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Compte rendu N°3 La parole


Lecture « Acheminement vers la parole » Martin Heidegger Groupe de lecture de Brugairolles - Compte-rendu 3 - Participants:Edith Blanquet, Marie-Christine Chartier, Darwin Fauché, Anne Guignabert, Frédérique Remaud, Corinne Simon

« La parole est : parole. La parole est parlante. Si nous nous laissons aller dans l’abîme que nomme cette phrase, nous ne nous perdons pas dans le vide d’une chute. C’est 
vers le haut que nous sommes jetés, dont l’altitude seule peut ouvrir une profondeur. Cette hauteur, cette profondeur, toutes deux mesurent de part en part un site. Puissions-nous nous y acclimater afin de trouver le séjour où se déploie l’être de l’homme. » Ibid. p. 16. « la parole est : » et « parole » marque un arrêt, arrêt qui se continue dans « l’abime » et « nous ne nous perdons pas dans le vide d’une chute » et où déjà ça nous emmène/appelle. Il dit « La parole est : parole. » et pas la parole est : parler. Ce qui voudrait dire que parler est plus de la quotidienneté alors que dans la parole il y a une autre invitation : la mesure de la profondeur de ce que chaque parole augure. Il faut lire la phrase d’après : « la parole est parlante » ; parler ça serait quelqu’un qui parle, ça supposerait "un je" qui parle. Or la parole en elle-même est parole/parlante. Elle n’est pas le parler de quelqu’un comme nous avons pour habitude de l’avoir toujours déjà ainsi pensé. Elle parle d’elle-même. Ce n’est pas habituel de dire que la parole est "parole". Il poursuit dans la phrase d’après : « La parole est parlante. » Ce n’est pas l’humain qui est parlant. C’est la parole qui est parlante. cela nous évoque lorsque Heidegger ailleurs dit : « Le monde monde ». cela nous arrête, suspend le cours de l’évidence quotidienne.C’est la parole qui parle d’elle-même. Ainsi elle ne serait pas une capacité mentale d’un sujet ? D’habitude on dit que quelqu’un possède un "bagage verbal", que la parole est construite par un je compris comme "sujet" , fondement, origine de la parole. Si ce n’est pas la capacité mentale d’un être humain, alors qu’en est-il d’un enfant a qui l’on apprend à parler ? tu lui apprends bien à parler à un enfant ?.. Je lui apprends à parler ou bien il parle déjà ? Les mots ! De quoi/ comment il parle ? Est-ce qu’il est dit que la parole ce sont des mots assemblés ? Cela nous invite à prendre conscience que, d’évidence, nous concevons que la parole est l’acte de parler d’un sujet humain, c’est à dire une capacité d’un sujet, une aptitude qualifiée de mentale. Heidegger dit que la parole, elle, est parole. Donc il ne dit pas qu’elle est la capacité de quelqu’un. Et il dit que « La parole est parlante. » Il ne dit pas que l’humain est parlant.

