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CR N°3 "d’un entretien de la parole" suite Pages 90-92


Compte rendu n°3 - "D’un entretien de la parole" - Martin Heidegger. Corinne Simon, Frédérique Remaud, Marie-Christine Chartier, Edith Blanquet. Mars 2018 - La Vacheresse

« Alors que ce que cherchait à dire l’entretien… de Constance » p 90-92

Thème : La manière dont le comte Kuki relate sa période d’études auprès de Heidegger et celle d’autres japonais dont le professeur Tanabé qui étudia auprès de Husserl la phénoménologie ; l’évolution de la pensée de Heidegger, son chemin à partir notamment d’un texte de Husserl : Les « Recherches Logiques », texte qui l’appelait à aller creuser . Il situe sa carrière universitaire, et ce qui a éveillé sa pensée avec notamment le « traité des catégories » de Dun Scott : donc il nous donne les sources de sa pensée. Et il dit que ça l’appelait la question ontologique) sans savoir où ça le mènerait.

La pensée d’Heidegger ne peut pas s’articuler comme ça à la clinique : ce n’est pas une pensée ontique. La question d’être n’est pas celle d’un sujet psychique eu sens structuraliste. (c’est la manière dont notre culture a peu à peu entendu ce que substance veut dire qui a conduit à cette perte d’épaisseur signifiante du mot)…Dasein est une méditation quant à la manière humaine d’avoir à être , autre que celle de définir l’humain comme substance matérielle au sens moderne du mot. Quelque chose n’est pas encore pensé dans la Daseinsanalyse : personne n’a osé lâcher/ problématiser la pensée moderne du psychique compris comme structure, logique psychanalytique, pour penser à partir du Dasein. il est des tentatives, des abords tels ceux de Blankenburg, de Médard Boss notamment qui restent à travailler… Le chemin est vraiment pour nous la théorie du self. Ce que j’ai trouvé dans la GT, c’est que la théorie du Self pensait autrement qu’à partir du psychique. Mais elle pensait encore trop d’une manière ancrée dans le psychique. Comme un copié collé de la relation psychique posé sur la relation duelle, la relation je-tu. L’agressivité située dans la relation plutôt que dans l’intrapsychique. Cela relève d’un impensé, car ils n’avaient pas encore connaissance de la puissance de la pensée du Dasein qu’ouvrait Heidegger. Ce que j’apporte à la GT, c’est la pensée du Dasein, qui oblige à décloisonner la théorie du Self. Jean-Marie Robine a commencé à la mettre en mouvement par sa manière de restituer les principes de champ, sans prendre la mesure de ce que cela impliquait de penser à partir de là. Cela oblige à re-questionner la pensée de l’homme...ce que veut dire être humain ...ce que veut dire pour un humain avoir à exister et cela oblige à ajuster la théorie du self. Cela questionne la formation des thérapeutes. J’ai envie de travailler à partir de la situation clinique et articuler la théorie et la pensée du Dasein à partir de comment chacun est travaillé dans sa posture de thérapeute. La pensée politique et la pensée du soin actuelle n’ouvrent pas vers une formation de thérapeutes longue et une pratique de la thérapie autre que technicienne et « efficace ». Ado Huygens, l’école belge travaille à partir de la pensée du Dasein. Ils voient là quelque chose de novateur = la deuxième génération de la daseinsanalyse. Ils ne sont plus obligatoirement de formation initiale psychanalytique … Néanmoins l’entente de la différence ontique/ ontologique pour le dire philosophiquement est souvent délicate et conduit à des contresens… les existentiaux ne sont pas des catégories, des affirmations …

