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"Séjourner dans le langage"

Publié dans la revue : "les cahiers de gestalt-thérapie" du CEGT


Séjourner ndas le langage Edith Blanquet Décembre 2004

« Toute chose est engagée dans un réseau de formes où le même et l’autre s’entrelacent. Cet entrelacement est le logos et les choses Ne sont ce qu’elles sont que par don dit. De ce Dit le discours et la phrase sont les organes. »

Henri Maldiney « Aîtres de la langue et demeure de la pensée »P.197

Remerciements particuliers à Brigitte Lapeyronnie pour son soutien au cours de la mise en forme de cet écrit.

Nous vivons une époque où la communication est partout mise en exergue : les mots s’étalent partout sur les murs de nos villes et même au cœur de nos campagnes où, plantés au milieu d’un champ, des panneaux nous indiquent :« ici poussent vos pâtes »… Le développement technique des médias nous promet de communiquer « en temps réel »…Du fin fond de ma campagne audoise, sont tenues à ma disposition les images et les informations du monde entier. Internet me permet de recevoir le courrier du sous-commandant Marcos perdu dans son coin de terre…La communication revêt des allures stratégiques : publicité, « guerre » de l’information. L’ « évènement » s’étale en direct sur mon écran, déjà tout construit et prêt pour que je l’introjecte. Il m’est plus aisé d’entendre ou de lire ce qui se trame à l’autre bout de la terre que de me rendre chez ma boulangère... Les sites de « tchatche » foisonnent et je peux parler « en toute intimité » avec un inconnu connecté sur la toile…Les moyens de communication modifient les rapports de distance et de temps… Le temps devient un produit qu’il s’agit de « gagner »… La communication devient outil pour mon usage et celui de mes congénères…à tel point que les mots défilent , s’accolent tels un jeu de briques…Matériau disponible et qui occulte toute dimension éthique. Le président Bush peut même dire que : « des pays le soutiennent en privé », son dire est aussitôt repris par les médias et les journalistes sans que l’accolage de notions telles que « pays » et « privé » ne vienne suspendre la course à l’information…Sans que la dimension signifiante ne soit interpellée ! Le langage se vend au même titre que la lessive, et il s’agit de sonder l’indice d’écoute…Démarche qualité ?!

Après cette mise en bouche « planétaire » revenons à une échelle plus réduite et qui peut sembler moins sensationnelle. Quoique, ce disant, me vient qu’il y a bien une presse qui étale sur ses pages les faits et gestes de la vie quotidienne « intime » des personnalités dites publiques ! Au cours de mon exister quotidien, le langage est aussi omniprésent : chaque vue que m’offre mon regard m’apparaît organisée en un paysage. En tant que je vois, en tant que je perçois, j’organise des rapports, je propose en quelque sorte une carte organisée du monde qui m’entoure puisque c’est ainsi que, dans ma quotidienneté, je le perçois : dans l’évidence d’une forme signifiante. Cette forme signifiante est une forme langagière : un tissage de sens qui se clarifie par diverses modalités de ma prise en conscience qui est intentionnalité c’est-à-dire toujours tissée en un pro-jet de monde. Le pro-jet veut dire ici littéralement que je suis jeté au monde. Lorsque je ressens une émotion, elle aussi est « imprégnée » de langage ; elle m’indique la façon dont je suis disposée, intonée. Là aussi il y a une forme hiérarchisée, une organisation signifiante. Le langage est l’articulation de ma présence affectée au monde, un monde que je com-prends toujours (awareness) déjà sans que cela soit présent à ma conscience (consciousness).

D’où me vient que l’environnement dans lequel j’évolue et par lequel j’existe se trouve ainsi organisé, familier ? Dans ma vie courante, une telle question ne survient pas fréquemment : il va de soi que l’olivier est là devant ma fenêtre et qu’il y sera encore demain… Je veux dire par là que le monde est l’horizon de sens qui m’est donné ; qu’il s’in-forme à même mes possibilités langagières : il est institution signifiante et langagière par l’acte de ma conscience. Le sens est à entendre ici dans sa double dimension de tension vers, direction et de signification. A tel point que j’ai l’impression qu’il en va de même pour chacun de nous ; que nous vivons dans l’évidence d’un monde signifiant et que même ce sens du monde nous est commun. Si j’évoque l’olivier, je suppose sans avoir à le réfléchir que vous connaissez de quoi je parle… Me vient alors en mémoire ce tableau de Magritte où figure une pipe et au-dessous est écrit « ceci n’est pas une pipe »…

Comment interroger cette donation de sens du monde familier ? La posture phénoménologique nous propose une certaine façon de comprendre et surtout d’interpeller cela : en tant qu’intentionnalité la conscience de Husserl a toujours déjà la forme d’un pro-jet. Elle est pro-jet de monde, in-formation d’un monde en vue duquel un je existe. Ainsi je et monde sont con-stitutifs, toujours en rapport de compréhension, donnés et pris ensembles.

Ce disant il me semble important de m’arrêter sur cette notion d’intentionnalité : D’un point de vue phénoménologique, l’intentionnalité n’est pas l’intention délibérée, l’élaboration concertée d’un projet entendu ici comme perspective d’un agir. Elle est le fond duquel quelque chose comme un projet mondain va pouvoir advenir. Elle est aller vers au sens où je suis ouvert (au monde, toujours déjà situé) et par là elle est direction de sens, exister. Je dis bien exister dans la mesure où devenir conscient c’est simultanément différencier un je et un non je. Cette direction de sens est tellement « automatique » que je n’y suis pas attentive dans ma vie courante.