Il commence à faire vaciller la conjointure du monde : c’est à dire que tout d’un coup se révèle l’évidence dans laquelle je suis, que j’apprends à parler à un enfant … je ne suis pas convaincue que je vais lui apprendre à parler. Ça nous amène à "que veut dire parler ?" Lorsqu’il dit « la parole est : parole », « la parole est parlante » d’évidence, si nous ne nous arrêtons pas, nous faisons référence au mot Et quand je parle de forme langagière, je ne parle pas de mot. Ça peut-être une manière de respirer, une manière de se mouvoir. Il y a tout ça en même temps. C’est une façon de corporer, une manière d’être, un pouvoir être qui nous est donné. C’est ce qu’il signifie dans « la parole est parole » et dans « la parole est parlante ». Parce qu’on pourrait dire la parole est : parole ; et après ? Est-ce que c’est la parole qui est parlante d’elle-même ou est-ce un humain qui est parlant quand il prononce des mots ou esquisse des gestes ? Ça invite à entendre quelque chose d’autre que la seule prononciation, une certaine manière de se mouvoir qui fait que l’air va prendre des tonalités en fonction de la façon dont la bouche va se mouvoir. La parole peut s’entendre comme traduction d’un concept et aussi comme un mouvement corporel. Quelqu’un qui est aphasique par exemple, peut avoir une idée de quelque chose, et ce qu’il prononce n’est pas forcément ce qu’il pensait/ souhaitait dire. Il est surpris de la prononciation elle-même. Ça lui sort de la bouche et il ne le/s’y reconnaît pas. Et pourtant il peut se faire comprendre, ça parle, ça nous parle. C’est important, ça nous fait comprendre ça. C’est à dire comment on peut comprendre ça ? Ça m’évoque l’aphasie, je pense à une personne avec qui je travaille et une autre personne qui a eu un grave accident et qui a été aphasique un moment, qui aujourd’hui peut parler, mais qui ne peut pas lire et difficilement écrire. Et pourtant quand elle écrit elle peut se lire, mais elle ne peut pas lire un journal, un livre. Elle ne peut pas lire un texte écrit. Elle voit les mots mais elle ne peut pas les prononcer, elle ne peut pas lire c’est à dire identifier les signes comme un mot ? ou bien ces signes ne font pas sens, ne lui parlent pas ? ne lui donne pas à entendre ?. Elle sait que ce sont des lettres. Mais ça ne se comprend pas, ça ne lui parle pas. Je travaille avec un monsieur aphasique pour qui ça se situe à un autre endroit : il ne peut pas lire : il a besoin d’un retour vocal pour comprendre ; et il ne peut pas écrire. Donc on travaille avec une synthèse vocale où il met les mots, il ne les met pas dans le bon ordre, et quand il écoute il peut entendre que ce n’est pas dans le bon ordre, sans pouvoir pour l’instant retrouver le bon ordre. C’est assez mystérieux de comprendre ça. Et la manière de retrouver la parole dans la rééducation, la capacité de s’approprier la parole, c’est de répéter. C’est ce que décrit cette personne après 10 ans de suite d’aphasie. Sa façon de faire était d’aussitôt répéter ce que quelqu’un venait de dire. Elle ne pouvait que répéter, et ensuite, petit à petit, cela a pu varier. Elle écoutait la radio et elle répétait ce que disait la radio. Il s’agissait pour elle de répéter aussitôt : par exemple une chanson, je la chante en même temps que le chanteur. Sinon cela n’est pas possible de la chanter à partir de soi-même. Et pour le monsieur, répéter une phrase c’est trop : grâce à la synthèse vocale, il continue de "gagner" des mots car il peut faire du mot à mot. La synthèse vocale présente des pictogrammes qui correspondent à des mots : noms, adjectifs, verbes… et en les combinant on peut faire une phrase qui est parlée : langage Minspeak. Par ce travail de répétition des mots des pictogrammes, il est en train d ’enrichir son langage oral. En effet l’aphasie pose plein de questions sur la parole, la rééducation de l’aphasie… et on a intérêt à écouter ce que les aphasiques nous disent car c’est très déroutant. Quand on commence à dire ça, un abîme s’ouvre. Si nous nous laissons aller dans l’abîme/ l’inconnu/l’indicible que nomme cette phrase, c’est bizarre de dire « la parole est parlante » et « la parole est : parole ». C’est « vers le haut que nous sommes jetés », ce n’est pas une chute dans le sens où l’on tombe par terre. C’est une chute qui est aussi une élévation. « Cette hauteur, cette profondeur, toutes deux mesurent de part en part un site. » Ibid. p. 16. Un site : un endroit pour habiter, in situ. Et il dit : « Puissions-nous nous y acclimater afin de trouver le séjour où se déploie l’être de l’homme. » Ibid. p. 16. Il s’agit donc de nous laisser porter vers le déploiement de l’être de l’homme, là où il y va essentiellement de pouvoir être humain.

