre en haute intensité ?). Ce en quoi il échoue. Jouissance : bien dont je suis en pleine propriété, pleine au sens de rempli, de total.