L’école française de Daseinanalyse reprend la pensée d’"Etre et Temps", mais ne fait pas forcément la « différence » entre être et temps, rapport ontico-ontologique qu’il faut lâcher à un moment, il faut penser autrement à partir de l’Ereignis… et ils construisent des existentiaux comme des choses substantielles ainsi par exemple l’amour ou la nostrité. Autre ex : la distorsion n’est pas une substance et il est intéressant de la penser à partir de la présomption/maniérisme, car c’est la condition de la possibilisation de soi. La distorsion n’est pas un existential. Maldiney parle de la possibilisation de soi, mais nous ne mesurons pas l’ampleur clinique de ce que cela donne à entendre ....Donc ils prennent « les formes manquées… » comme des structures où ils transposent structures mentales et existentiaux. Comme le nous devient un existential : Il n’y a pas de liste exhaustive ! C’est un rapport ! augurant. Le Dasein est ouverture ce n’est pas un autre nom pour dire le sujet. Ils confondent existential et catégorie. (comme organisme et environnement ; forme et fond) = manque de précision logique. L’épaisseur de la dite n’est pas entendue… L’épaisseur de la parole comme lieu d’habitation. (et pourtant Maldiney a bien écrit « Estres de la langue et demeure de la pensée » : texte très difficile certes).

Cela situe le texte : Chemin clinique ➔ structure ➔ théorie du self ➔ Dasein Principes de champ : articulation possible, à condition de les penser à partir d’autre chose, que les champ de conscience de Husserl… C’est là où ça se noue !! La Daseinsanalyse quand elle se dit phénoménologique, elle ne fait pas la différence : la phénoménologie n’est pas un chemin de pensée, n’est pas un corpus ; et dans ce chemin il y a la pensée de l’humain chez Husserl, et la pensée de l’être humain chez Heidegger. Ce sont 2 façons de questionner : qu’est-ce que veux dire être humain.
- Husserl dit : l’être, on n’y a pas accès donc intéressons-nous à ce que nous pouvons connaître, ce que l’ego psychologique peut connaître, mais il parle d’un ego transcendantal, qui est le support de l’ego empirique, l’ego dans la quotidienneté.
- Et Heidegger parle de Dasein, être-le-là, qui n’a rien à voir avec l’ego empirique ni celui transcendantal husserlien. Il est ouverture, question pour avoir à être, c’est à dire habitation langagière, nous sommes traversés par la parole. Et il s’en dit de la parole comme un site pour une habitation humaine, mondaine. Parlent de structure : l’étant humain, le sujet humain, l’ego empirique de Husserl, la forme d’habiter la parole de la quotidienneté chez Heidegger (dévalement)… pensés comme structure psychique c’est-à-dire un ici psychique, un intérieur psychique. Du coup la distorsion devient structure psychique et n’est pas une forme langagière. Quand Edith Blanquet parle de pathologie, elle parle de forme langagière, c’est-à-dire d’une manière d’habiter, c’est-à-dire y être appelé, avoir à y être moi thérapeute et patient. Et pas structure de la personne du patient. autre exemple la distorsion et la perversion psychanalytique n’est pas de l’ordre du même.

Si je fais l’hypothèse que la théorie du self est l’hypothèse de l’information langagière : je au monde ➔ c’est ça que je dis quand je remanie la théorie du self. On va comprendre la pathologie humaine comme la façon dont habiter la parole nous convie à une souffrance, à une épreuve, possibilité d’expérience, possibilité de se prendre pour quelqu’un. Et il y a des manières de cette épreuve qui sont plus douloureuses que d’autres. Et qui sont douloureuses au point que ça fait pathologie. Car l’angoisse fait partie de la question humaine, avoir à être ; mais il y a des manières d’angoisser (quand je parle de ce patient qui ne peut s’empêcher de vérifier son tél, ou du délire… : cette manière d’habiter la parole expose à ne pas pouvoir trouver sécurité suffisante. Donc c’est l’horreur et c’est une souffrance que nous allons prendre en soin. Ce n’est pas une souffrance banalisée au sens souffrir, endurer, possibilité d’expérience. C’est une expérience pathologique, qui fait que ça met en danger la communauté mondaine quotidienne. Et ce sont des manières de donner forme : Gestaltung, tisser rapport figure/fond, donc ouvrir possibilité d’un site pour qu’il y ait relation, des manières d’habiter ensemble. Mais pas des formes du psychisme de X ou du psychisme d’Y. Je ne suis que lieu d’un rapport, slash, un rapport appropriant/différentiant : Gestaltung, c’est une autre manière de le dire. Donc forme langagière. Je c’est juste une forme dans une phrase. Une forme devant laquelle je dois m’incliner et qui révèle un inouï. Fédier : entendre l’inouï de ce que nous proférons ! C’est à dire la parole nous parle, elle nous dit et elle nous invite à en entendre l’énormité/l’ouvert. S’arrêter pour dire : qu’est-ce que je viens de dire ? Et renoncer à l’idée que je maitrise .. conceptualiser/méditer ce que je dis. Ce que je dis me donne à entendre et je dois en répondre : en me comportant. Et ça c’est la posture thérapeutique pour moi. Le thérapeute est là pour garder l’ étonnement devant ce que nous venons de dire et ce que ça nous appelle à entendre, plutôt que ce que nous en avons compris, au sens de maitriser. Regarder là où nous y sommes pris dedans, compris au sens heideggérien, au sens existential. Cette manière d’y être pris nous appelle à prendre place. Ça c’est tout le travail de la thérapie. C’est la posture Dasein…