Donc on part de : la parole en elle-même se définit comme parole. Elle n’est pas le parler de quelqu’un. Ensuite la parole est parlante, elle. Ce n’est pas quelqu’un qui lui donne une signification qu’il aurait quelque part engrangée dans son cerveau. D’emblée la parole nous parle. C’est la parole qui s’adresse à nous, bien plus que c’est nous qui nous adressons par le biais de la parole. Cela met enquestion notre conception moderne de la parole comme un outil de communication, une technique que nous maitrisons. Et Heidegger ditque la parole ménage un site, un lieu pour une habitation humaine. Ce n’est pas nous qui ouvrons. Nous sommes d’emblée parler-parlant. Nous sommes d’emblée parler. Quelque chose s’adresse toujours déjà à nous . Si je m’adresse à un enfant et que je dis « Masha », c’est Masha qui est là ! Ça parle, ça appelle même. Mais je ne lui dis pas « tu t’appelles Masha ! ». L’enfant le sait d’emblée. Il y a quelque chose qui fait qu’il habite la parole d’emblée. Ne serait-ce que parce qu’il crie, parce qu’il pleure… Parce que ça nous parle un enfant qui pleure ou qui crie, qui bouge. Ne serait-ce que par le fait que tout d’un coup on ne sait plus comment s’y prendre. Qu’on lui donne la tétine… et qu’on se sent soudain démuni parce que ça ne l’apaise pas ! Cela ne nous laisse pas tranquille et nous appelle à faire quelque chose, faire pour tenter de circonscrire, d’assurer l’ouvert béant. Cela a toujours un sens et tout ce qui est, est déjà nommé, appelé par le nom. cela nous amène aux textes de la bible : "au commencement était le verbe". C’est Dieu qui invite Adam a donne le nom par lequel quelque chose apparait, se produit comme cela qu’il est. En botanique, si je regarde un espace vert et que je ne connais pas les plantes elles ne se différencient pas, elles n’apparaissent pas. C’est quand j’apprends que tout d’un coup je vois. Par exemple la graine tout à l’heure, elle est apparue à partir du moment où ça t’avait suffisamment parlé pour que tu en dises quelque chose et que ça me permette de la voir, sinon… je ne l’aurais pas forcément vue. C’est pour ça qu’on dit que parler c’est appeler par le nom. Mais c’est aussi logos : cueillir et rassembler, prendre forme et visage. Avant que ce ne soit la logique, logos évoque un receuil/acceuil.

Heidegger dit que la parole ménage un site. Et il ajoute un pas de plus : « Puissions-nous nous y acclimater. » Il s’agit pour nous de nous y acclimater à ce site-là.

Juste avant, « C’est vers le haut que nous sommes jetés, dont l’altitude seule peut ouvrir une profondeur », ça ouvre pour moi un abîme. Oui, quand quelque chose parle, est parlant pour nous, ça nous situe, et ça ouvre un espace, ça nous décale, on n’est pas pris dedans, ça dégage une vue, un voir. Ça es-pace, ça attribue places et lieux. Ce n’est pas dans le sens de prendre de la hauteur en terme métrique. Mais c’est ce qu’on appellerait la transcendance, c’est à dire qu’on n’est pas d’emblée collé dedans, ça ouvre un endroit où nous habitons nous les humains, une épaisseur insigne. C’est pour ça que Maldiney dit que nous sommes traversés par la parole. Ou que Heidegger va dire : avoir une langue pour patrie. Nous n’habitons pas un monde géographique mais une langue au sens de "quelque chose" qui appelle et qui nous parle, et auquel nous répondons : une ouverture pour y être. Dans d’autres textes, Heidegger dira que l’être humain n’est pas celui qui parle mais celui qui répond à un appel. Il a à être, il est appelé à être, et cet appel à être est un appel silencieux. Et l’homme répond, en nommant. Et je fais l’hypothèse que c’est aussi pour ça que dans la question mystique cette idée du nom de Dieu et de la représentation de Dieu était interdite. Le nommer et le représenter c’est le mettre du côté mondain, ce n’est pas en faire quelque chose qui dépasse : un mystère.

