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"Psychanalyse et analytique du Dasein" Médard Boss

Résumé de lecture de ce livre (Vrin, Paris, 20007) proposé par Jacques Dupont


Médard Boss - Psychanalyse et Analytique du Dasein Editeur : Vrin, Paris,2007.

Résumé de lecture par Jacques Dupont

Préambule au résumé :

Médard Boss (1903-1990) – docteur en psychiatrie, fut l’élève de Bleuler, de Freud – avec lequel il entame une analyse didactique en 1925 - et collabora avec Jung. Il découvre « Etre et Temps » alors qu’il est médecin militaire de l’armée suisse, vers 1940. Il est y frappé par les propos sur la « sollicitude devançante » et prend conscience de la portée médicale de la pensée de Heidegger. Celle-ci lui offre les conditions d’une nouvelle compréhension des phénomènes dits « psychopathologiques ». Heidegger et Boss se rencontrent à partir de 1949. Ils se lient d’une indéfectible amitié. Entre 1959 et 1969, Boss organise dans sa maison de Zollikon un séminaire avec Heidegger, dont le livre « Séminaire de Zürich » rend compte. En 1971, il fonde avec Binswanger et Kuhn l’institut de Daseinsanalyse pour la psychothérapie et la psychosomatique. (Zürich) « Psychanalyse et analytique du Dasein » interroge la psychanalyse freudienne à la lumière de l’analytique du Dasein. Il s’agit de « déterminer si psychanalyse et analytique du Dasein ont quelque chose à faire l’une a l’autre et, si oui, ce qu’elles ont à faire. » Le propos n’a aucune malveillance : Boss tente de ménager avec rigueur la possibilité d’un dialogue entre la psychanalyse et sa propre praxis, fondée sur l’analytique du Dasein. Dans l’œuvre de Freud – et surtout dans les « Ecrits Techniques » (1915) Boss distingue rigoureusement la praxis (fondée sur la conviction que les symptômes ont un sens) et la superstructure théorique et spéculative (inspirée par une ontologie de la subsistance). Cette distinction est-elle artificielle ? L’ontologie implicite de la subsistance emporte-t-elle tout, en ce y compris la relation immédiate de Freud à ses patients ? La question de la résistance, celle du transfert peuvent-elles être posées à neuf, et de façon phénoménale ? Comment entendre le Dasein ?

P 7 Introduction Question inaugurale de Boss : la psychanalyse et la Daseinsanalyse ont-elles quelque chose à voir ensemble ou pas ? Pour tenter d’y répondre : retour sur …

P 8-18 Chapitre un : Retour sur la réalité immédiate de la praxis psychanalytique

Ce qui est déjà à noter : Boss distingue la praxis psychanalytique de sa théorisation.

Quelques éléments d’histoire : Freud et Breuer s’accordant sur le fait que les symptômes hystériques ont sens et signification, que la découverte du sens inconnu, « via » l’hypnose, coïncide avec la disparition du symptôme.

Le saut de l’hypnose à la libre association : l’idée demeure que les symptômes névrotiques sont un substitut significatif pour d’autres actes psychiques restés sous-jacents ( le travail de l’interprétation = découvrir le sens caché).

Cependant, la « libre » association peut échouer. Ces échecs sont liés à la surestimation du savoir du patient.

Freud découvre la résistance : ce n’est pas le non-savoir qui est pathogène, mais sa fondation dans des résistances internes (« contre les résistances, le savoir conscient est sans force ») -> tâche du thérapeute : lutter contre les résistances.

Sous l’influence des résistances, au lieu de se souvenir de tel point, le patient peut au contraire l’agir. La maladie n’est pas traitée comme une affaire du passé, mais comme un pouvoir actuel.

Parallèlement à cela, découverte du transfert : moyennant du temps consacré au malade, de l’intérêt, du tact, attachement du patient au médecin : transfert. (C’est le « feu » qui fait fondre les résistances). Le transfert est aussi entendu comme espace de jeu, dans lequel le malade est autorisé à s’épancher en liberté.

L’idée c’est que le patient acquière ce surplus de liberté qui distingue l’activité psychique consciente de l’activité psychique inconsciente. Ne pas dépenser la capacité d’aimer dans la cure, mais la tenir prête pour la vie réelle.

Résistance et Transfert sont les piliers de la praxis psychanalytique, ce sont les deux conditions pour s’appeler psychanalyste.

Ensuite, Freud propose à ses étudiants des techniques et des règles :

Règle pour le patient :

Que le malade s’attache à ses libres associations

Règles pour l’analyste :

Que le médecin écoute en se recueillant, mais sans effort, attention flottante, on écoute et on ne se préoccupe pas de savoir si on retient quelque chose. Capacité de se taire : ne pas interpréter avant que le malade soit prêt à presque éclaircir son mouvement psychique propre. Procéder de façon non intentionnelle, se laisser surprendre par chaque revirement, sans préjugé, sans présupposition. Ne pas substituer sa propre censure au choix auquel le malade a renoncé

Cérémonial propre à la situation : le malade est étendu sur le divan, et l’analyste derrière lui sans qu’il puisse le voir.

C’est là le cœur de la psychanalyse … le reste, c’est à dire l’élaboration théorique est : « une superstructure spéculative de la psychanalyse dont on peut sacrifier ou échanger sans dommage ni regret chaque élément. » « Pour ce qui est au plus proche de l’observation (dans la praxis), il reste beaucoup de choses à explorer. »

Pour Boss : dans la théorie de Freud, l’image de l’homme est une abstraction. Développement dans le chap. 2 :

P 19-39 Chapitre 2 : L’image abstraite de l’homme dans les théories psychanalytiques

Développement à travers des intitulés :

A. Les abstractions de la théorie freudienne. P 19-25 B. Les compléments et prolongements psychanalytiques apportés à l’image théorique de l’homme selon Freud. C. Les compléments apportés par la psychologie des complexes de Jung à l’image théorique de l’homme chez Freud. p. 32

Revue de détail :

A. Les abstractions de la théorie freudienne.

Critique du scientisme de Freud, resitué dans son époque.

Epoque dont le dogme s’exprime ainsi : le réel n’existe que sous forme de chaînes causales fermées et non lacunaires liant entre eux des objets existants.

Sur la base de cette hypothèse, la vie psychique consciente peut effectivement apparaître « lacunaire », donc « pas réelle ». D’où il devient nécessaire de créer un substrat « réel » (non lacunaire), laissant apparaître les chaînes causales. Ce sera l’inconscient. Démonstration par Freud :

Il y 2 choses que nous connaissons de la vie psychique humaine : 1. l’organe corporel et son lieu (le cerveau) ; 2. Nos actes de conscience.