Peut-être alors que le langage est la trace de cette direction, de « l’aller vers et prendre » qui définit l’agressivité que nous trouvons ainsi formulée dans le livre fondateur de la Gestalt-thérapie. Etablir ce rapprochement nous ouvre une fondation possible de cette notion : Lorsque je parle, j’exprime une direction de sens : je pro-duits (pro-duis) une forme, une Gestaltung (une forme en cours d’elle même (elle-même), sans cesse reconduite) ou un monde au sens philosophique. Pour Heidegger, le monde est ma façon de tisser le sens, de me comporter à, de com-prendre et ici la compréhension n’est pas un attribut de la rationalité mais littéralement être-pris-avec. Le monde n’est pas le monde physique ou géographique ; il est le lieu de mon séjour et se réfère à l’ethos grec. C’est dire que je suis toujours déjà dans un tissage signifiant avec lequel je suis le plus souvent en confluence. Le mot langage, en sa racine grecque dit legein : rassembler ensemble, prendre forme ou visage par l’acte de l’appellation , tisser un sens à partir de cet « il y a » dans lequel je suis sans cesse toujours déjà. Le monde est alors conçu comme un rapport langagier, une prise signifiante pour un sujet en ce que cet « il y a » que je relie à la physis (ce qui croît,est en puissance) ,prend forme (morphè) . Je veux dire par là que le « il y a » ne m’est accessible que par là où je le perçois. Le percevant je lui ai déjà donné forme et je le nomme. Et le nommant je me donne forme également : je tisse en mots ce corps qui m’échoit et qui est toujours d’avance situé, en présence corporelle. C’est bien cela qui fonde la Gestalt-thérapie : thérapie des Gestaltungen, des façons par lesquelles un je advient en sa présence en créant des formes signifiantes et, ce faisant, prend forme lui-même simultanément. En tant que Gestalt-thérapeutes, nous visons à mettre en lumière et à restaurer la fluidité du processus de formation des formes signifiantes pour un sujet. Ce sujet est pour nous sujet situé : nous le considérons dans un contexte ; il est effet de champ. Nous sommes attentifs au comment il se comprend et comment nous pouvons le rencontrer, comprendre et lui permettre de prendre en considération ce qu’il nous dit de lui au monde dans cette situation où nous sommes co-engagés, de sa façon d’organiser un monde pour lui à notre occasion, c’est-à-dire un réseau de sens ou de conjointure à la fois suffisamment familier et suffisamment ouvert à la nouveauté. Dans ma vie quotidienne, je définis ma place et celle des objets et autres sujets qui m’entourent : j’établis en permanence des rapports qui font sens pour moi parmi mes congénères et ce à partir de ce corps que j’ai et qui est le locatif absolu, le lieu d’où s’ouvre et s’organise le monde. Lorsque je parle, j’énonce et partage ma propre conjointure mondaine, ma façon d’habiter l’espace, de le tisser en lieux signifiants, en réseaux. Je donne sens : j’instaure des situations à partir de ma propre compréhension orientée et située à même ma corporéité Cette conjointure mondaine ne préexiste pas à la situation en laquelle je suis toujours déjà engagé. Elle prend forme, elle survient à même la situation. Elle est in-formation de la situation. Néanmoins, dans mon existence quotidienne ce pouvoir de m’orienter parmi des possibilités signifiantes n’est pas présent à ma conscience. Il constitue le fond de ma présence ; fond avec lequel je suis en confluence. Pour que ce pouvoir me vienne en conscience il faut un imprévu ou une défaillance qui, alors, me place devant lui en rompant la fluidité évidente d’un monde signifiant toujours déjà organisé. Je prends conscience de ma capacité de signifier dans le mouvement où justement j’éprouve que je ne peux pas !

Pour résumer mon propos : le langage est ce par quoi du « il y a » advient en tant que monde organisé et signifiant. La parole dé-cèle le il y a en lui donnant forme à l’occasion de ma venue en présence. Elle est ce par quoi j’en élabore une forme compréhensible : « L’acte de dé-celer, de « libérer du retrait », est l’évènement qui a lieu dans le logos. Dans le logos, le règne de l’étant est décelé, il devient manifeste. » Heidegger, « Concepts fondamentaux de la métaphysique »,p 53.

Le langage est donc partout présent : dès qu’un je advient, il est effet de langage. Ainsi je suis sujet du langage, assujettie. Je ne crée pas le sens à partir de rien ; je suis toujours déjà prise dans une direction de sens et c’est bien là que nous retrouvons la visée intentionnelle qui définit la conscience Husserlienne et, en un sens plus radical l’être-au-monde de Heidegger et, osons le rapprochement, le contacter de la Gestalt-thérapie. Je parle bien du contacter en ce qu’il ne cesse pas et non du contact ( pour plus de développements sur cette question je vous renvoie à mon écrit « Gestalt-thérapie et analytique existentiale »). Je suis toujours dans une certaine entente de monde, une façon d’avoir toujours ouverture à lui et par là de le comprendre. Et ici com-prendre ne dit pas raisonner mais plus radicalement être pris avec. Cette entente particulière du monde et de moi-même constitue mon existence quotidienne comme une évidence qui le plus souvent ne me surprend pas, ne pose pas question. Le langage est le lieu de mon séjour éthique. Le logos n’est pas une propriété de l’homme mais bien plus il est convoqué à se l’approprier en le tissant comme le lieu qu’il habite. J’avance là l’idée qu’exister c’est s’approprier le langage. Se l’approprier c’est-à-dire que je le choisis comme mon propre ; je tisse des rapports figure / fond à partir du langage qui me traverse. Je dirai que le langage est le fond duquel j’adviens en parlant. Sans cesse j’énonce ce qui fait sens pour moi, je me situe - j’ouvre un site par où je dégage une vue, un monde - et ce même lorsque je ne parle pas : le langage est aussi silence. Exister serait alors cette façon particulière de donner forme à cette vie qui m’échoit ; en l’ek-sistant : en m’arrachant à mon statut de pure effectivité contingente en ce qu’il m’ouvre à mon pouvoir être ceci ou cela. C’est dire que l’existence est possibilité, potentialité langagière. C’est en ce sens que nous entendons la notion de transcendance : il s’agit de « passer » de l’effectivité brute de mon corps vivant, biologique à celui d’existant ; d’être possibilité signifiante. En ce sens l’homme est avant tout caractérisé par le logos : il lui échoit de tisser une conjointure mondaine. Nous nous distinguons ici d’une position philosophique qui définirait l’homme comme un animal à qui un plus serait ajouté à savoir la raison. Concevant l’existence comme un incessant devenir langage, je vais alors dans ma pratique de Gestalt-thérapeute interpeller la façon dont un sujet se construit comme sujet du langage, comment il se débrouille avec cette question du sens qui lui échoit, le caractérise comme existant, et l’ouvre à l’angoisse de son avoir à être. C’est dire que je vais m’étonner de son style langagier. Les avatars de cette institution langagière de soi vont décliner les avatars de la subjectivation.

« le self n’est qu’un petit facteur dans l’interaction organisme/environnement, mais il joue le rôle crucial qui consiste à développer et créer des significations grâces auxquelles nous pouvons nous développer » Perls, Hefferline, Goodman « Gestalt-thérapie », P 10 .

Du point de vue de la théorie du self qui constitue notre fondement de Gestalt-thérapeute, le langage vient articuler et révéler le déploiement du self en ses modalités ça, ego et personnalité. Il est le fond duquel se dévoile un monde pour un sujet. Ainsi, le langage nous invite à entendre plus particulièrement le mode personnalité là du self comme ce fond de possibilités déjà connues et reconnues ( les expériences que j’ai comprises et assimilées) surgissant à l’occasion d’une situation dans laquelle le sujet est toujours déjà engagé et qui le convoque à son pouvoir être. Ainsi entendu, le self en son mode personnalité traduit le moment où le sujet ouvre des possibilités émergeantes du ça de la situation qui lui est donné et qu’il accueille en lui donnant forme : peu à peu il va procéder par identification et aliénation de ces possibles (mode ego) jusqu’à ce qu’une figure claire d’intérêt advienne « à sa conscience ». Cette figure claire institue sa façon d’exister à cette situation, lui-même et la situation co-advenant dans le processus de déploiement du self . Le langage ouvre alors le site de mon séjour au monde, à la fois fond de possibilités d’être et figure de cette possibilité que je suis et deviens en la nommant. Ce faisant, je prends moi-même conscience d’exister ainsi disposé en me choisissant, en effectuant pleinement cette possibilité c’est-à-dire en me définissant et me reconnaissant comme cette personne-là, dans cette situation là. Bien entendu, dans mon existence courante, je nomme, je choisis parmi des possibilités signifiantes sans avoir conscience de ce pouvoir de constitution (sans être attentive aux diverses possibilités qui se présentent à moi et parmi lesquelles un choix va peu à peu s’opérer). C’est lorsqu’une difficulté surgit que ce pouvoir vient en lumière justement sous la forme douloureuse d’un « ne plus pouvoir ». Nos patients nous convient aux nombreuses variations de cette défaillance. Nous retrouvons là la conception de la pathologie comme « être pu » chez Maldiney. Ceci nous permet d’entendre les propos de Laura Perls disant que le langage fait partie « de l’équipement de soutien » de l’être humain. (Vivre à la frontière » p.68)