« Puissions-nous nous y acclimater afin de trouver le séjour où se déploie l’être de l’homme. » Ibid. p. 16. C’est peut-être accepter d’habiter là où quelque chose est parlant pour nous, nous parle, ou habiter quelque chose d’une parole parlante : être-le-là, possibilité d’avoir lieu, de prendre place auprès de... S’acclimater à quelque chose, ce n’est pas le maitriser. Ce n’est pas quelque chose que nous produisons. Exemple clinique : je pense à ma patiente Marylin quand elle disait « j’ai peur de perdre le goût du mot fraise, et j’ai peur de perdre le sens du mot… J’entends les mots, j’entends des mots, mais je ne comprends pas ce qui est dit… Ça ne me parle pas… », ça ne m’appelle pas, à y trouver un site justement, à faire monde familier. Et il en était de même pour elle avec les vêtements, les actes quotidiens… Toute la quotidienneté ayant vacillé, elle pouvait dire « le bras, je dois sans cesse me dire que c’est mon bras », sinon elle ne pouvait pas faire, ça ne parlait pas, ça n’appelait pas à parler/agir : même ça, ça parle ! Tout mouvement parle ; pour nous quoiqu’il se passe, déjà ça nous parle. Tout, tout sentir, tout mouvoir est parole. On a déjà entendu quelque chose. Pour moi, il y a deux choses à distinguer : les catégories, c’est à dire les dimensions de l’étant, de qui je suis dans la quotidienneté et ce rapport à la question d’être qui fait que ça nous parle. La parole n’est pas un outil que l’on peut poser à côté de nous. Même quand on se tait ça parle. Même parfois c’est plus parlant qu’une parole articulée en mots.

« Penser en suivant la parole, cela veut dire : parvenir jusqu’au parler qu’est la parole, et d’une manière telle qu’il advienne en propre et ait lieu comme cela qui accorde séjour à l’existence des mortels. » Ibid. p. 16. Qui est ce : il ? Le parler. Le sujet c’est le parler, ce n’est pas l’humain. Et le parler c’est quelque chose qui ne peut pas se réduire aux mots. Si je reprends l’exemple de l’aphasie, ma patiente peut dire : « ho putain », et « toc, toc, toc, tu vois , toc, to, toc ... » Elle prononce des mots, mais ça ne parle pas au sens habituel. Enfin, ça ne parle pas pour nous, pour elle ça parle. Ça parle et en même temps ça parle d’une certaine manière dont elle a bien conscience que pour nous ça ne nous parle pas. Ça ne nous donne pas lieu, ça ne nous accorde pas un site dévidence reconnu. C’est une manière de prononcer des mots qui ne nous accorde pas un site où nous sommes en commun. C’est compliqué, c’est souffrant, et ça vient questionner où nous sommes. Je ne dirai pas ça n’accorde pas un site, mais ça vient questionner le site, là où nous sommes ensemble. Je ne pourrai pas dire qu’elle ne parle pas : elle a une langue, elle peut prononcer des sons et en terme classique elle prononce des mots. Mais elle prononce des mots que je traduis, par où ils me parlent, et où ça cherche un accord, où est-ce que ça va sonner… et où ça va dire : oui c’est ça ! Je suis obligée de passer par une sorte de traduction au sens de mettre devant : qu’est-ce que j’entends quand elle me dit ça ? Et est-ce ok pour elle ? Et tout en mesurant que je ne sais pas sur quelle base ça peut poser que c’est ok ou pas, parce que parfois elle peut me dire oui et ça ne sonne pas ; et parfois elle dit oui et ça sonne. Ça ne nous accorde pas et parfois ça nous accorde.

Il dit « Penser en suivant la parole ? » On suit la parole nous les humains. Ce n’est pas nous qui la proférons, qui la dominons. Nous la suivons. Ce n’est pas habituel ! Donc elle nous précède. Quelque chose ne peut me parler que si c’est parlant. Je ne peux m’y entendre que si ça me parle, de quelque part, d’une façon où d’une autre. Si je dis « le ciel », ça nous parle ! Mais ce n’est pas moi qui produis le ciel. Quelque chose fait que ça parle de dire le ciel par exemple.