A partir de là il formule deux hypothèse fondamentales : 1. La vie psychique est la fonction d’un appareil 2. A partir de la constatation présumée du « caractère lacunaire de la série des actes psychiques » : le psychisme en soi est inconscient. (C’est là que niche la continuité)

L’inconscient est identifié au somatique : « Les processus physiologiques tenus jusqu’ici par les philosophes et les psychologues pour de simples processus d’accompagnement sont le psychique proprement dit. »

L’inconscient est, remarque Boss, invérifiable, mais il permet d’imaginer les chaînes causales non perçues.

D’où quelques critiques classiquement adressées à Freud : comment les zones somatiques tenues pour seules réelles pourraient-elles générer des représentants psychiques « premiers » sous forme des « pulsions du ça », et comment les pulsions du ça pourraient-elles se transformer sous la contrainte des besoins de vie … en leur propre ennemi, à l’instar de la conscience morale qui inhibe des pulsions ?

A partir de l’inconscient : on « trouve et on prouve » par exemple que la « projection psychique » est une intention hostile propre à un sujet. Elle est projetée à l’extérieur d’une psychè, s’attache à des choses semblables à lui, devient « quelque chose » … de sorte que cette partie constitutive de sa propre psychè n’est plus perçue que comme une réalité extérieure.

Seule l’hypothèse de sentiments isolés et subsistants permet d’imaginer qu’un sentiment de haine puisse être détaché d’un père et transféré sur un analyste. (Voir transfert)

Au-delà de cette critique, un fait indiscutable demeure : oui, les hommes font dans leur vie beaucoup de choses à leur insu … Et sous le nom de résistance et de transfert apparaissent des phénomènes factuels indiscutables.

D’où cette contradiction : les hypothèses de Freud réduisent les domaines d’essence et d’évènements à des choses de nature physique et psychique représentées comme des objets, mais cependant, dans son travail, Freud a toujours traité ses patients comme des hommes à part entière.

B. Les compléments et prolongements psychanalytiques apportés à l’image théorique de l’homme selon Freud. p 26-32

Libido, pulsion, polarité érotisme - mort : les modifications ultérieures augmentent le verrouillage théorétique.

S’opposent à Freud : Nunberg : « fonction synthétique du moi », Balint : contre un appareil psychique primaire dépourvu de monde ; les pulsions ont d’emblée un objet, Hartmann : la relation existe d’emblée avec le monde extérieur, la question très américaine de l’adaptation ; Sullivan : un homme ne peut pas exister sans interagir avec son environnement.

Reich, Ferenczi, Sullivan, Rank, Fromm : l’idée = ne plus dériver la compréhension de la conduite humaine des pulsions partielles, ne plus la recomposer à partir de celles-ci.

Ces critiques sont insuffisantes aux yeux de Boss :

Pour Boss : Tous ont omis la question de la constitution essentielle, à savoir ce qu’il en est de la nature et de la structure véritables de « l’ensemble d’un moi » et de l’ « ensemble d’une personne » et des différents « soi » .

C. Les compléments apportés par Jung ... p 32-39

Jung apporte le concept d’archétype : Jung a cru avoir donné simplement un nom à un donné purement empirique. Mais « archè » – « type » : beaucoup de choses ont été dites à peine ce mot est prononcé.

Jung se dit « empiriste » - mais il ne peut y avoir de « perception purement empirique » : perception d’un fait singulier, connaissable sans présupposé, indépendamment d’une intuition, d’une présupposition générale, préalable, pré scientifique de la nature de choses dans leurs rapports les unes avec les autres.

Pourquoi l’idée d’une chose, qui vient de son eidos, serait-elle plus réelle que la chose même, et est même le seul réel ?

Pour les néo-platoniciens : (Philon, Plotin) - l’archétype suprême = le nous grec, est l’irradiation immédiate de l’essence divine ; chez Jung, il devient -> psychè, couche basse de l’inconscient. Il y a éloignement avec le divin, psychologisme.

L’archétype est également une abstraction : il ne peut jamais apparaître, et son existence ne peut être prouvée.

Pour Jung comme pour Freud, la connaissance de l’homme est une investigation objective, sur le mode scientifique des sciences de la nature -> nécessité d’une chaîne causale ininterrompue. Comprendre pour Jung et Freud = en ajoutant en pensée des abstractions

Cependant, la formation du concept d’archétype a comme fondement des phénomènes déterminés, dont la factualité ne peut être mise en doute.

Pour autant, quelles que soient les critiques adressées à la théorétique freudienne, sa praxis témoigne d’une compréhension concrète de l’homme, objet du chap. 3

Chapitre 3 La compréhension concrète de l’homme dans … praxis psychanalytique. P 41-49

Pour Breuer et Janet le refoulement est oubli, déficience constitutionnelle de la synthèse psychique. Une affaire de nature. Pour Freud, c’est une affaire de personne. (où se manifeste l’incompatibilité entre les contenus psychiques et le point de vue moral du patient, se signalant par la gêne, la terreur, la honte.)

Noter ce présupposé chez Freud 

L’homme est capable de s’approprier les possibilités de vivre qui lui sont données, en tant qu’il est de sa libre responsabilité de les accepter ou de les refuser.

Considérations sur ce présupposé freudien

Au coeur du transfert - vu comme « la relation chaleureuse, dont le médecin doit toujours demeurer conscient, et dont il conserve sciemment le contrôle. Et dont les préalables sont : laisser le temps au patient ; tact ; intérêt réel ; se concentrer sur tout ce que le patient laisse entendre ; accueil silencieux ; attention libre et flottante »

Au coeur du transfert, Boss reconnait des éléments de la pensée de Heidegger : 1. le préalable d’un pouvoir être ensemble de l’un avec l’autre, et l’être ouvert originellement à la compréhension de l’un par l’autre, et 2. : le préalable que le médecin laisse se développer toutes les possibilités de vie du malade dans l’aire du transfert en tant que situation inter humaine. Etre originairement pour les autres appartient à la constitution fondamentale de l’homme ; l’être-avec du médecin et du patient = un exister par lequel il s’agit essentiellement du Dasein de l’autre.

Que le psychanalyste demeure impénétrable pour l’analysé  : « comme un miroir, ne montrer rien d’autre que ce qui est montré ». Cette déclaration ne correspond pas à la praxis de Freud En réalité : ceci n’existe que dans la représentation du psychanalyste : Freud était « chaleureux », « bon » « plein d’humanité ».