Ethique de cette posture dans notre monde ? ➔ La posture d’Heidegger est une posture éthique dans le sens ethos, habiter. Ethique c’est : quelles sont les conditions de possibilité conformes ou propices à une humaine habitation du monde : humaine plutôt que objectale, que substantielle, que réifiante. Et éthique est une question que nous devons préserver. Qu’est-ce que ça veut dire être humain ? Habiter un monde conforme à l’humanité de l’homme. Et du coup ce serait préserver une question. Jamais une réponse. Et si on dit ‘cette’ éthique, on a répondu et on fait de l’éthique qqchose... la déontologie… ou un principe moral (au sens d’une moralité quotidienne, pas de la question morale Gewissen ; la conscience morale qui est question !) Nous devons préserver la question car notre société a déjà répondu : l’humain est un cerveau, l’homme augmenté ou diminué, c’est-à-dire une caisse à outils ! Pb : la Daseinsanalyse parfois ne préserve pas une question mais répond en disant : c’est ça ou autre chose. Par exemple, préserver que la distorsion est une manière de regarder l’habitation langagière, une manière qui a sa pertinence ! Et quelqu’un n’est pas regardé comme distordu ! structuré comme ça ! La distorsion est une posture pour regarder la manière d’habiter la parole, distorsion plutôt que maniérisme…à la place de présomption… formes provisoires

S’incliner devant un mystère, le mystère qui est qu’on ne peut pas répondre ! on doit accepter de se laisser éprouver une question ! Et que toute réponse est une échappée. La question repousse dès que je réponds ! C’est à dire une position mystique. = apprendre à cheminer avec… (comme au Japon : construire un immeuble d’une manière hyper technique et en bas la ligne droite est coupée par un rocher dont ils ont pris soin de conserver la direction. Le concept a été grignoté par le rocher !!... l’art du paysage… Ou dans le Bouddhisme…) Là une question est préservée = s’incliner, rendre grâce ➔ qui est pour moi la posture du thérapeute : accepter de se laisser questionner. Je ne peux que témoigner d’un chemin (ex : distorsion/présomption ➔ distorsion : dans le séminaire est un chemin de pensée, manière de préserver une question si on pense à partir du Dasein…)

L’éthique ne peut être qu’une forme, penser à partir du phénomène : c’est jamais répondre ! Puisque le propre d’un phénomène c’est tenir un rapport sans cesse s’augurant. Et c’est cette dimension qui est salutaire.