Il dit « penser » « en suivant la parole » Pourquoi il dit penser ? Penser c’est suivre la parole. Est-ce que penser est une aptitude humaine ? Est-ce que penser est une capacité mentale ? Souvent on traduit penser : capacité d’abstraction, s’abstraire de quelque chose, ne pas être pris dans. Il parlait de « parole parlante » et là il parle de « penser ». Et penser en suivant la parole. Cela amène à questionner ce que veut dire penser. Et que donc penser en suivant la parole ça veut dire parvenir jusqu’au parler qu’est la parole. Donc ce n’est pas produire des concepts. Penser : un chemin qui nous amène au parler de la parole, plutôt qu’à un mental que nous avons déjà compris. Il s’agit d’apprendre à entendre qu’une parole ça nous parle bien plus qu’on ne la maîtrise. Apprendre à écouter l’in-su porté par la parole ? « Parvenir jusqu’au parler qu’est la parole » Ibid. p. 16. On n’y est pas d’abord. On doit y parvenir. Mais on doit y parvenir d’une certaine manière. Laquelle ? Penser nous amène à un site particulier, dans lequel le parler de la parole se dévoile. Penser, classiquement, c’est rendre compte, c’est justifier quelque chose. « Adequatio intellectus et res. » Quelque chose qui est pensé, ça ramène petit à petit à la question de la vérité. Suivre la parole, c’est arriver à un endroit où le parler de la parole, c’est faire un chemin, s’engager dans un chemin et s’y engager d’une certaine manière, pas n’importe laquelle, une manière qui permette au parler d’advenir lui-même. Et d’avoir lieu d’une telle manière, que cela « accorde séjour à l’existence des mortels. » Ibid. p. 16. C’est par le parler, par là que nous sommes proprement humains. Ce qui nous définit c’est la parole. C’est ainsi qu’il dit que l’être humain est un existant. Son site n’est pas dans une quelconque matière mais il est ouverture.C’est le parler de la parole qui accorde un séjour aux humains. Il n’est pas un animal auquel s’ajoute la parole comme quelque chose en plus. Il est essentiellement parler. Et les perroquets ne parlent pas, ils répètent des sons, sortes de mimétismes. Et les grands singes, on dit qu’ils expriment des émotions ? Sont-ils capables d’habiter la parole ? On ne sait pas ! on l’hominise quand on dit ça. Les grands singes ne disent pas « je suis ému » ni je rigole ou je pleure... Quelque chose s’exprime, pour moi humain ça me parle et je lui attribue mes manières propre d’avoir compris/entendu : comme un animisme, comme un enfant peut dire le ciel" pleure". Pourquoi le ciel ne pleurerait pas quand il pleut ? Et pourquoi on accepte dévidence que les singes parlent ou manifestent des émotions, et pourquoi quand un enfant dit le ciel pleure on trouve ça stupide ? Ça pose cette question, ça met en question la théorie de l’évolution non pas en terme physiologique, mais en terme de : quelle est la portée et la limite de la théorie de l’évolution ? Et ça met en question la définition de l’humain comme animal avec en plus la raison. Mais pour nous thérapeutes, ça veut dire que quelque chose est à entendre et à apprendre : apprendre à écouter la parole, pas ce que nous croyons avoir maîtrisé de la parole. Et ça c’est essentiel ! Ça veut dire que de parler, de penser, ça a à voir avec le parler de la parole, et il est question d’y être nous-mêmes en tant que ce qui nous donne un séjour, un endroit où nous y habitons avec autrui. Donc ce qui est intéressant est de « penser en suivant la parole », pas « penser » isolé ! Le penser n’est donc pas séparé de la parole, c’est « penser en suivant la parole ! ». Il nous amène à avancer une étape. C’est le cercle