La recherche d’une sollicitude spécifique : devancer l’autre dans son pouvoir être existentiel, lui restituer son souci dans son authenticité. Recherche d’une posture qui aide l’autre à devenir transparent à lui-même dans son souci et libre pour lui. (Voir la mise en garde de Freud contre toute sollicitude substitutive, contre « donner des conseils ». « Se substituer à » : assurer comme thérapeute ce dont l’autre doit se soucier -> l’autre en position dépendante et sous domination. Devancer = le grand écart en la psychanalyse et toutes les autres thérapies)

Règle de franchise et sincérité absolues : acceptation et apparition conscientes, libre et responsable de l’ensemble des possibilités vitales, jusqu’à présent interdite et non encore découvertes. S’exprimer sans choisir, sans réserve, sans omettre : se tenir ouvert constamment à l’entièreté de son être ; importe pour Freud l’expression = ce qui est n’existe que dans l’articulation de la langue et s’y trouve indéniablement conservé.

Développement de la psychanalyse en analyse des résistances. Résistance, trait essentiel de l’homme : l’absence de liberté relève du pouvoir être libre. Or, l’homme fuit toujours l’être devant soi authentique et responsable, s’enfonce dans le monde du « on », se disperse dans ses activités quotidiennes. Freud conseille que la thérapie commence par l’analyse de la répugnance et des résistances à se tenir entièrement ouvert à soi-même.

Remarques sur la technique 

Etre allongé  Prise de conscience non censurée : corporellement aussi le corps, les membres se reposent. (ce qu’un face-à-face ne permet pas : dans le face à face, il y a deux sujets objectivés et séparés, et la persistance des relations hiérarchiques, d’où un renforcement des résistances. Volonté de maintenir le haut en haut et le bas en bas, autorité et souveraineté de la tête, contrôle.

L’idée c’est que le patient se trouve livré à lui-même, sans pouvoir trouver de soutien protecteur dans le comportement, la mimique, les gestes d’un autre. L’ensemble de la cure doit être menée dans l’esprit du refus des satisfactions immédiates. Mais aussi dans les limites du possible, du psychiquement supportable pour le patient.

Cependant, un argument des thérapeutes opposés à être allongé : dans cette position, le patient est estampillé comme malade, alors qu’on doit faire appel à ce qui est sain en lui.

Tous les conseils de Freud vont dans le sens de la liberté et de la clarté du dévoilement du pouvoir être authentique. La praxis psychanalytique de Freud a toujours déjà une compréhension de l’analytique du Dasein.

Ensuite de quoi, Boss s’exprime sur l’analytique du Dasein : chap. 4

P 51-65 Chapitre4 Abrégé de l’analytique du Dasein.

De là, la thèse : l’implicite dans la praxis de Freud devient explicite via l’analytique du Dasein.

Les Heideggériens peuvent sauter le chapitre. Je reprends le cheminement de la pensée de Boss, même si je ne la trouve pas complètement pédagogique. Voir le livre d’Edith Blanquet (« Apprendre à philosopher avec heidegger » editions Ellipses).

Analyses du Dasein -> attention : c’est pour Heidegger un passage, son projet étant l’analytique du Dasein, point de départ de l’ontologie fondamentale. L’ontologie fondamentale pose la question de « être » à partir de son oubli.

« Oubli » - à développer, mais notamment on constate que l’« ontologie classique » ne s’occupe que de l’ « être de l’étant ».

L’ « être de l’étant » est le type d’être correspondant à tout ce dont nous parlons, visons, par rapport à quoi nous nous comportons, de telle ou telle manière, également le type d’être de ce que nous sommes nous-mêmes et de la manière dont nous sommes nous-mêmes.

Ce type d’être (de l’ontologie « classique ») se décline comme phénoménalité ou comme création, soit comme objectité et comme subsistance.

Ce sont des types d’être. Ils peuvent être catégorisés. Et même catégorisés très finement. (cf. Kant)

Cependant, l’ontologie (classique), et « toute ontologie régionale » ( psychologie, anthropologie, etc.) demeure aveugle tant qu’elle n’a pas éclairci le sens de « être » en général.

L’être dont il y est classiquement question est « être de l’étant ». Or l’être ne peut être un étant. L’être pur et simple est ce qui est entièrement autre par rapport à tout étant. Comment interroger cet « entièrement autre » ?

L’être de tout étant a jusqu’à présent, été pensé (et l’est encore) comme « présence ».

Première remarque : la présence en tant que présent est toujours un « durer ». Apparait ici quelque chose comme le temps. L’essence de l’être et l’essence de l’homme ont été comprises à partir de la temporalité.

Si l’être est présence, un « paraître » éclaircissant doit lui appartenir dès le commencement. (une présence ne peut avoir lieu qu’au sein d’un domaine ouvert et lumineux).

L’homme se révèle à nous comme cette présence qui apparaît d’une manière éminente en tant qu’éclaircie nécessaire de l’être (là où l’être s’éclaircit) et éclaircie constamment appelée par l’être

de là : on ne peut appliquer à l’homme n’importe quelle idée « allant de soi », ni les catégories qui en découlent (ontologie classique), ni préjuger de lui comme « âme », « personnalité », « conscience ». (logique de l’explication),

mais si on prend comme chemin celui où l’homme se manifeste en lui-même et à partir de lui-même (logique de l’explicitation), son être se révèle et se fonde sur une compréhension originaire de l’être. (Compréhension originaire, pré-ontologique, non explicite) 

Il y a une préséance de l’homme dans toute la question de l’élaboration du « sens de l’être en général ».

L’analytique du Dasein de saisir correctement ce trait fondamental : la compréhension pré-ontologique par l’homme du sens de être.

En tant que structure, on nomme « être-au-monde » cette détermination du Dasein humain. Le fondement de l’être-au-monde est déterminé comme « éclaircie de l’être » et « compréhension originaire de l’être ». C’est le point qu’il ne faut jamais perdre de vue. (et si on oublie cela, on coupe le Dasein de son fondement).

Ceci n’est pas un postulat théorique, mais un factum. A tout instant, nous affirmons que ceci est, n’est pas, peut être …

La détermination de l’homme comme compréhension originaire de « être » signifie que ses caractéristiques ne peuvent aucunement être les propriétés subsistantes d’un étant subsistant, ayant tel ou tel aspect, etc.

Au contraire : l’homme ne peut être déterminé que selon les modalités à chaque fois possibles pour lui. L’être de l’homme est à chaque fois ses possibilités (il ne les a pas comme un étant subsistant a ses propriétés.)

Pas de quiddité chosique : son essence = il a à chaque fois à être son être en tant qu’il est sien.  De cette façon, il est chaque fois lui-même une éclaircie, il apporte son domaine d’éclaircie : son « Da », son « là ».