Ça nous travaille ! Ça travaille dans le sens d’une position dans le monde. (la dé-position du christ… JL Nancy – Le christ dit : ne me touchez pas… Qu’est-ce que ça nous donne à entendre ? Qu’est-ce qui nous vient en conscience, se laisser éprouver… prendre charge… ??) On pourrait reprendre tout ce que disaient les anciens qui avaient une manière d’habiter le monde qui n’était pas celle du concept et de la technique, mais qui était celle du mystère et du religieux. La religion dit les liens, les rapports, mais pas les rapports comme liens, comme quelque chose de figé, mais pas comme quelque chose qui appelle à autre chose, sans cesse appel à, échappée. dans cette veine surviennent par exemple le « carré des simples » en botanique, le jardin de Giverny… voir l’incommensurable de tout ça… La musique du monde… Il y a juste à s’incliner : tout est là ! Rien à faire… Prendre chaque jour sa part de la présence d’être… Tout cela est donné-replié dans un écrin et c’est à nous de le dé-sceller, dé-voiler…

Phrase importante : « La langue : la maison de l’être » L’idée de : entretien, de maison à maison, de demeure, d’habiter, de prendre place : c’est-à-dire être-le-là, possibilité de temps pour, maintenant, temps pour ; kairos : moment de la juste décision, où je m’approprie, où je viens à mon propre, c’est-à-dire où je suis à ce que je fais, toujours tourné d’une certaine manière. Temps pour, lieu pour.

« Un entretien de maison à maison devient presqu’impossible » : échappée d’une dite qui jamais ne peut être maitrisée, saisie, arraisonnée. Conceptualiser quelque chose, c’est avoir mis la pleine lumière. Begrief : s’agripper à quelque chose, s’assurer de.

« Si l’homme, par la parole de sa langue, habite dans la requête que I’être lui adresse, alors nous autres Européens, nous habitons, il faut le présumer, une tout autre maison que l’homme d’Extrême-Orient. » p 90 : une langue parle, donne à entendre, dit. Ce n’est pas pareil de dire en japonais ou allemand ou en français. D’autant qu’en japonais il n’y a pas de mot pour dire je. La manière dont une langue nous parle, c’est-à-dire nous appelle à répondre, puisqu’humain nous sommes répondant d’un appel à être... nous avons déjà une tournure qui est celle de la langue française. Et la manière dont nous avons à répondre à cet appel, dont nous avons à prendre place, à prendre soin d’être humain, nous frappe par la langue française, sa grammaire, manière dont logos, ça cueille, prend forme et visage. Que veux dire habiter ? qu’est-ce que ça veut nous dire avoir à prendre lieu, prendre place et ouvrir un monde, y être tourné d’une certaine façon. Tonalité, atmosphère, et une tournure : et là on va y être disposé, y être situé et ça va ouvrir sentir, se mouvoir, se signifier… Rapport, prendre une forme…

Maison de l’être : c’est une manière d’habiter. Ça nous parle, et la façon dont nous y avons toujours déjà répondu n’est pas du même ordre que celle de l’extrême orient. Les travaux de Cheng nous apprennent que c’est en parlant de l’orient que nous comprenons l’occident. Comprendre ne veut pas dire maitriser, mais que ça nous parle autrement. L’occident se met à sonner d’une autre manière… Ça nous montre que nous ne maitrisons jamais quelque chose. C’est mon travail clinique : le patient que j’amène pose cette question, par le biais de la question de la névrose obsessionnelle en tant que forme langagière : habiter pour un humain, c’est avoir toujours foi, jamais pouvoir maitriser, jamais être assuré. Assuré … est une façon d’être échappé, de se perdre. Ça nous appelle à retrouver notre site, que ça nous échappe… Donc ça dit que, européens, nous habitons d’une autre manière que l’extrême orient. L’extrême orient nous invite à mesurer que déjà, nous ne connaissons pas là où nous habitons, notre familiarité, nous ne la maitrisons pas.

Maldiney, de la même façon parle de la psychose, mais parfois cela semble maitriser la psychose. Alors que la psychose nous donne à entendre quelque chose qui nous échappe toujours. Et que toute maitrise est une forme du doute. Au japon, j’ai mesuré ce que veux dire s’incliner, rendre grâce. C’est déjà physiquement. La rythmique de la présence, d’être tourné et frappé… la manière d’avancer par le poitrail… plutôt que l’inclinaison, le creusé de l’accueil/recueil, un creusé déjà-là physiquement… Souplesse de ce creusé. (ex de la forme de la lampe qui s’est révélée toute autre en se faisant… Mouvement de corolle… Laisser venir…) l Je raconte une histoire du Dasein ! Tous les bouts me mènent là !