herméneutique. Et en même temps ça tourne et ça amène des petites nuances subtiles. Et ça oblige à écouter, à apprendre à lire. Donc à suivre. « Que veut dire parler ? L’opinion courante statue : Parler, c’est la mise en action des organes de la phonation et de l’audition. » Ibid. p. 16. Prononcer des mots. « Parler est l’expression sonore et la communication des émotions et fluctuations intimes de l’homme. Ces dernières sont accompagnées de pensées. Caractériser ainsi la parole prend comme allant de soi trois présuppositions : » Ibid. p. 16. Là Heidegger développe l’opinion courante. son écriture évolue comme le point de tige en coutûre : La parole est, penser en suivant la parole, que veut dire parler, pas parlant… Ce qui amène à entendre. Et ça éclaire des présupposés, de l’impensé, ou du non pris en considération. C’est à dire de l’équivoque, la fameuse manière de la quotidienneté d’avoir déjà compris et de ne pas se poser la question. C’est évident que ! : c’est ça l’équivoque. C’est penser que cela va de soi. C’est comme si je demandais à quelqu’un : c’est quoi parler ? Hein, c’est évident pourquoi tu me poses la question !! « Parler est l’expression sonore et la communication des émotions et fluctuations intimes de l’homme. » Ibid. p. 16. Ça, tout le monde dirait oui, c’est le vécu ! C’est dire le vécu, le vécu "intérieur". Le vécu n’est pas nécessairement une pensée, le vécu, il est le vécu : suprématie du vécu dans l’ego. Et que veut dire : « Ces dernières sont accompagnées de pensées. » ? Ça veut bien dire que l’expression sonore et la communication des émotions et fluctuations intimes de l’homme ça s’accompagne de pensées. Il y a bien une distinction/un rapport entre la pensée et la sensibilité, les émotions. D’ailleurs on va tenter de dépoussiérer la pensée de toutes les scories de la sensibilité pour en faire en pure pensée : parvenir au concept pur. Penser ce n’est pas dire ce que j’éprouve, c’est habituellement chercher le plus général et enlever les tromperies de tout ce qui est plus subjectif, dans le sens courant. Sans questionner ce que veut dire subjectif/ objectif ? Penser ce n’est pas exprimer un vécu, dans le sens classique, c’est raisonner. Donc, « Caractériser ainsi la parole prend comme allant de soi trois présuppositions : D’abord et avant tout, parler c’est exprimer. Rien de plus courant que la représentation de la parole comme extériorisation. Elle présuppose dès l’abord l’idée d’un intérieur qui s’extériorise. Faire de la parole une extériorisation c’est justement rester à l’extérieur, d’autant plus qu’on explique l’extériorisation en renvoyant à un domaine d’intimité. » Ibid. p. 16. Premier présupposé : l’idée de l’intérieur qui s’extériorise. C’est pour ça qu’on peut faire des scanners pour déterminer que quelqu’un est aphasique. Ou qu’il est dyslexique ! La phrase « Faire de la parole une extériorisation c’est justement rester à l’extérieur, d’autant plus qu’on explique l’extériorisation en renvoyant à un domaine d’intimité », Il s’agit de rester à l’extérieur de ce que parler veut dire, ce que parler nous donne à entendre, veut nous dire. Au lieu de qu’est-ce que ça veut dire pour nous, selon nos présupposés, c’est entendre ce que ça veut nous dire, qu’est-ce que ça nous donne à entendre, comment ça nous parle. La question étant de savoir de quel extérieur on parle, où est le dedans et où est le dehors ? « Ensuite, parler passe pour une activité de l’homme. Il faut donc logiquement dire : c’est l’homme qui parle, parlant chaque fois une langue particulière. Nous ne pourrions dès lors plus dire : c’est la parole qui parle - car cela voudrait dire : c’est la parole qui fait l’homme, qui le rend homme. Dans une telle pensée l’homme serait un produit de la parole. Enfin, l’expression dont l’homme est l’agent représente et expose le réel et l’irréel. » Ibid. p. 16. « L’expression dont l’homme est l’agent », c’est celui qui est acteur de ça, c’est une activité de l’homme. Si je dis « il y a un éléphant dans le jardin ! », c’est réel ? : là tout de suite, non ! Dès qu’on dit, on va dire ce n’est pas vrai ce que tu dis ! Ça pose bien la question de ce que c’est la réalité, avec une idée de ce que c’est le réel et l’irréel, en quoi ce n’est pas vrai ? Les Gestalt-thérapeutes pourraient dire : pour toi c’est vrai. C’est ton vécu...Avec quand même l’idée que ce n’est pas vraiment vrai, ce n’est pas réel. « On sait depuis longtemps que ces caractéristiques ne suffisent pas à délimiter la parole en ce qu’elle est. Quand on l’arrête pourtant à l’expression, on cherche à la déterminer de plus loin en intégrant l’expression (entendue comme activité parmi d’autres) à l’économie générale des performances par lesquelles l’homme se produit lui-même. » Ibid. p. 16-17. Ça ne détermine pas la parole à ce qu’elle est, ça détermine la parole à partir de l’humain, comme une capacité de l’humain, de mettre à l’extérieur quelque chose qui serait à l’intérieur, d’avoir une activité. Il pourrait parler comme il se gratte les orteils, ou manger. Sauf que quand je dis il mange, c’est important d’avoir la parole. Ça ne peut pas être n’importe quelle activité puisque pour dire, pour manifester quoi que ce soit c’est toujours par la parole que ça a lieu, qu’elle soit prononcée ou pas. Donc ce n’est pas pareil, quoi que je fasse ou quoi que je dise, ça parle. C’est une expression de la parole, ce n’est pas forcément une expression de moi. C’est ça qu’il faut entendre. Donc dans ce sens-là, ce n’est pas pareil : Il y a des moments où je mange et des moments où je ne mange pas, comme activité quotidienne. Et même quand je dis je mange, j’utilise toujours d’une certaine façon la parole, donc est-ce un outil, est-ce que je peux me passer de ça ? Si c’était un outil je pourrai le mettre de côté un moment, or il se trouve que ça n’est pas possible. Donc c’est bien autre chose qu’un outil que je peux prendre et poser un moment. Il n’y a pas d’endroit où il n’y a pas de parole pour les humains. Ce qui ne veut pas dire que parler ça réponde à une question, mais ça questionne. C’est important de mesurer ça, ce n’est pas un savoir-faire que je peux quitter et mettre dans un placard. Je peux arrêter de manger pendant un certain temps, je peux ne plus taper avec un marteau et décider que ce n’est pas bien pour moi. Mais me taire, c’est encore une façon de parler. Si toujours déjà nous parlons, nous ne pouvons pas dire que parler est une activité humaine. Ou ça amène à questionner de quelle activité on parle ? Ce n’est pas un outil, ce n’est pas une technique propre à l’homme. Et dans les thèses de psychologie, on va parler de bagage verbal comme d’un acquis plus ou moins grand qui va déterminer la culture d’un humain, et alors un bagage verbal pauvre, ça veut dire ça, à l’extrême, ça va signer la débilité moyenne ou profonde, et à partir de ça on va déterminer les capacités d’abstraction, les capacités de mentalisation, les capacités de raisonnement logique, les capacités de symbolisation… Le WISC, les épreuves verbales et les épreuves de performance… On mesure les capacités intellectuelles d’un être humain. Et en plus de ça, on dit qu’on détermine son niveau de parole. Ce sont tous les tests d’intelligence.