Le « monde » de l’ « être-au-monde » ne signifie pas un « étant » ou du domaine de l’étant, ni le monde en sa totalité : l’homme est homme en tant qu’ « existant » (l’ouverture de l’être est l’être même, il est « jet », « pro-jeté »). Le « monde » est « monde » dans lequel l’homme se tient en tant que être « jeté ».

« Jeté » : pas sans espoir, pas une affaire de fatalité, mais à l’image du rayon lumineux qu’un projecteur jette sur les choses à découvrir.

« Monde » est le domaine de clarté et d’ouverture de l’être, du « là » qui éclaire l’être de l’homme.

Au sens de l’analytique du Dasein, la « transcendance » n’est pas subjectivité sortant d’elle même, se dépassant, rencontrant le monde en dehors. (ce n’est pas « relation de quelque chose à quelque chose en dépassant quelque chose ») La transcendance du Dasein ne dépasse pas une barrière placée devant le sujet qui le contraindrait à rester en lui même et le séparerait de l’objet.

Les objets ne sont pas ce vers quoi a lieu le dépassement. Au contraire, la transcendance est dépassement de tout étant en tant que tel en direction de l’être en soi de celui-ci, de l’être de ce qui est présent.

Toujours conserver en vue la différence entre « être » et « étant » (différence ontologique) Le Dasein humain en tant que tel est transcendance vers le monde.

L’homme est le domaine de l’ouverture, de la clarté, de la résolution de l’être, qui accorde et rend possible la présence de l’étant. (Domaine que l’analytique nomme « monde »)

« Les rapports de significativité qui déterminent la structure du monde ne sont pas un filet de formes rabattu sur un matériau par un sujet sans monde. Le Dasein lorsqu’il se comprend extatiquement lui-même et son monde dans l’unité du là revient de ces horizons vers l’étant rencontré en eux. »

Abandon ultérieur par Heidegger du mot « transcendance » au profit de « éclaircie de l’être, de l’être du là ».

C’est du Dasein humain (compréhension originaire de être) que les choses ont besoin pour pouvoir apparaître dans la clarté du là de son Dasein – clarté qui est à chaque fois une tonalité.

C’est à la lumière des modes de comportement (perceptifs, actifs) de l’être humain, fondé sur la compréhension originaire de l’être – comportements qui constituent son existence – que la présence est à même de se laisser porter en tant qu’apparition de significations, d’enchainements de finalités, qui sont à chaque fois propres et de se tenir à l’abri et disponibles dans la langue humaine.

Manifestation des choses <- être éclairant de l’homme Exister de l’homme <- les choses venant à sa rencontre (Les choses offrent à l’homme son pouvoir être par rapport à elles, le lieu du séjour qui lui convient, là où est la possibilité d’être dans le monde en tant que compréhension éclairante de l’être)

La lumière n’est capable d’apparaître comme lumière que si elle rencontre quelque chose qu’elle peut faire paraître. De même l’homme, comme projection éclairante du monde et ce qui étant présent s’allume dans ce « là » forment de façon immédiate un unique tout.

Relation immédiate de l’homme à l’être = sur elle se fonde chaque connaissance particulière des choses selon leur mode d’être, leur significativité et l’usage à chaque fois particulier qu’on en fait.

Relation immédiate de l’homme à l’être = condition de possibilité pour pouvoir être concrètement touché et affecté, pour toute expérience affective de quelque chose, conduite pulsionnelle – délibérée ou non. Condition de possibilité pour se saisir – dans les métiers de l’artisanat - des outils, de façon irréfléchie ou de façon circonspecte.

La première ouverture du Dasein découvre les choses subsistantes mais aussi les êtres : différents des choses et selon les mêmes modalités que moi dans le monde.

Les autres hommes existent aussi avec moi (Mitsein : pas une propriété mais un existential) - ceux dont la plupart du temps, je ne me distingue pas (contrairement aux choses dont je me distingue aussitôt). « Avec » : est relatif au Dasein ; « aussi » : similitude du mode d’être.

Chaque Dasein humain singulier participe à l’ouverture/éclairement du monde (au « là ») selon la manière qui lui est la plus propre et correspond aux possibilités de comportements qui lui sont données. (« être-a-chaque-fois-mien » inclut « être-avec-les-autres ».)

Le monde est toujours et à chaque fois le monde que je partage avec les autres. Le monde du Dasein est monde commun. (Mitwelt)

« Etre-avec » : erreur de Sartre. « Etre avec » : pas comme le sujet humain dans une équipe de rameurs : être avec ne dérive pas d’une ambiance : être avec = premier, existential. Pouvoir immédiat de l’homme de se comprendre soi-même et de comprendre les autres et les choses dans l’unité du là, dans l’ouverture au monde et de ses horizons. (Constitution « ekstatique » que le Dasein est)

Le pouvoir apparaître des choses dans la lumière de l’être humain n’est pas un « faire » concernant les objets. La lumière ne fait » pas les objets.

Oui, le Dasein se comprend à partir de l’étant et de l’être de celui qu’il rencontre à l’intérieur de son monde -> ne pas en conclure que le Dasein se conçoit originairement en tant que monde extérieur.

L’auto compréhension du Dasein a lieu habituellement à partir de ce qu’il rencontre à l’intérieur du monde. Il est, dans son pouvoir être, auprès de l’étant qu’il rencontre, assigné à celui-ci, et – comme la clarté de la lumière – jeté sur lui. Sur ce fondement (être assigné, être jeté) il déchoit et s’absorbe en lui. Mais alors, il n’est pas ce qu’il est originairement en tant que lui-même. En tant que lui-même, le Dasein est l’être résolu et éclairant, revendiqué par l’être en tant que domaine où celui-ci est éclairci.

En tant que qu’originaire est l’être éclairant revendiqué par l’être, l’être résolu (au sens de l’ouverture première au monde) mais en tant qu’il est un être qui existe dans cette relation à l’être, l’homme est aussi un étant présent et ainsi un être temporel.

Cette temporalité n’est pas dérivée du temps du monde « vulgaire » (le temps des astres, par exemple), mais la temporalité est à entendre comme : l’homme dure à partir de son passé, au travers de son présent, dans l’avenir : il doit toujours s’étendre sur ces 3 extases temporelles. Le Dasein qui advient historialement se temporalise. La temporalité originelle n’est pas : elle se temporalise.

Idem : le Dasein se spatialise, et ne se spatialise que dans ses relations existentielles aux choses et autres hommes qu’il rencontre. (Ainsi : un ami proche à Berlin m’est plus proche du cafetier chez qui j’écris)

Ce qui précède est une étape, une présupposition de l’existence authentiquement humaine. Y apparaît le « destin », qui revendique l’homme en tant qu’il a à s’occuper des choses et des autres hommes, de telle sorte que tout ce qui est et peut être puisse parvenir à son meilleur déploiement possible.