Pour illustrer mon propos et le développer encore je vais maintenant évoquer quelques séances avec un de mes patients :

Pierre :

Lorsque je le reçois pour la première fois, Pierre est un adolescent âgé de seize ans. C’est sa mère qui sollicite le premier rendez-vous : au téléphone, elle me dit : « il est dans un autre monde…Il ne dort plus depuis dix jours…Il est décalé…Il a fumé de l’herbe…Il est complètement déjanté ». Le rythme de sa voix m’apparaît précipité et il m’affecte en une tension qui m’évoque une grande peur. Lors de notre première rencontre, Pierre entre après sa mère ; je me dis qu’il arrive derrière sa mère. Je le vois grand, assez longiligne et ses cheveux font une masse ébouriffée autour de son visage. Je les reçois d’abord tous les deux et la mère exprime son inquiétude très vive : elle ne sait plus quoi faire ni quoi penser, par où donner sens au comportement étrange de son fils. Elle évoque l’herbe fumée et la pleine lune qui déstabilise. Elle relate l’agitation de son fils qui ne tient pas en place. Elle parle d’un chagrin d’amour que Pierre a vécu cet été, de sa sœur qui est partie poursuivre des études à l’université, d’elle-même qui vient de s’installer avec son ami et sa fille âgée de sept ans, de leur mode de vie dans une communauté. Elle semble chercher activement un sens qui lui permettrait d’entendre ces agirs comme familiers et par là qui la rassurerait. L’atmosphère de ce moment d’échange prend forme pour moi comme une quête avide de réassurance tant vis à vis (vis-à-vis) de ce qu’elle conçoit comme cause d’un tel agir que vis à vis de moi : elle recherche mon approbation face à ses hypothèses et je formule pour moi-même l’hypothèse qu’elle se soutient ainsi, en recherchant une communauté de monde avec moi, face à l’étrangeté qu’elle éprouve à l’occasion de son fils. Pierre me semble écouter ces propos avec des moments où il semble capté ailleurs : il observe la pièce, les objets, se lève, se rassoit. Lorsque je l’invite à donner son avis, il ne dit pas … Sauf que sa mère l’empêche de vivre à sa guise. Finalement nous convenons, sur ma proposition, de passer un moment seul tous les deux. L’échange est ponctué de silences. Pierre me dit qu’il a du mal à supporter sa mère : elle l’énerve. Je l’invite à déplier et alors il frappe des rythmes avec ses mains sur l’accoudoir du fauteuil… Il parle du Reggae, il me demande si je connais… Il dit : « l’important, c’est les oiseaux, la nature et la musique ». Mes invitations à aller plus près de ce qu’il éprouve en ce moment ne trouvent pas de réponses telles que je pourrai (pourrais) les imaginer ou m’y attendre. Sa façon de se manifester me surprend : il frappe de ses mains sur l’accoudoir du fauteuil, se lève, revient s’asseoir… Au bout d’un moment, je lui fais part de mon sentiment de bizarre. Je lui dis que cela me fait penser à quelqu’un qui « zappe », qui change de sujet ou ne reste pas sur un sujet. Il convient qu’il « zappe ». À un moment il évoque son père et dit : « il est devenu fou à cause de ma mère…Il voulait voyager et pas elle ». Puis il revient au reggae, évoque sa tenue vestimentaire. Il me dit qu’il a eu une copine et que « c’était pas bien ». Il exprime une préoccupation à l’endroit de son corps et là il se lève, relève son tee-shirt et me montre son ventre et me dit qu’il le trouve gros. Je suis surprise par la facilité avec laquelle il dévoile son corps et je me dis qu’il ne manifeste pas de pudeur comme je pourrais l’attendre d’un adolescent ce qui me surprend et que je choisis de ne pas partager. Mon sentiment à l’issue de ce premier entretien est une atmosphère étrange, une proximité surprenante par moments et une distance aussi. Sa façon de dire est comme « zappée (« zappée ») : peu d’ajustement et comme peu de lien…s’adresse t-il (s’adresse-t-il) à moi ? d’où parle-t-il ? Je me sens vigilante, inquiète et en même temps crains de figer la rencontre en une représentation elle-même préoccupante : me viennent des idées de comportement maniaque, de fuite des idées, d’entrée en délire et aussi un doute, une impression de flou . Sa façon de se présenter à moi m’apparaît comme en pointillés ce qui éveille en moi un sentiment de malaise, une absence de repères pour tenir ma propre présence à lui. Compte tenu des troubles du sommeil et de cette agitation qu’évoque la mère et aussi de mes hypothèses et de mon ressenti, je donne l’adresse d’un médecin afin d’envisager un traitement pour aider Pierre à dormir et tenter d’éviter un épisode délirant. Je dis aussi que je m’inquiète de cette agitation et qu’il est important d’aider Pierre à se détendre afin d’éviter qu’il ne perde contact avec la réalité. Nous convenons d’un nouveau rendez-vous proche.

Le lendemain, je reçois un appel téléphonique de la mère. Le père vient d’arriver (il réside à l’étranger) car elle l’a alerté au sujet de son fils et lui a demandé de l’aide. Pierre est très agité et parfois agressif, il est difficile de le contenir et il semble désorienté dans le temps. Je réitère plus fermement l’urgence de voir un médecin et elle va accepter après que j’ai pris le temps de lui expliquer et qu’elle a pu partager avec moi sa réticence à l’endroit des médicaments. J’ai pris le temps là de soutenir cette réticence (en l’invitant à la développer avec moi, en manifestant de l’intérêt et du respect pour sa façon de voir) pour qu’en la reconnaissant avec moi, elle l’élabore en pleine conscience et éprouve que je respecte sa façon de voir et sa crainte ; autrement dit que j’accueille sa propre façon de signifier le monde pour elle. Cela lui a permis d’accepter de prendre rendez-vous avec le médecin et de se risquer à fragiliser certaines des valeurs sur lesquelles se fondait son agir habituel. Pour ce qui me concerne, j’ai pu à cette occasion prendre conscience de l’état d’alerte dans lequel cette rencontre avec Pierre m’avait « précipitée » et qui m’avait conduite à ne pas suffisamment prendre en considération les signes de réticence que cette femme avait manifesté (manifestés). Ma propre quête de sens avait pris le pas sur l’ouverture aux valeurs de cette dame. Nous convenons d’un rendez-vous le lendemain afin que le père puisse lui aussi me rencontrer ainsi qu’il le sollicite. C’est le père qui va accompagner Pierre chez un psychiatre que je lui ai conseillé. Une injection de neuroleptique est alors prescrite et je les reçois aussitôt après celle-ci. Pierre est très tonique, les mouvements sont brusques et je vois ses mains rougies. Il me demande de mettre de la musique et explique : « pour me calmer ». Il ne trouve pas un lieu où se poser dans la pièce. Il ôte sa chemise et son tee-shirt et dit : « j’ai chaud ». Brièvement le père relate : le rendez-vous avec le psychiatre , qu’il est lui éducateur, que sa compagne a eu a (à) voir un psychiatre….Qu’il connaît. Il me demande de lui expliquer ce que je pense de l’état de Pierre. J’évoque le danger du délire. Pierre bouge sans cesse et cette agitation donne à l’échange une allure que je ressens saccadée, hachée. J’éprouve des difficultés à me focaliser sur ce que le père me dit. Je ressens la situation comme intenable : il m’est extrêmement pénible d’envisager d’échanger avec cet homme dans ce contexte et je vais plus tard exprimer ma difficulté car cet homme poursuit son dire comme si l’agitation de Pierre ne le perturbait pas. Je suppose que, de son point de vue, cette agitation ne fait pas surprise ; il s’y est peut-être habitué ? ou bien il n’en tient pas compte préoccupé qu’il est de me parler ? Pour lui l’urgence est de me dire, de me rencontrer, d’être rassuré. Ce jour-là Pierre me demande tout d’un coup (sa demande surgit pour moi à l’improviste, hors de ce que je pourrais anticiper . Elle survient brutalement :ton de voix de Pierre, débit rapide…Comme un impératif…) une feuille et me dit « je vais t’expliquer quelque chose de très important ». À ce moment-là, il se montre agité, comme en proie à une grande tension. Je reproduis ici ce qu’il écrit : « É DI TE PLAN QUÉ DI DTOI QUE DTU É pLAN qUÉ D J.K. ROYLÉN PET ROY L. ÉT S Y Aussitôt après avoir écrit il me dit : « C’est logique, ça tient debout et même quand je retourne la feuille ça tient, ça ne tombe pas ». En même temps qu’il me dit cela il le fait : il tourne la feuille pour me montrer que ça tient debout …Au sens le plus concret de cette expression ! Je ressens alors de la stupéfaction et une grande tension que je rétrofléchis délibérément. Il m’apparaît plus urgent de contenir que de déplier là ce qui se manifeste.