Donc « on sait depuis longtemps que ces caractéristiques ne suffisent pas à délimiter la parole dans ce quelle est », ça ne parle pas de la parole à partir d’elle-même. « Quand on l’arrête pourtant à l’expression, on cherche à la déterminer de plus loin en intégrant l’expression (entendue comme activité parmi d’autres) à l’économie générale des performances par lesquelles l’homme se produit lui-même. » Ibid. p. 17.

« Devant cette assimilation de la parole à une activité seulement humaine, d’autres soulignent au contraire que le verbe de la parole est d’origine divine. Le début du prologue de l’Évangile selon saint Jean nous enseigne que le Verbe était à l’origine avec Dieu. » Ibid. p. 17. Au début était le verbe ! Ensuite le verbe s’est fait chair. Donc on a d’un côté la psychologie et le domaine des sciences, mais on a d’autres manières de parler de ça qui disent que la parole n’est pas humaine mais elle est divine. Donc ce n’est pas quelque chose qui est du monde des mortels. C’est Dieu qui nous donne la parole.

« Mais on ne cherche pas à libérer des entraves de l’explication logique et rationnelle la seule question de l’origine ; on écarte aussi les bornes d’une description seulement logique de la parole. Au lieu de caractériser exclusivement les significations à partir des concepts, on fait passer au premier plan le côté imagé et symbolique de la parole. 
Ainsi l’on fait donner la biologie et l’anthropologie philosophique, Ia sociologie et la psychopathologie, la théologie et la poétologie pour décrire et expliquer de manière plus compréhensive les phénomènes linguistiques. » Ibid. p. 17. Poétologie c’est la poésie. Il joue avec -logie. « Mais on ne cherche pas à libérer des entraves de l’explication logique et rationnelle la seule question de l’origine », cela ne pose pas juste la question de déterminer où a commencé la parole, il ne s’agit pas juste de répondre à : d’où ça vient - le génos- ça vient de Dieu ou c’est autre chose ? c’est une activité ? C’est à cause de quoi ? Ce qui est une manière de fonder la raison, de chercher les causes. Qu’est-ce qui est premier ? « On écarte aussi les bornes d’une description seulement logique de la parole. » On est dans l’opinion ! Mondaine ? Quotidienne ? Une description seulement logique, c’est une description qui correspond aux critères de ce que ça veut dire penser/juger selon le modèle de la pensée scientifique. La table des jugements, la table des catégories, qui fait qu’il y a des règles/ une méthode pour juger. Je ne peux pas dire le bleu est jaune ! Une description seulement logique, c’est à dire quelque chose qui est fondé selon les règles de la logique. Il y a des règles qui constituent la logique : « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire vous viennent aisément ». Il y a des règles du jugement : penser, établir des jugements ; table des catégories. C’est à dire que dire quoique ce soit, le réel, l’irréel… c’est manier/ habiter la parole d’une certaine manière. On peut dire par exemple d’une chose qu’elle est possible, nécessaire, ou probable, ou réelle. Celà nous pose la question : que veut dire produire quelque chose ? c’est à dire le rendre présent ?

Donc on a ces présuposés : on assimile d’abord la parole à une activité humaine, mais ça n’est pas la seule façon, il y a aussi d’autres personnes, d’autres courants de pensées qui disent que la parole n’est pas d’origine humaine mais vient de au-delà. Elle nous dépasse : c’est divin. Ce n’est pas un fondement scientifique, ce n’est pas un fondement logique : c’est un fondement mystique. Quand on dit logique, c’est dans le sens classique, de la logique des sciences. On fait passer au premier plan le côté imagé et symbolique de la parole. L’image et le symbolique ça ne marche pas pour les sciences, on ne peut pas rendre compte de ça. Et c’est pour ça que Heidegger dit « Ainsi l’on fait donner la biologie et l’anthropologie philosophique, Ia sociologie et la psychopathologie, la théologie et la poétologie » c’est à dire la science du poème, la science du social… On invoque qu’il y a des domaines qui s’écartent du symbolique et de l’imagé pour dire ce que c’est. Mais on s’appuie sur ça pour décrire et expliquer d’une façon plus compréhensive les phénomènes linguistiques, on ne parle plus de parole. On s’intéresse aux phénomènes linguistiques. La parole, c’est l’articulation d’un signifiant et d’un signifié, avec une barre au milieu. Et donc la signification elle est dans ce rapport. Et la signification officielle est dans le dictionnaire. Et la signification est dans le mot. Et il y a des règles qui disent les bons mots. Ceux qui sont conformes ou pas. Et je pense aux livres pour enfants qui jouent avec ça. « Un élégreux » : un animal qui a un morceau de corps d’éléphant et un autre d’un tigre…, les mots tordus…


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