L’existence est donnée à l’homme comme mission vitale conforme à son être (-> voir la possibilité de la conscience morale qui sans cesse lui rappelle ce dont il redevable). Appel de la conscience, culpabilité : tant que l’homme ne s’est pas approprié et n’a pas porté à leur terme toutes les possibilités de comportement qui le constituent, et n’a pas temporalisé son Dasein entier et béni son authentique temporalité en étant capable de bien mourir.

Etre de l’homme ouverture/éclairement – en lui les choses et les autres peuvent s’épanouir dans leurs significavités et structures de renvois.

Et en même temps, dans ce même possibilité : la possibilité d’un homme dominé par l’étant qui vient à apparaître en lui, c’est à dire la possibilité de l’absorption en lui, de l’inauthentique, de la déchéance. (Vie livrée à la domination des choses, tradition, convention, aveuglement, cécité). Mais seul un voyant peut perdre la vue.

Enfant, l’homme ne rassemble que très lentement ses modes de comportement en un pouvoir être propre et autonome – à partir de l’épanouissement initial dans l’être parental.

Il est difficile d’échapper à la « mentalité, au « on », d’échapper au « se tenir dans la dispersion » des choses de l’activité quotidienne. Cependant, hors de sa structure la plus propre, l’homme fuit devant l’être soi-même responsable -> tombe malade : ce qui prend forme entre malaise dans la culture, culpabilité, sentiment d’infériorité, hystérie, obsession, troubles corporels graves.

Chapitre 5 L’accord de la praxis psychanalytique avec la compréhension de l’homme dans l’analytique du Dasein. P 67-77

Retour sur la notion d’existential. Les traits essentiels du Dasein sont les existentiaux. Ce sont des structures a priori, c’est à dire ce ne sont pas des structures d’abord autonomes qui ensuite se réaliseraient occasionnellement à travers les caractères factuels de l’être humain sur terre.

Ne jamais se représenter quelque chose de primairement subsistant en soi, qu’on déduirait logiquement par la pensée et qui se manifesterait plus ou moins parfaitement lorsque l’homme apparaît ou peut être perçu.

Les existentiaux désignent l’essence immédiate des manières dont les hommes concrets se comportent de fait. (Serait-ce de façon inauthentique) Il ne peut y avoir, en quelque lieu que ce soit des existentiaux détachés de l’existence effective des hommes.

Dans une grande proximité de vue, Freud dit (« Ecrits techniques »), les malades se révèlent fondamentalement des êtres libres, ouverts au monde, « l’éclairant » (au sens de l’analytique du Dasein.) Voir le vocabulaire freudien : « compréhension, ouverture, clarté, vérité, liberté. » Sa vision ne peut cependant se fonder sur ses propres représentations théoriques Freud, et certainement pas sur ses représentations d’appareil psychique fonctionnant avec de l’énergie libidinale. Des appareils ne peuvent pas laisser monter quelque chose dans la clarté de leur conscience.

Historialité. Pour Heidegger, l’homme déploie son être et dure son temps de telle manière qu’il se temporalise toujours dans l’unité des trois rapports temporels de ce qui, étant contenu dans le monde, est à venir, présent et dans le souvenir, et - se maintenant constamment en tant que soi – il parcourt l’histoire continuelle qu’il est lui-même.

Pour Freud, à nouveau proche : toutes les manifestations humaines (y compris les plus bizarres et absurdes : rêve, comportement névrotique, .. ) possèdent sens et signification et peuvent en tant que « substituts d’actes psychiques normaux » - être rangés en un lieu « assignable dans l’activité continue de vigilance », dans l’histoire de la vie d’un homme » Freud ne considère le passé ni comme un morceau détaché, ni comme une affaire relevant de l’histoire, mais le reconnaît comme une « puissance actuelle et toujours présente. »

Boss précise : pour les patients, le passé est puissance actuelle, toujours présente. Pathologiquement voilée et importune, elle repousse le présent et l’avenir, et se montre sous forme de symptômes et de comportements.

Freud : répéter le passé est « wieder holen », c’est-à-dire le chercher à nouveau, le rendre présent, et se l’approprier sciemment dans une clarté totale afin de pouvoir le conserver à titre de souvenir. En quel cas, le patient « est » tout entier dans son présent, délivré des fixations de l’avoir-été, devenant proprement « lui-même » et prêt à répondre aux exigences de l’avenir.

Cette compréhension historiale de l’être humain ne peut qu’être fondée sur une interprétation du Dasein comme temporalité se temporalisant.

Voir à nouveau Heidegger : ce qui se temporalise en tant que histoire de la vie humaine dans les 3 extases temporelles (cf. Saint Augustin) ne sont pas les propriétés d’un objet subsistant ayant tel ou tel aspect. Au contraire, l’homme se temporalise selon les modes, à chaque fois possibles pour lui, de se comporter … en percevant, en agissant envers lui-même, envers les autres hommes, envers les choses.

La liberté est possibilité d’accepter ou de refuser le déploiement de ses possibilités de comportement. (Pouvoir de choisir – se choisir).

Le pressentiment de la liberté humaine guidait Freud (contre Janet/Breuer : pour qui le refoulement est biologique) (et malgré une théorie psychanalytique objectivante) : libre capacité d’action et de jouissance des patients – et psychanalyse applicable seulement à ceux qui n’éprouvent pas d’obstacle insurmontable vis-à-vis de cette liberté.

Freud ne voit cependant pas dans la découverte de l’historialité du Dasein, dans son attestation de la libre possibilité d’un pouvoir d’appropriation ou de refoulement les traits essentiels de sa propre psychothérapie.

Au contraire, pour Freud est décisif le passage hypnose à la libre association.

Cependant, d’un point de vue « théorique » la libre association 1. suppose la subsistance d’impressions, perceptions, vécus isolés ; 2. la libre association n’est pas capable de dire par quel cheminement les choses surgissent à l’intérieur d’un conscience, comment elles se lient, se sédimentent (dans l’organe cerveau), et comment – sédimentées – elles deviennent ek-phorables (susceptibles de se souvenir, da façon aléatoire et chaotique)

Cependant dans la praxis : la libre association est toujours sous influence de la situation psychanalytique – Freud écrit qu’« aucune idée ne vient au patient qui n’appartienne à cette situation ». La situation est organisée pour amener à la conscience des matériaux jusque là non autorisés à venir à la conscience.