Au cours de cette séance, il n’ajoutera rien d’autre. Nous suspendrons l’entrevue car Pierre exprime et agit dans le même mouvement son désir de partir aussitôt après avoir écrit ce texte. L’atmosphère de cette séance est empreinte d’une vive oppression. Pierre sera finalement hospitalisé et, après une fugue nocturne, mis dans un service fermé. Le diagnostic que l’équipe de l’hôpital ébauche dit « entrée en schizophrénie ». Je livre ma réticence à inférer un tel pronostic au vu des éléments dont nous disposons et invite à prendre patience et voir. Durant ce séjour, je rencontrerai à plusieurs reprises les parents de Pierre. Ma posture sera d’écouter et d’accompagner leur détresse, leur quête de sens et ils me parleront de Pierre, des circonstances de leur séparation, de leur réticence vis à vis (vis-à-vis) des médicaments. Au cours de ces séances, ils parviendront à parler ensemble, se dire leurs craintes l’un vis à vis de l’autre et aborderont leurs désaccords quant à leur conception du rôle de parent ; jusqu’à parvenir à s’accorder en élaborant quelques principes pour une conduite commune. Je veillerai également à tisser des moments d’échange avec le psychiatre et nous aborderons ensemble les modalités de poursuite d’une prise en soin concertée. Pierre sort de l’hôpital pour venir aux séances de thérapie. À cette occasion, il dessine un bateau avec une voile : l’avant est déchiqueté et coloré de rouge. Sur le dessin figurent deux personnages, tous deux très proches et situés vers l’arrière du bateau : l’un est tout petit, assis tête penchée vers l’avant, sans bras ; l’autre est très grand avec des bras très longs et gros , le regard est figuré par un carré noir qui donne l’impression que le regard se dirige vers le haut du mat . Autour de la tête et détachés d’elle figurent plusieurs traits qui m’évoquent comme une chevelure « rayonnante » ou qui pourraient exprimer un mouvement comme dans les bandes dessinées. Sur mon invitation, Pierre dit : « un bateau qui coule à cause des blessures du cœur ». Je lui demande s’il se situe quelque part sur ce dessin et il me dit « je suis en haut à la vigie ». Or en haut, il n’y a pas de personnage dessiné et cela me surprend. Je lui demande qui est ce grand personnage et il me dit : « ça c’est la position que j’aimerais être : fort et debout ». Au sujet de l’autre personne qui est toute petite et assise à l’extrême arrière du bateau, tête baissée, il me dit : « Pierre est là bloqué pour faire contrepoids ».

Cette séance et celles qui suivent dureront environ vingt minutes car Pierre se dit vite épuisé et demandera que nous nous arrêtions ce que je soutiendrais (soutiendrai ?). Dans un premier temps, c’est moi qui vais proposer de clore lorsque je percevrai des signes d’agitation et de malaise. Mon projet s’appuie alors sur l’idée d’arrêter la séance pour soutenir et ouvrir la rencontre sur un mode plus supportable. Je cherche à m’ajuster à la capacité de Pierre de tolérer la proximité en m’appuyant sur ce qu’il manifeste tel que je le reçois. Je veille à ne pas faire trop « monter » l’angoisse. Peu à peu Pierre va pouvoir lui-même demander de clore la séance lorsque cela devient juste pour lui. Et, peu à peu, je vais moi l’inviter à regarder comment ce désir de terminer la séance émerge et prend corps : soit fatigue et difficulté à se concentrer ; soit tension ressentie et difficulté à soutenir la proximité, soit le vide. Nous allons différencier ce qui sous-tend cet agir posé comme évident et puis, peu à peu, ouvrir et explorer d’autres possibilités de faire avec ce pathos là venant. Je l’invite ainsi à s’appuyer davantage sur la relation, à partager et vivre qu’il peut être entendu, reconnu et susciter mon intérêt. Par là nous explorons et tissons de nouvelles possibilités de monde et par là de nouvelles manières de pouvoir s’y comporter. La verbalisation est pauvre et une sensation de lourdeur m’affecte que je comprends comme angoisse, viscosité. Je lui proposerai de dessiner dans le souci de trouver une médiation à notre rencontre, une forme de moyen de contenir et distancier car je ressens cette lourdeur et la comprends comme une difficulté à soutenir la dimension pathique à laquelle nous sommes convoqués au cours de la séance : proposer un faire pour soutenir la présence ; proposer une attitude connue pour supporter l’ouverture au ça de la situation. Peu à peu, nous nous apprivoisons et Pierre me semble moins collé à la situation. La durée des séances s’allonge. Dans mon choix de posture, je vais lui proposer mes propres mots, ouvrir des possibilités de sens, des directions comme des esquisses pour lui donner un appui sécuritaire à partir duquel il pourra trouver sa propre forme.