Estre de la langue et demeure de la pensée : Maldiney articule l’estre, comme « l’estrée de l’être", séminaire de Gérard Guest ( voir site parolesdesjours.free.fr). Estre : vieux mot pour dire l’être, qui s’appuie sur l’âtre, foyer, on se tient au bord du feu, lieu où l’on habite autour du feu… Là où nous nous tenons les humains, que nous ne pouvons pas raisonner en ici… mais autour du feu… « Entendre Heidegger et autres exercices d’écoute » (François Fédier) : Fedier a cette dimension musicale. Parler c’est apprendre à écouter. Au Japon, séminaire de Daseinsanalyse : parler dès que quelqu’un a terminé sa conférence est impoli. D’abord prendre la mesure de ce qui a été dit. La parole viendra quelques temps après. Si je réponds aussitôt, c’est que je n’ai pas pris le temps d’écouter… et c’est que je me pose dans la contradiction et pas dans l’accueil !

Occidentaux : nous cherchons la maitrise. Alors que, avoir charge d’être : tu ne tiens rien, ouvre, ouvre… La caresse est un mouvement infini d’approche (E. Straus)… Apprendre à ouvrir : rendre grâce. S’incliner : merci !

« Si l’on pose que les langues ici et là-bas, ne sont pas simplement diverses, mais, depuis leur fond, se déploient autrement » p 90 Les langues d’ici et là-bas, ce qui redonne lieu, le rapport de l’extrême orient qui nous ramène à l’occident. Extrême orient et occident c’est un rapport : là où le soleil se lève et là où il se couche, levant et couchant… mouvement… le temps… ça fait pousser temps et lieu. Les langues ne sont pas simplement diverses… Mythe de la tour de Babel : au début tous les humains se comprenaient… un humain a voulu défier les dieux en construisant une tour qui irait chez les dieux … elle s’est effondrée… et les langues sont apparues… La langue est une manière de déployer, possibilité d’être, le verbe s’est fait chair. Dite qui appelle à répondre en nommant : répondre c’est appeler par le nom… faire venir en présence. Depuis leur fond : immémorial, quelque chose qui nous échappe. Hypokhaiménon… Ce qui prend appui, ce qui en est le support… Le prendre appui est devenu sol, le sol est devenu stable… Mais le rapport est devenu sol, stable et matériel : pensée occidentale… et on a divisé corps et esprit… le temps et l’espace… On en est venu au dualisme… au psychosomatique… C’est pour ça que le Dasein appelle à parler autre chose que psychique… Car psychique : rapport somatique et je suis dans la substance, psychique/somatique, fermeture rapport fermeture/ouverture… Cherchons là où ça ouvre !!

« A présent je comprends mieux où vous pressentez Ie péril. La langue de l’entretien ne cessait de détruire la possibilité de dire ce qui était en question. » p 90 Détruire : révéler le struct. Ramener la prise de conscience de la limite de la langue utilisée. Et ça révèle l’échappée, dire est à chaque fois reconduire. Dire est un acte, ce n’est pas le quoi. C’est faire venir. Qu’est-ce que je viens de dire… tu peux répéter les mots mais pas le dire.

«  D. - Ainsi, un entretien de maison à maison demeure presque impossible. J. - Vous avez raison de dire « presque ». Car, après tout, c’était pourtant bien un entretien : et, comme j’aimerais présager, un entretien tout à fait vivifiant. » p 90 Entretien : entretenir quelque chose, prendre soin (Sorge), avoir égard… entretenir faire le ménage. L’empathie n’est pas possible. Je ne peux pas être dans la maison de l’autre. Il y a toujours un écart. Nous pouvons parler de demeure à demeure, là où nous prenons place à chaque fois, mais en aucun cas nous ne pouvons être dans une demeure identique. Il y a quelque chose qui passe de l’ordre de la mêmeté mais qui n’est pas de l’ordre de l’identique. S’entretenir : c’est prendre soin l’un de l’autre, se tenir là, entre. (Baudelaire : la vie antérieure) Prendre soin : entretenir un secret douloureux, possibilité d’une épreuve qui me fait grandir, qui m’appelle chaque fois à chercher les mots pour témoigner d’une dite… Logos, habiter d’une certaine manière… français plutôt qu’allemand…