C’est à dire que la libre association est affaire de laisser venir au patient l’ensemble des comportements propres à l’homme, les contenus essentiels et les complexes de signification des choses, la réalité des choses et des autres hommes, les faits nus ET les contenus symboliques -> tout ce qui doit tomber dans le domaine de clarté de l’être soi en propre. (Que ceux qui mènent une analyse puissent par eux-mêmes devenir réceptifs à la pleine vérité de tout ce qui leur est présent et en devenir pleinement conscients.)

Et de fait, la libre association : compréhension originaire de être : à l’être existentialement éclairé peuvent être accessibles les choses, les possibilités inobjectives et existentielles de l’homme, de même qu’elles peuvent être cachés dans la nuit de l’oubli et du refoulement. Heidegger : confiance tacite en l’ouverture de l’homme au monde.

Dans le langage, pour Freud et pour Heidegger : le langage est la véritable domaine de clarté de l’être qu’est l’homme.

Pour Heidegger : en lui seul la venue à l’être et la présence aux choses se décident. (le langage est la maison de l’être)

Pour Freud : que le patient s’exprime sans réserve, mette en mots de façon détaillée, s’approprie tout ce qui lui vient à l’esprit à propos des possibilités de comportement qui lui étaient jusqu’à présent cachées.

Chez Heidegger : l’homme est revendiqué comme celui qui doit prendre « consciencieusement » soin de tout ce qu’il rencontre – serviteur et gardien d’une vérité qui éclaire les choses et elle-même. Gardien ouvert à la vérité à chaque fois accordée de l’être dans tout ce qui advient dans l’histoire de sa vie.

Analyse Freudienne : est exigé du patient l’extrême dépassement de soi en opposition avec la vanité de la croyance que l’entêtement individuel ou la tradition détermineraient ce qu’il est et comment il doit aborder les choses.

En dépit du discours initial maladroit sur l’accession à une « pleine capacité d’action et de jouissance des choses », la praxis ne « veut » n’être jamais rien d’autre qu’un service unique de la vérité qui laisse se développer, selon sa possibilité, tout ce qui est dans la plénitude de son être et le rend aimable.

Freud : Amour désintéressé exigé de l’analyste : présent pour un seul homme, souvent, longtemps … accepter le patient, avec le beau, avec le laid, laisser le patient devenir présent et ouvert à toutes ses possibilités, en reléguant au second plan ses propres représentations, désirs, censures. Et que sa relation au patient devienne une aire pour ainsi dire sans limites où peuvent se libérer les possibilités de relation du patient. (D’où nécessité d’immunisation de l’analyste, son inlassable autodépassement, contre toutes les tentations résultant de la situation de transfert.)

Heidegger : Tout comportement humain – et tout amour – repose sur le rapport à l’être de l’homme, dans la compréhension originaire de l’être et dans l’être-avec originaire. Le comportement thérapeutique aussi : rapport de l’essence de l’homme au fondement de tout ce qui est et qui le revendique en tant que compréhension originaire de l’être

Accord interne psychanalyse/Daseinsanalyse : l’attitude de l’analyste est de sollicitude devançante.

Chapitre 6 L’influence de la compréhension de l’homme explicitée par dans l’analytique du Dasein sur la théorie et la praxis psychanalytique. P 79-128

Deux points dans ce chapitre : explicitation et critique de Binswanger (point A) ; expression du point de vue de Boss (point B)

A. La signification de la Daseinsanalyse psychiatrique. P 79-102

L’œuvre de Binswanger se base sur les 1ers travaux de Heidegger : être-au-monde originaire de l’être humain ; contre la réduction de l’être humain à un sujet tronqué, amputé du phénomène monde.

Heidegger souligne que la formulation « Etre-au-monde » est une caractérisation formelle au contenu totalement indéterminé.
 > ceci implique de ne jamais perdre de vue la façon dont l’homme existe originellement dans le monde. La détermination de ce contenu est affaire de compréhension originaire de l’être, l’être propre est déterminé comme être de l’éclaircie de l’être en tant qu’il revendique l’homme.

Binswanger ne retient pas cette détermination, Binswanger retient seulement « être-au-monde » pour caractériser l’existence de l’homme. D’où le risque de ré-emplissage de cette « forme » par les anciens contenus subjectivistes. (« être-au-monde » comme trait d’une subjectivité, transféré ensuite sur un sujet) et retour à la transcendance. C’est bien ce qui arrive à Binswanger.

Avec une nuance importante : Binswanger ne parle plus de « sujet » mais de « subjectivité ». Toutefois le concept sujet/objet n’est pas abandonné. Le concept de subjectivité va avec la nécessité de sa représentation comme immanence première, la séparation homme/ ce qui vient à sa rencontre (« objectivité »), nécessité d’un dépassement du sujet vers le monde. Ainsi compris (pensée de Binswanger), le Dasein entre en relation avec ce qui existe au dehors et se le rend accessible à travers des « projets-de-monde » - transcendance objective et subjective intriqués -> les choses se dépassent et pénètrent en l’homme -> compréhension d’un Dasein s’élevant ou tombant … voire vaincu et destitué par autre chose (cf. par exemple, dans le délire, le thème de la persécution)

Ces conceptions de Binswanger « amputent » l’être propre du Dasein. La transcendance du Dasein est ce rapport éminent à l’être comme prise en charge du « là » qui fait advenir le monde, en étant le lieu de l’éclaircie de tout ce qui peut se rencontrer. La transcendance constitue l’ipséité du Dasein.

En fait, à l’aide de l’analytique du Dasein, on ne peut mettre en évidence que les phénomènes concrets, donnés immédiatement, dans lesquels le déploiement du Dasein advient comme compréhension originaire de l’être. Phénomènes concrets : les différents manières dont un homme se comporte vis-à-vis de lui-même, des hommes qu’il rencontre, des choses.

Hommes, lui-même, choses sont ses possibilités de comportement, en lesquelles l’être d’un homme est revendiqué par le fondement de ce qui est, en tant que le champ de clarté de l’être. L’homme répond aux exhortations des phénomènes qui viennent à lui.

Parmi les comportements concrets : ses possibilités d’avoir des contacts avec les autres, avec les choses, possibilités par l’action, par l’imagination, par la pensée, et par sa perception toute entière. Par la perception, l’homme se tient déjà dans une attitude d’ouverture par rapport à ce qu’il rencontre et il est dans cette relation qui éclaire le monde.