Lors d’une séance Pierre se montre figé, le regard m’apparaît hébété et il se plaint de cela : « je me sens comme dans une bulle, comme si je ne sens plus rien…c’est pas agréable »… « je ne peux plus contrôler mon corps » « je deviens différent de moi » « j’ai peur de moi-même ». Nous cherchons ensemble des mots pour construire en commun cela. Il évoque des idées qui lui viennent et qu’il ne choisit pas, qui l’assaillent. Il ne veut pas en dire davantage et même il ne peut pas « car quand je suis seul, elles sont bien claires, mais si j’essaie d’en parler ça devient bizarre et ça devient flou ». J’essaie de soutenir une narration et je suis attentive lorsque je prends mes notes de séance à cela : que je cherche à composer et organiser les bribes de phrases de Pierre, que c’est ainsi que je me soutiens face à cette étrangeté que j’éprouve à l’occasion de nos rencontres. Il lui est difficile de se concentrer, de tisser un dialogue et vite il me dit son épuisement, la tension qu’il ressent dans tout le corps et surtout la nuque et les bras, le ventre. Au cours d’une nouvelle séance, il change de fauteuil, me demande de s’asseoir dans celui que j’occupe. J’accepte et l’invite à me dire ce qu’il éprouve : « dans l’autre il y a plus d’angoisse » « le coussin est plus moelleux alors que celui-là est plus dur. J’ai peur de m’adoucir ». Sa façon d’être affecté se livre ainsi en phrases qu’il ne déplie pas alors je propose des esquisses …Juste il a peur de cela et cela ne s’incarne pas dans une situation, une projection ou un imaginaire…S’adoucir ? cela reste question et n’ouvre pas une direction de sens, une possibilisation de soi, c’est à dire (c’est-à-dire) une façon de comprendre sa présence. Puis Pierre peut reconnaître qu’il a des soucis et notamment revient son idée que sa mère est alcoolique. Ses parents ont chacun parlé avec lui à ce propos, mais aucune explication ne l’apaise, ne lui permet d’accueillir une signification partagée, de l’ordre du nous. Cette idée persiste rebelle à toute mise à l’épreuve de la situation. Elle persiste comme résistant à toute construction de sens ajustée aux autres qui l’entourent…Une idée insistante et suspendue à la situation. Et puis il y a le « chagrin d’amour ». Pierre, avec l’aide de mes questions qu’il sollicite, parce qu’elles lui permettent de trouver quoi dire de lui et que, sans elles, il est vide. C’est-à-dire aucun mot ne se présente pour initier un dire, nous construisons une histoire de ce qui s’est passé. Je partage ma façon d’être affectée et en cela lui offre des mots qu’il peut introjeter et assimiler peu à peu pour dire ce qu’il a pu ressentir. Il dira que lorsqu’il a rompu - c’est lui qui a rompu car il se sentait en faute d’éprouver du désir : il voulait quelque chose et se vivait coupable de ce vouloir - il a frappé avec ses poings sur des poteaux de bois. S’appuyant sur mes verbalisations, il reprendra que la douleur était vive à ses poings, une douleur là à ses mains et pas de détresse liée à la rupture.

Le traitement neuroleptique va peu à peu diminuer. Les idées délirantes vont disparaître : que sa mère est alcoolique, qu’il est le fils de Bob Marley…Il ne va plus tenter de rentrer dans les couleurs des tableaux … l’agitation et la fuite des idées laissent place à un grand vide. Pierre est réticent à aborder cette période de son hospitalisation. Je lui dis ma façon d’entendre ce qu’il éprouve : qu’il est comme sous le choc de ce qui là lui est arrivé et qu’il ne parvient pas à comprendre, qui le convoque à une étrangeté radicale de lui-même et ouvre l’angoisse, l’absence de sens, de cohérence. J’accueille cette réticence et choisis de prendre le temps, d’approcher peu à peu c’est-à-dire d’accepter d’endurer ce vide auquel sa présence me confronte. Un jour je lui demanderai s’il veut bien que nous évoquions ensemble cet écrit qu’il avait produit : Pierre regarde la feuille, reste un temps silencieux, regarde alentour. Il dit qu’il ne comprend pas, que c’est étrange, il rigole, il ne se souvient pas et puis : « plan qué c’est comme ça que mon père prononce ton nom ; il est allemand » Je m’étonne à propos des lettres barrées, il ne sait qu’en dire : ni que c’étaient des erreurs qu’il aurait alors raturées, ni que ces lettres ainsi barrées prendraient un sens particulier. Il ne semble pas non plus accéder au jeu de mots que nous pouvons entendre dans cette répétition de mon nom transformé. Il dit que ce qui lui plaisait c’était les sons. Comme si les mots devenaient une matière sonore, une matière dénuée de signification narrative et pourtant empreinte d’une dimension pathique non médiatisée. Pierre alignait des sons qui se répétaient, des sons qui lui plaisaient dans leur succession mélodique. Il dira alors qu’à cette époque il était dans une autre logique ; par exemple certains chiffres voulaient dire quelque chose mais aujourd’hui il ne comprend plus, il ne se reconnaît pas dans cela. Comme si ne lui reste qu’une sensation de cette logique différente de celle du monde commun ; ou bien que c’est si violent qu’il ne peut encore trouver un moyen de partager cela.

Les séances se poursuivent et je continue à me montrer curieuse de ce qu’il vit, à l’accompagner pour évoquer sa vie quotidienne et à mettre en mots le ça de la situation par où nous advenons lors de nos rencontres. J’imagine ce qu’il peut ressentir en m’appuyant sur sa façon de se tenir et ce qu’elle éveille en moi. Je suis vigilante à dire que j’imagine ainsi son vécu à partir du mien et des possibilités qui me viennent alors. Je projette des scénarios permettant de tisser une histoire, de s’orienter en élaborant la situation. Quelques thèmes prennent forme : L’ennui : un vide à dire, pas de mots qui viennent pour initier un dire, sensation de lourdeur, pas d’évènement. Pierre évoque les gens autour de lui, qui parlent, parlent ; lui est là, il se sent loin, ces paroles ne le mobilisent pas. Il ne les reçoit pas. Il ne se situe pas à leur occasion. Il dit qu’il ne sait pas quoi dire de lui, il ne sait pas ce qui peut éveiller un intérêt et il ne s’éprouve pas mobilisé.

Il reprend le chemin du lycée avec un emploi du temps aménagé jusqu’à progressivement suivre l’ensemble des cours de sa classe. Il me dit qu’il se sent épuisé et étrange. Il parvient à noter les dires des professeurs « ce qu’ils dictent ». De lui-même il ne parvient pas à sélectionner des phrases. Durant les moments de récréation, il se vit loin des autres et n’arrive pas à sentir une excitation : « je me mets où il y a de la place, j’écoute…Je ne vois pas quoi dire, rien ne vient » sensation désagréable d’être à côté de lui-même : « une vie de naze ». Il ne ressent pas d’attrait, de curiosité ou bien celle-ci se désagrège trop rapidement. Il ne parvient pas à se concentrer.

L’angoisse, la peur : les émotions sont difficiles à nommer. Il me demande des mots pour dire et c’est nouveau cela, qu’il me demande, qu’il prenne un tel risque. Nous tissons peu à peu un échange sur cette base. Pour partager ce qu’il ressent nous imaginons ensemble un paysage : « ça serait noir et blanc…une étendue…Sans relief…Il ne se passe rien ». J’ouvre des directions, propose des formes et il en retient certaines ou bien, s’appuyant sur celle-ci, il peut alors préciser sa propre forme. Il prend plaisir à imaginer ainsi avec moi et me le dit. Parfois le rire vient, plus léger. Je soutiens cela, nous tissons ensemble des paysages pour dire le ça de la situation et peu à peu nommer une émotion, venir en présence.