L’entretien est vif, il nous invite au phénomène : la forme en voie de sa forme, en voie de sa possibilité suivante (Maldiney). Pour comprendre comment la forme peut prendre son épaisseur et sa signification, il faut l’articuler avec le concept : extrême orient…notion de forme naturelle ; europe…concept. Et si on met les 2 en rapport, chacun prend son site, chacun trouve sa demeure, son lieu d’habitation… de ce rapport. Donc un entretien de demeure à demeure est presque impossible. Mais il faut qu’il soit de demeure à demeure pour que chacun en vienne à sa dimension. Faire l’épreuve du « pas chez soi » pour trouver le « chez soi ». La pathologie nous amène à prendre la mesure de ce qu’est la quotidienneté.

Donc les japonais sont allés chercher la phénoménologie, car dans leur manière d’être frappés par la langue, ça ouvrait un chemin possible, ça leur parlait d’une autre manière que notre manière européenne de parler tout le temps : celle de la métaphysique qui cherchait à dire le premier. La phénoménologie disait autre chose, que ontique – ontologique, dire l’être, elle disait un rapport qui sonnait mieux dans leur langue. Ça faisait passerelle entre l’orient et l’occident.

Concept : arraisonner, arrêter, s’agripper, vouloir se tenir plutôt que prendre sans cesse auprès de, se tenir de soi… crispation intellectuelle… Comme la représentation de l’heure, les aiguilles… : on n’a plus de rapport temps/lieu. Le temps de dire… les aiguilles continuent… Ex d’un patient qui dit : les aiguilles lui sautent dessus sans cesse… Il ne voit pas le point d’ancrage autour duquel ça tourne. « Je suis moi-même montre ! »…

Puis passage historique : qu’est-ce qui a pu amener Kuki à venir ici ? Husserl avec les recherches logiques. Heidegger est alors assistant de Husserl. En vue d’un poste, il doit produire un écrit et c’est ce qui va le pousser à écrire Être et Temps : il pose une question, une manière de dire, d’habiter la parole ; le rapport être… temps, c’est-à-dire la parole comme demeure de l’être, n’est pas explicite. Sa pensée n’est pas encore suffisamment murie. Il s’intéresse à un étant exemplaire qui se pose la question de l’être humain. Et c’est là qu’il définit que l’humain a charge d’être et où il définit les existentiaux, c’est à dire la manière dont cette charge d’être nous questionne, nous travaille. Le Dasein n’est pas une figure de l’humanisme et n’est pas une anthropologie. Ça ne dit pas ce qu’est l’homme, ça ne le maitrise pas. Ça doit être une herméneutique. C’est une ontologie, ça questionne une manière d’être, humaine ; plutôt que d’en faire une science. La psychologie est du domaine de l’anthropologie. Elle a déjà défini l’être humain comme un corps avec du psychique, qui a un bagage verbal. Et l’idée que la parole produit la raison. Au lieu de comprendre la parole comme là où nous habitons.

C’est dans "Acheminement vers la parole" (1959) que c’est vraiment le thème : la parole comme demeure de l’être.