De là, critique par Boss de Binswanger : le Dasein ne peut ni s’élever ni chuter. Quand il rêve qu’il est un oiseau : c’est le Dasein exalté ou déprimé qui ouvre à la perception un être vivant qui correspondent à sa disposition thymique. Une rêve ne peut pas être caractérisé comme une manière particulière d’être-au-monde, mais : un comportement onirique est une forme particulière de déploiement du Dasein concret et un mode propre de réalisation de l’appartenance du rêveur au « là », au « monde », à « l’éclaircie de l’être »

De même : il n’y a pas de variations de l’être-au-monde : le projet de monde serait alors vu comme l’affaire d’une subjectivité humaine, et serait interprété comme la projection par une subjectivité de la signification-chose sur quelque chose qui se trouve d’abord en dehors et subsistant … qui ne deviendrait accessible à l’homme que dans une projection de monde déterminée.

Or, le « projet de monde » est projection de monde (l’éclaircie que projette de soi-même l’être) : d’où ent-schlossenheit » (« résolution ») -> welt erschlossenheit (ouverture originaire du monde) -> « là » : éclaircie inobjective dévoilant l’être. Eclaircie projetée de soi-même de l’être de l’homme.

On ne peut pas caractériser le Dasein par les propriétés telles que « spatial, temporel, consistant, matériel » - tout ceci n’exprime à chaque fois que la disposition thymique du patient.

Plutôt : c’est la disposition thymique qui dans sa labilité détermine sans cesse à nouveau le choix de chaque instant et la façon particulière de recevoir les choses et les hommes qu’on perçoit -> projet de monde : avènement de l’ouverture au monde qui constitue l’être fondamental et caractéristique de l’homme (indépendamment du spatial, de la vitesse, de la manière, etc.) Donc, non : pour le délire, il n’y pas de thème qui s’empare du Dasein et le priverait de son soi.

Pas plus, on ne peut parler de « thème » qui subsisterait d’abord pour soi quelque part, et s’emparerait ensuite du Dasein et pourrait le priver de son soi.

Plutôt : un homme souffrant d’un délire de persécution était déjà affaibli dans sa capacité d’être soi (parce qu’il n’avait pas assumé comme siennes certaines possibilités de vie : la pression trop forte de ce qui est tenu à distance dispose cet homme à ressentir une profonde angoisse.) (Il ne peut plus être ouvert qu’aux aspects hostiles et dangereux de ce qu’il rencontre.)

Et encore : compréhension limitée du souci, entendu par Binswanger comme constitution d’un Dasein réduit à une subjectivité isolée. D’où une interprétation sombre du Dasein, et la nécessité de compléter par l’ « amour ».

Plutôt : le souci désigne la constitution ekstatico-temporelle et le trait fondamental de l’homme (la compréhension de « être ») : l’amour, l’amitié trouvent leur fondement dans le « souci ». Ce sont des possibilités concrètes de mise en rapport de l’homme. ( de même que la haine, le mépris … : ne pas prendre en considération quelque chose)

Etre-au-monde  souci  compréhension de l’être : amour/haine/indifférence = modes de prise en considération des choses.

Les difficultés que rencontre la Dasein psychiatrique viennent tous de la conception d’une subjectivité, au lieu de la conception de la compréhension originaire de « être ».

Cependant : la Dasein psychiatrique est un progrès par rapport aux représentations antérieures de la psychiatrie : l’homme entendu comme subjectivité permet la représentation de l’unité corporelle et psychique, qui traverse de part en part cette subjectivité et ses rapports au monde … Ainsi, par exemple : on peut concevoir la « transcendance » d’une subjectivité maniaque comme un « mode bondissant » du Dasein, et voir à partir de ce seul trait essentiel aussi bien la fuite dans les idées, le discours qui saute du coq à l’âne, la perception toujours fugitive, l’hyper mobilité corporelle dans son ensemble.

Hommage de Boss à Binswanger : son humanité, bienveillante, ouverte qui le porte et lui donne la force de voir chez le schizophrène le pouvoir de la liberté et la tentative, souvent ultime, de parvenir encore à soi.

Cependant que tout ceci repose sur la vieille doctrine du subjectivisme. Boss salue la critique par Binswanger de la théorie freudienne (dès 1936).

A la fois en psychanalyse et en psychiatrie règne l’esprit de la biologie. (Pour Freud aussi, la psychologie est une science biologique de la nature).

« Homo natura, tabula rasa » … voilà l’œuvre théorique de Freud … qui va jusqu’à rendre possible la formulation de ce qui se passe psychiquement en des équations quasi mathématiques.

Si on objective le soi, qu’on l’isole, qu’on le théorise en « ca/moi/surmoi », alors le « soi » est chassé de l’existence. On passe à côté du Soi en le prenant comme allant de soi, on se détourne de l’être humain au profit d’une détermination théorique fixe : perception observation, examen, destruction en vue d’une construction scientifique à l’image d’un appareil , d’un mécanisme, d’un ensemble de fonctions.

Dasein : se plonger dans les différentes possibilités du Dasein, cad dans les différentes modalités possibles de notre existence.

Dans « Daseinsanalyse et psychanalyse », Binswanger :

Cas Ellen West : patiente mue à la fois par la boulimie et par le besoin de maigrir. Binswanger fait passer au premier plan le fait que les comportements humains, comme par exemple : le « garder-par-devers-soi », le « ne-rien-donner-de-soi » - caractéristiques de l’érotisme anal - ne se sont pas liés à la distinction somatique-psychique.

Le point de vue de Binswanger est jusqu’ici en accord avec la conception du Dasein sauf si les composantes de l’érotisme anal passent pour les causes de la construction d’une existence humaine déterminée. Le monde ne s’édifie en aucun cas à partir de pulsions. (point de vue positiviste).

Dans l’article : « Sur la psychothérapie » on trouve des propos décisifs de Binswanger : « Dans toute forme de psychothérapie, deux hommes se tiennent l’un en face de l’autre, deux hommes se réfèrent l’un à l’autre, d’une manière ou d’une autre, deux hommes s’expliquent l’un avec l’autre. Dans l’expression « psychothérapie, ce rapport parmi et avec les autres hommes est réduit : 1. au lieu de l’homme malade – partenaire d’une relation – il y a la psychè – abstraction scientifique ; et l’autre partenaire disparaît au profit de sa fonction de médecin et sa relation : la thérapie.

2. Seule s’exprime la relation du sujet exerçant la fonction thérapeutique à la psychè du malade, et non celle du malade au médecin -> la psychè s’exprime (où est le malade ? où est le monde ?)

3. L’explication entre malade et médecin n’est plus un rapport entre êtres humains, mais un service rendu à une cause

De ce fait, la psychothérapie ici n’est pas : Un homme en relation avec d’autres hommes Un homme en relation avec une personne (pas même le « sujet » psychologique) Mais une relation avec un objet animé (« psychè), un organisme animé, une unité psychologique de fonctions. « Thérapia » médicale : soins rendus à ce qui fait l’objet de soins » : c’est la réduction de l’ « être humain en relation avec d’autres » vers un service psychiatrique unilatéral et médical. Rien de ceci ne permet de comprendre comment la psycho thérapie peut « agir »

Hoquet : malade souffrant de hoquet, spasmes, aphonie, symptômes hystériques.