Mon projet thérapeutique consiste à l’accompagner ainsi pour lui permettre de retrouver peu à peu son pouvoir de dire et ainsi son pouvoir de s’approprier lui-même, de s’orienter au monde. En quelque sorte je propose des trames pour baliser l’effroi de l’ouverture à la situation, trames à partir desquelles Pierre va se risquer à tisser une chaîne. Mon travail de trame vient offrir un sol d’où il peut prendre du recul pour élaborer son mode d’être affecté. Du point de vue du self, j’élabore ma propre affectation, propose des possibilités signifiantes sur lesquelles il peut alors se soutenir en mode ego c’est-à-dire développer sa propre construction. Je dirais que je peux me laisser accueillir l’ouverture des possibles sans être paralysée par l’angoisse, figée face à ma responsabilité et ma solitude devant ces sens possibles parmi lesquels je vais m’orienter c’est à dire (c’est-à-dire) décider d’un sens, choisir une vérité de monde. Ma façon de donner sens à ce qu’endure Pierre c’est de formuler l’hypothèse qu’il ne peut se tenir dans ce ratissage des possibles : dès le pré-contact, il est englué dans ses sensations et ne peut les élaborer. Nous sommes alors en défaut de mode personnalité. Pris dans l’immédiateté de la situation, Pierre ne peut pas « convoquer » suffisamment de familiarité qui lui offrirait un point d’appui pour s’ajuster à la situation dans sa nouveauté tout en conservant dans ce mouvement une continuité de lui-même. Je comprends ce qu’il éprouve comme être pris dans une nouveauté radicale ce qui est pour moi synonyme d’étrangeté radicale. En livrant mes hypothèses je propose des balises qui lui permettent de se « décoller » pour dire, de se « dé-prendre du ça ; du il y a ». La peur est là dès que nous évoquons la période de l’hôpital : peur que cela revienne, absence de prise par où dire. Ce que je ressens et imagine lorsque nous abordons cela c’est comme si Pierre avait basculé tout d’un coup dans un autre monde…Et je me rassure en pensant à « Philémon » une bande dessinée où le personnage se trouve - à chaque nouvelle histoire - précipité dans un monde totalement inconnu : il tombe dans une lettre du mot « atlantique ». Chaque lettre dispose de son propre univers et l’aventure va consister pour Philémon à explorer cet univers jusqu’à trouver un passage… Dans la culture Gestaltiste circule l’idée que, dans l’idéal, le mode personnalité devrait être le plus réduit possible. La situation que j’évoque ici nous permet de comprendre combien les trois modalités du self s’articulent simultanément et sont toutes essentielles à son bon déploiement. Et cela se révèle particulièrement lorsque nous accompagnons des personnes dont le style de présence se qualifie dans la nosographie classique comme psychotique. Si je ne dispose pas d’un fond d’attitudes rhétoriques, d’habitudes d’expériences assimilées, avec lesquelles je suis le plus souvent en confluence (mode personnalité du self), je n’ai aucun angle d’où m’extraire du pathos de la situation (ça de la situation) en lui donnant forme et sens et par là en me donnant forme. Cela veut dire que je ne peux m’approprier et me situer ; que je perds ce « sentiment » d’une unité-continuité de moi.

Actuellement, la thérapie suit son cours. Pierre a pu me dire combien cela lui est difficile de venir car « ça tourne autour de moi » et aussi me dire « je sais que c’est nécessaire ». Il se sent en sécurité avec moi et nous avons ensemble un projet que je ne perds pas de vue : chercher ensemble des modes de tisser l’histoire de ce qui lui est advenu et chercher ensemble un mode de tisser un projet de vie. Pierre s’appuie sur ma capacité à verbaliser et me sollicite ce qui auparavant n’avait pas lieu et c’était alors moi qui proposais, cherchais vers lui.

Sur la base de cette situation de thérapie , je vais maintenant proposer une articulation en me référant à la théorie du self et à l’analytique existentiale développée par Heidegger à fin de dégager le style particulier de Pierre :

Self, temporalisation et langage :

Me référant aux principes du champ tels que nous pouvons les trouver dans l’article de Malcom Parlett même si je ne partage pas totalement la façon dont il développe ces principes, je conçois le self comme un processus temporel et plus justement comme le processus de temporalisation vers soi. Je veux dire par là que la théorie du self constitue un a priori que nous adoptons pour interpeller l’entrée en présence d’un sujet, la façon dont il se temporalise. Soi renvoie alors à ce mouvement d’être tendu vers sa possibilité au sens du « venir-à-soi-toujours-sans-cesse » de Kimura Bin. Cela signifie que soi n’est pas moi parce que je ne peux dire cette possibilité( vers soi) qu’à la clore en disant je (moi), en réduisant ma possibilité à l’effectivité que je suis par l’acte de l’appellation. Ainsi conçue la théorie du self nous offre un point par où regarder la rencontre thérapeutique et mettre en tension la temporalisation d’un sujet. Dans cette situation clinique qui nous occupe, et pour reprendre mes travaux précédents (« De quelques avatars à se constituer sujet dans la relation…Franges »), je dirai que Pierre ne parvient pas à se prendre suffisamment pour quelqu’un. Du point de vue de la nosographie classique nous nous situons dans une catégorie psychotique. Nous concevons le self comme un processus temporel et cela nous engage à définir comment nous concevons la temporalité : Les principes du champ repris par Malcolm Parlett nous convient à une temporalité non pas chronologique mais ek-statique. Ce point mérite quelques développements pour les non familiers de l’œuvre de Heidegger : Concevoir la temporalité d’un point de vue ek-statique c’est se démarquer d’une conception chronologique du temps. Le temps chronologique est le temps tel que nous le concevons dans notre vie quotidienne : un temps calculé, rythmé par les pulsations de nos horloges. Il se réfère à une durée objective qui se découpe en passé, présent et avenir : le passé est ce qui est fini, le présent ce qui dure et l’avenir ce qui sera. Ainsi conçu, le temps est durée infinie, métrique. Du point de vue ek-statique nous nous référons au kaïros, l’instant. Les trois ek-stases temporelles ne sont plus conçues dans un rapport de durée mesurable, mais comme entrée en présence d’un existant. Le temps est fini en lien avec la facticité de notre vie : ce qui relie ma naissance à ma mort à venir. Présent, passé et futur sont simultanés et adviennent dans l’instant de l’entrée en présence ou de la transcendance par laquelle un sujet advient lui-même dans un mode propre de se comporter à .

Le self est un processus temporalisé, le processus de figuration du champ pour un sujet. Il est bien clair qu’ainsi entendu, le self n’est pas une entité psychique que nous pourrions traduire par le soi et là je me différencie notamment des propos d’André Jacques dans son livre « le soi, fond et figure de la Gestalt-thérapie » .Si nous voulions être plus adéquat nous devrions alors parler de « selfing » à fin de mettre en avant la dimension processuelle du self. Celui-ci se déploie en différents modes : Perls, Goodman et Hefferline parlent de fonctions là où je préfère parler de modalités ; le terme de modalité évoquant les modalités d’exister en vue de sa possibilisation. Ces modalités ne surviennent pas dans une succession chronologique mais simultanément. Ainsi lorsque nous parlons du processus du contacter ou, comme le formule Jean-Marie Robine, de séquences de contact, le découpage que nous opérons (pré-contact : mode ça etc.) est à considérer comme un découpage à visée pédagogique dans la mesure où il ne peut y avoir de self s’actualisant sur le mode ça uniquement .Rappelons que le self est un processus actuel : dénué d’un avant ou d’un après chronologiques ( principe de contemporanéité du champ). Dire que c’est un processus actuel c’est dire que dans l’instant s’ouvrent simultanément les trois ek-stases ( ek = hors et stase : arrêté ; a donné le mot statue. Ek-stase = qui ne connaît pas de pose) temporelles.