Les étudiants de Kuki lui demandent qu’est-ce qui l’avait amené à aller à ce séminaire, et il revient toujours aux entretiens qu’il avait avec Heidegger, avant la parution de Etre et Temps (1927). Déjà il y avait quelqu’un à Fribourg qui produisait quelque chose qui les étonnait : ce sont les travaux de Husserl. Quand Kuki vient, Heidegger est assistant et il donne alors un cours sur les recherches logiques. Le début de l’intérêt du Japon pour la pensée européenne par la phénoménologie, c’est 1921 : c’est là que commence cet entretien, où chacun va prendre soin de continuer à discourir, à ouvrir une pensée, à méditer. Pour Heidegger s’éveille là l’idée de prendre un chemin : méthodos, dont il ne savait pas où ça le mènerait. Il y avait quelque chose qui l’appelait à ça, il questionnait à partir des recherches logiques… La mienneté : ça m’appelle à prendre place, à comment j’ai déjà pris place. J’ai déjà répondu à l’appel d’être puisque je suis toujours d’une certaine manière. Mais la mienneté ne dit pas l’ego : ce n’est pas moi ; c’est mien, c’est venir en propre, y prendre place.

A cette époque, Heidegger posait la question de la parole et de l’être. Pourtant ce n’était pas le thème : il parlait d’expression et de phénomène. Ce n’était pas explicitement posé. Quand on lisait le texte, on n’arrivait pas à voir... Avant, Heidegger s’est intéressé au traité des catégories de la signification chez Dun Scot. Philosophe qui dit les catégories : manières de dire le discours, possibilités, effectivité... Ça parle des significations, ça a bien à voir avec la parole, la pensée, la raison. Doctrine des catégories a à voir avec les Significations : faire des liens, dire que quelque chose est possible et nécessaire… et s’appuie sur le principe de non-contradiction… Catégories : règles pour dire, pour cueillir et rassembler, pour donner visage à quelque chose…appartiennent à a logique. Quand je dis tasse, je ne dis pas un objet, je dis une forme de rapport : tasse plutôt que… table… Et quand je dis licorne, selon la table des catégories, je dis un imaginaire pas une réalité effective… Quoique ce soit que nous disons, tout ce qui est dans le monde, nous l’avons cueilli et rassemblé, et nous en avons fait une grammaire : sujet, verbe, complément… La grammaire est une manière de faire un tissu qu’on appelle parole, alors qu’on en a fait un outil… La grammaire spéculative est la méditation métaphysique sur la parole. La métaphysique essaie de déterminer l’Etre, dire ce qu’il est. Elle est partie sur les règles pour dire les catégories de discours, la table des catégories : Aristote reprises par Kant, Kierkegard qui va dire la possibilité la plus lourde des catégories. Plus lourd que l’effectivité. Possibilité c’est autre, ce n’est pas effectivité, ce n’est pas nécessité. Ce sont des manières de dire. Ce sont des règles pour parler. Et les règles pour parler, ce sont des règles pour faire apparaître un monde. Quand je dis cette table là, je dis l’effectivité qui est une forme de la possibilité. Ce n’est pas la table que je pourrais imaginer à partir de celle-là. C’est cette table là, effectivité, réalité, à teneur de choses, je la rends présente comme cette table, et pas l’idée de cette table : possibilité. Et pour qu’il y ait une possibilité de table, il y a des nécessités : il faut un plateau et des pieds. Ça fait apparaître un rapport vertical horizontal, une matière… Mais quand on fait de la grammaire, on perd ça de vue ! On a perdu de vue cette manière de tisser, donc d’habiter la parole... et de prendre forme, nous les humains.

Il dit qu’à l’époque tout ça y était mais ce n’était pas aussi clair que maintenant. C’est pour ça que ça lui a pris du temps. On le sommait de produire son livre : mais il ne le pouvait pas. C’est pour ça qu’il dédie son livre à Husserl à l’époque. Parce qu’il dit que c’est ça la phénoménologie telle que Husserl a ouvert la question… qui lui a permis de voir la lumière.

Le thème de Parole et Etre viendra plus tard. C’est Etre et Temps qu’il produit, ce n’est pas Parole et Etre. … un de ses professeur lui a offert un livre de Brentano : des multiples significations de êtreselon Aristote. C’est là qu’a commencé sa pensée. Livre écrit en 1862. Quand Brentano reprend le livre d’Aristote : Etre se dit de multiples manières… c’est ce qui met en mouvement la pensée du jeune Heidegger qui était à l’époque lycéen,il avait 17 ans....il reprend l’histoire.


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