Signifier, donner sens, revient à se clore momentanément à l’ouvert de la situation. Par là même, un sujet se constitue alors sujet dans une relation signifiante discernant un monde momentanément figé par le mouvement de reprise constituante vers soi qu’est la venue en présence. Cette construction d’une Gestalt claire et brillante est toujours reliée à la situation du moment. Ainsi le self en tant que processus d’élaboration signifiante du contacter du champ, est un mode d’ajustement créateur d’une situation nouvelle sans cesse. Lorsque je parle de situation, je définis cette notion comme survenue simultanée d’un je au monde. La notion de situation telle que je l’entends aujourd’hui se lie au corps : je suis toujours situé en quelque façon car je suis un corps et j’ai un corps. Ces deux façons que nous avons pour dire notre rapport au corps : je suis et j’ai nous invitent à regarder la situation comme à la fois une situation que j’endure ou que j’éprouve - et là je dirai que j’ai un corps- et à la fois une situation que j’ouvre en lui donnant forme- et là je dirai que je suis ce corps là -. J’avance l’idée que le champ est un principe : il énonce les conditions de possibilité du tissage signifiant, de la situation. La notion de situation ainsi entendue se fonde sur l’être-au-monde Heideggerien : simultanément je et monde co-créés dans la prise en forme langagière de la situation en son déploiement. Ceci mériterait quelques développements car alors s’ouvre la question du rapport des notions de situation et de phénomène ; mais aussi d’évènement. Ceci pourrait constituer l’objet d’un approfondissement ultérieur. Pour l’heure revenons à nos moutons : Du point de vue de la survenue signifiante, le self se « polarise » en sujet et objet par je qui nomme. Cette polarisation, qu’à la réflexion je nommerai plutôt mise en tension car il n’y a pas de pôles, pas de sujet distinct d’un objet mais plutôt une tension instituant un rapport sujet-objet. Dans ce rapport de tension sujet-objet c’est le rapport qui instaure le sens. Cette tension actualise ce qu’en Gestalt nous appelons frontière-contact et qui renvoie à l’entre, l’espace ouvert d’où surgit l’évènement ( évènement que nous entendons comme l’évènement de ma propre venue en présence). Le self n’est pas alors une figure de la subjectivité mais un processus de subjectivation dans le sens du « venir-à-soi-toujours-sans-cesse » de Kimura Bin. La notion de subjectivation indique bien qu’il s’agit d’un procès toujours en cours, ce que n’indique pas la notion de subjectivité. Bien entendu, rappelons ici que dans l’exister quotidien il n’y a pas place pour une telle subtilité : le sujet se considère comme un sujet distinct ; il se prend pour quelqu’un ; suffisamment du moins sinon il ne pourrait entretenir des relations sous le signe de la quotidienneté.

Ces trois modalités de déploiement surviennent simultanément, c’est-à-dire ? Se donner forme à l’occasion d’une situation de rencontre, c’est tisser le langage. En tant que je suis au monde, je suis en quelque sorte livrée au ça de la situation : entrer en présence c’est alors endurer le ça de la situation et peu à peu tisser l’ouvert de ma facticité corporelle en possibilités signifiantes jusqu’à l’instant où je me décide (cette décision est davantage un acte qu’une rationalisation) pour une possibilité que je deviens alors. Celle-ci est l’aboutissement aussitôt reconduit d’un ajustement créateur de moi-même en cette situation, qui découvre un site, par où je vois et me situe en y séjournant. Le ça de la situation n’est pas médiatisé. Il est contacter, c’est-à-dire être affecté ( le pathique cher à Maldiney) et il m’appartient pour advenir en tant que moi-même de transcender le ça c’est-à-dire d’en ouvrir des possibilités signifiantes. Cela veut dire que je n’ai pas accès au ça de la situation en tant que tel ou dans sa « pureté ». Le ça de la situation est une inférence, un a priori que nous adoptons. Lorsque je parle du ça de la situation, je lui donne forme, même à titre d’esquisse, et par là j’ai déjà une orientation. C’est en quelque sorte tisser en consciousness l’awareness du champ, et il me semble judicieux de relier ceci aux notions de transpassible et transpossible de Maldiney . Ces possibilités signifiantes (passé, ce que je « suis été » et au-delà) ainsi survenantes, tendues vers mon à être (avenir) dans l’actualité de la situation, sollicitent le self : Cela veut dire que ce que j’ai été et que je connais, et que dans mon expérience quotidienne je reconnais, ramène l’ipséÏté ( l’altérité de moi même ; l’inconnu de moi ; le soi ; ce qui est possibilité, inconnu ,ouvert ; avenir) de la situation à une certaine mêmeté ( idem = je le reconnais comme déjà éprouvé). Cette mise en tension du self en ses modalités de déploiement va prendre forme en mode ego, en ce que je vais peu à peu m’orienter sur le sol de ce que je reconnais dans cette situation nouvelle (mode personnalité) et qui vient soutenir l’ouverture à l’inconnu (mode ça ) prenant forme jusqu’à la signification à laquelle et par laquelle je vais m’identifier en définissant dans le même mouvement le monde (mode ego comme instant d’organisation des trois extases temporelles) . Le processus de temporalisation ou de subjectivation consiste pour nous Gestalt-thérapeutes en cette mise en tension simultanée des modalités de déploiement du self : le mode personnalité renvoyant à l’actualisation d’un connu (passé) reconnu dans le moment comme passé (et par là advenant comme passé) dans l’instant. Le mode ça renvoyant à l’ouverture vers le possible que j’ai à être et qui m’ouvre donc l’à-venir . Le mode ego renvoyant à l’instant du choix de ma possibilité par laquelle je reconduis mon pouvoir être que je suis vers son à être encore. J’insiste là en rappelant que ce découpage est à visée pédagogique. Ce disant, je voudrais évoquer la façon dont Isadore From (cité par JM Robine lors d’une discussion) définit les perturbations dans le déploiement du self : il parle de perte de la fonction ego et de perturbations des fonctions ça et personnalité. Cette distinction entre perte et perturbation prend ici toute sa validité : en effet, le propre de l’existant est bien de se transcender en entrant en présence et c’est au cours du procès de la temporalisation de soi que des troubles peuvent survenir : ces troubles de la transcendance s’illustrent en termes de perte du mode ego. Par contre, les modes ça et personnalité ne peuvent qu’être perturbés. En effet, la perte du mode ego engendre obligatoirement des perturbations des modes ça et personnalité dans la mesure où ces trois modalités de déploiement du self ne trouvent leur articulation que dans la signification ajustée créatrice du sujet auquel le mode ego nous convie. Ainsi compris, nous voyons bien que le mode ego est par excellence le moment de l’entrée en présence en ce qu’il met en figure une possibilité signifiante au cours de laquelle le sujet actualise son pouvoir être proprement lui même au monde en situant simultanément ce qu’il a été comme tel dans l’horizon de son à être à venir.

À l’issue de ce développement que pouvons-nous dire concernant Pierre ? Pierre ne dispose pas d’un sol sur lequel fonder son entrée en présence. Il est saisi, englué dans son ouverture à la situation. Les sensations de lourdeur, de flou que nous parvenons à mettre en mots avec le soutien de ma capacité signifiante illustrent bien cette angoisse qui le tétanise. Le bagage verbal dont il dispose devient alors série de mots qui le traversent sans qu’il parvienne à s’en saisir. Pierre dit qu’il ne peut s’assurer de la justesse de son propos. Il ne dispose pas d’un point de vue, d’un recul, de capacités de jeu permettant de tisser une direction de sens de la situation. Il est ainsi pris dans l’étrangeté de la situation, dans sa facticité brutale, dans sa corporéité. Pour nous référer à Ricoeur, nous dirions qu’il est dans une ipséïsation de son identité, une altération de soi qui n’est pas reliée à une identité idem. C’est dire qu’il y a comme une gélification dans le procès de dialectisation idem-ipse qui le saisit et le fige. Il est « englué » au ça de la situation. Le libre jeu des modalités du self est suspendu. Les mots ne s’incarnent pas et restent lointains perdant leur capacité signifiante : la perte en mode ego ne permet pas de convoquer les possibilités signifiantes ou la possibilisation de soi. Par là le mode personnalité ne vient pas soutenir l’ouverture pathique à la situation et permettre peu à peu le mouvement d’identification-aliénation signe de l’ajustement créateur de soi-au-monde. Il dispose certes d’un vocabulaire, mais celui-ci ne prend pas sens pour incarner la situation à laquelle il est livré. Pierre se présente comme désaffecté, sans lieu, sans capacité d’exister sa corporéité en la signifiant comme sienne.

Au cours des premiers moments où nous nous rencontrons, Pierre est au contraire agité, excité. Lorsque je l’invite à déplier ce qu’il me dit, les mots ne viennent pas et il se soutient alors en frappant de ses mains sur l’accoudoir. Il ne parvient pas à s’incarner en un dire. Il dit des phrases qui semblent faire sens pour lui et qui, prises isolement, affirment un dire. Ce qui me surprend c’est qu’elles ne s’articulent pas en une trame narrative, en un vécu situé. Malgré tout il y a une forme d’articulation signifiante même si son dire semble hors d’appui dans une situation vécue. Cette idée de l’alcoolisme de sa mère, je la comprends comme un surinvestissement signifiant : elle boit = elle est alcoolique. De la même manière, il dira « je suis schizophrène parce que je suis fou du ski ». Lorsqu’il écrira ce texte que j’ai reproduit, il le fera frénétiquement, comme en un éclair et puis ce message n’ouvre pas un partage de sens, une rencontre : il utilise des lettres qu’il assemble dans une logique qui m’est étrangère et que plus tard il ne pourra fonder, se sentant lui même étranger à celle-ci. Ce texte deviendra inquiétant pour lui : il convient que c’est bien lui qui l’a écrit mais un lui qui n’était pas lui et auquel il ne peut s’identifier aujourd’hui. Du point de vue du self, la perte en mode ego ne permet pas d’articuler en une trame signifiante le ça de la situation et le mode personnalité. Il n’y a pas suffisamment de soutien, de sécurité, de fond d’expériences mobilisé d’où avoir recul pour aborder l’inconnu de la situation actuelle. Ce défaut oblitère tout angle de vue tout comme si j’imagine être transportée dans un monde totalement étranger : aucun repère c’est-à-dire pas de convocation en mode personnalité qui fasse sol pour s’ajuster à la nouveauté. Rien n’est reconnaissable et j’éprouverai alors une forme de sensation de désintégration de moi-même par défaut d’un point d’appui, de reconnaissance me permettant d’accueillir la nouveauté et par là de devenir sujet de mon expérience.

Pour conclure :

Cette idée du langage comme lieu de mon séjour en tant qu’existant, idée que Heidegger et ensuite Maldiney ont élaborée, m’a conduite à reprendre la théorie du self sur laquelle nous nous appuyons dans notre pratique de Gestalt-thérapeute. La situation clinique que j’ai évoquée m’a permis d’illustrer une certaine façon de se rapporter au langage : une façon en laquelle le langage achoppe à ouvrir la rencontre, devient matière opaque, collée au corps. Nous pourrions poursuivre cette élaboration en tentant de regarder les formes de l’entrée en présence au travers du rapport au langage :
  Collage au mot qui devient matière avec défaut d’ouverture d’un point de vue, d’une distanciation suffisante pour dire le ça de la situation.
  Impossibilité de se décider pour une forme signifiante avec une sorte de frénésie dans l’élaboration de possibilités de sens : lorsque quelqu’un sans cesse recherche le mot pour dire et qu’aussitôt identifié ( « ah oui c’est cela que je veux dire ! »), il est aliéné au profit d’un autre et cela sans fin. Lorsque chaque figure s’évanouit aussitôt qu’elle se détache du fond car dire cela c’est exclure tout le reste…. Et que c’est ce mouvement de clôture du langage qui est angoissant.
  Lorsque le mot est pris au pied de la lettre. Dans ces divers modes, nous pourrions décliner les formes de défaillance de l’entrée en présence .

Au-delà d’une conclusion :

Depuis que j’ai écrit cet article une année et demie s’est écoulée et aujourd’hui j’ai envie d’ajouter quelques nouvelles de Pierre : En ce moment il est en Inde pour un voyage de trois mois. Il est parvenu à intégrer une école particulière qui accompagne un groupe d’adolescents autour de projet de voyages. L’enseignement est organisé avec le centre national d’enseignement à distance. Il a dû développer son agressivité au sens où l’entend la Gestalt-thérapie pour être admis dans cette école : dans un premier temps il a effectué un stage de quinze jours à l’issue duquel il n’a pas été accepté pour le motif de ses difficultés relationnelles. Cela l’a fortement mobilisé et affecté. Nous avons abordé cela en séances. Son désir s’est clarifié et affirmé et il a pu solliciter plusieurs entrevues avec les responsables et leur donner envie de l’accueillir. Le traitement médicamenteux est totalement arrêté depuis le début de l’été. Pierre a pu donner sens à l’histoire amoureuse au cours de laquelle il s’est senti blessé, humilié, nié. Il me sollicite pour lui permettre de comprendre sa difficulté à s’engager dans une relation d’intimité. La thérapie suit son cours et il parvient à établir des relations en tenant compte des autres avec lesquels il communique. Il parvient à suffisamment se prendre pour quelqu’un !)

BIBLIOGRAPHIE

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PARLETT Malcom, « Réflexions sur la théorie du champ » traduction Catherine Delafon, « cahiers de Gestalt-thérapie N°5 Plain-champ » Pages 9 à 42, éditions du collège de Gestalt-thérapie , Bordeaux, 1999, 256 pages.

JACQUES André,« le soi, fond et figure de la Gestalt-thérapie », l’exprimerie, Bordeaux, 1999, 264 pages.

FRED, « Philémon », Dargaud éditeur

BIN Kimura, « Ecrits de psychopathologie phénoménologique » traduit par Joel bouderlique, PUF, collection psychiatrie ouverte, Paris, 1992, 193 pages.

RICOEUR Paul , « Soi-même comme un autre » , Seuil collection Points N°330,paris 1990, 424 pages.

Edith Blanquet est psychologue clinicienne et Gestalt-thérapeute. Membre agréée du Collège européen de Gestalt-thérapie de langue française. Titulaire d’un DEA de philosophie. Exerce en libéral à Toulouse (31) et à Alet-les-bains (11). Membre de l’équipe fondatrice de L’institut de Gestalt-thérapie des Pyrénées et du Languedoc. E-mail : edith.blanquet@libertysurf.fr


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