« Une idée vient au médecin » (comprimer la trachée jusqu’à la perte de souffle, et au bout de quelques fois, le hoquet cesse).

Que se passe-t-il là ? Réflexions de Binswanger :

« Une idée est venue au médecin » : condition 1ière de la thérapie comme « art ». Elle naît d’un style, d’un art. Ce n’est pas l’affaire d’un dilettante.

En termes de transfert et résistance : Du point de vue transfert : condition relation existentielle malade-médecin de confiance exprimée ou mieux encore : tacite, où le malade témoigne de sa confiance, et où le médecin est porté par cette confiance du malade dans son être et dans son acte. « Confiance » : cadeau de toute communication authentique (au-delà du l’intention, des moyens, du but, de la cause, de l’effet).

L’acte n’a été rendu possible et n’a pu venir à l’esprit qu’en ce qu’il correspondait à la « loi » de l’être l’un avec l’autre concret avec cette personne et en cet instant. Alors seulement la psychothérapie peut « agir » en conformité avec le sens du mot « guérir ».

Le malade doit savoir que le médecin en tout cas et en tout point de vue est animé de bonnes intentions à son égard, ne cherche pas à le réparer comme un « objet », mais à l’aider en tant que personne en lui portant une attention confiante.

Du point de vue résistance : en aucun cas, la communication dans la psycho thérapie ne doit être saisie comme simple répétition (en « + » : transfert/contre-transfert ; ou en « -  : résistance/contre résistance) : la communication est nouvelle et autonome du point de vue médecin et malade, et du point de vue humain : rapport authentique l’un avec l’autre. La question : non pas si le patient peut vaincre une résistance contre l’image paternelle transférée sur le médecin, mais s’il peut surmonter ces résistance contre le père à l’aide de ce médecin là. (autrement dit : si ce n’est pas le refus de ce médecin là en tant qu’être humain, l’impossibilité d’une relation authentique avec lui – qui fait obstacle à l’interruption de l’ « éternelle » répétition de la résistance.)

Binswanger : « le transfert est aussi un mode de la rencontre, celui de la rencontre d’un « être l’un avec l’autre dans un présent authentique » (c’est à dire dans un présent qui se temporalise hors du passé et qui porte entièrement en soi la possibilité de l’avenir. »)

« Etranglement de la patiente » : Binswanger connaissant l’impossibilité de séparer le corps et l’âme chez cette malade. Là même, il y a dépassement du concept d’ « hystérie de conversion » : une excitation psychique de défense « se convertirait » corporellement ? Non. Comprendre que le corporel est une forme particulière de l’existence humain et que dans certaines circonstances elle est son seul champ d’expression. Lorsqu’on ne peut rouspéter et qu’alors on glousse, on rote, on crie.

Critique de Binswanger par Boss, à l’occasion d’une définition de la psychothérapie. Binswanger dit : « La psycho thérapie basée sur le Dasein ne montre pas au malade, mais lui fait éprouver, en l’ébranlant existentiellement quand et dans quelle mesure il a manqué la structure de l’être homme. (jdd : pas plutôt : quand et comment la structure de l’être homme lui a manqué ? c’est plus affecté)

Critique de Boss : Solness ne peut manquer la structure de être homme (l’essentiel du Dasein) – il y séjourne jusqu’en et y compris dans sa chute mortelle. Il déploie « simplement » son Dasein sous forme de comportements mutilés, mais pas selon des modes modifiés du Dasein.

Un thérapeute ne pourra pas ramener un dépressif dans le monde commun à partir de son monde souterrain, pour la bonne raison que tous deux appartiennent toujours déjà au monde commun. (même s’ils s’y comportent différemment).

En revanche, l’existence du malade peut changer de tonalité thymique, et là s’ouvrent à lui les domaines d’être qu’il rencontre et qui le concernent, avec leur teneur et leurs enchainements de significations. Il sera alors en situation de s’approprier ses comportements possibles, de les rassembler, en vue d’un soi authentique et responsable et d’établir des relations « normales » avec les choses et avec les hommes.

Autre critique de Boss à l’égard de Binswanger. Binswanger évoque le rapport dialectique entre médecin et malade. La dialectique suppose un thérapeute divisé : d’une part son être en relation avec le malade, l’un-avec-l’autre, l’être l’un pour l’autre ; de l’autre son « service rendu de médecin » : sa connaissance et sa domination de la psychè (psychè : organisme composé de fonctions vitales, cf. biologie). Binswanger pense que cette dialectique régit la psychothérapie.

En fonction de quoi, le corps du malade est décomposé en : être-corporel (Leib) et fonctions vitales (Korper).

Pour Boss, ces dialectiques proviennent des modes d’approche du chercheur.

La Daseinsanalyse offre à la psychopathologie un instrument amélioré. Mais dans sa théorie, rien de neuf pour la praxis psychanalytique. Elle épargne des acrobaties épuisantes (l’hypothèse d’un derrière plus réel). Et facilitent les relations médecin-malade, où les résistances du malade peuvent se justifier par la potentialité du viol de l’être du malade.

B. La signification de la compréhension intégrale de l’homme dans l’analytique du Dasein. p 103-128

1. Analytique du Dasein et représentation psychanalytique. P 103-112

Boss propose « un pas au-delà du travail de pionnier » de Binswanger.

De prime abord, la signification de l’analytique du Dasein pour la psychanalyse et la psychiatrie se réduit à rien : être-au-monde de l’homme comme être de la compréhension originaire de l’être ne permet plus de penser : les variations de l’être-au-monde, La matérialité ; la consistance ; la temporalité et la spatialité spécifiques des projets de monde ; le Dasein qui s’élève ou chute ; la transcendance objective ou subjective ; le thème qui subjugue le Dasein ; l’être au-delà du monde dans l’amour Et pourtant, il y a bouleversement, modification radicale des représentations de la psychologie.

Par exemple : la représentation.

Que veut dire « représenter » ? Quand nous nous représentons des objets, nous avons à chaque fois une représentation des objets. Où ? Dans la tête, dans la conscience, dans l’âme, « à l’intérieur de nous ».

Ces représentations correspondent-elles à une réalité « en dehors de nous » ?

Oui, pour les uns, non pour d’autres et pour certains : « on ne peut en décider ». Phrase clef, réf. à Schopenhauer : « Le monde est ma représentation » : le monde – ensemble du réel – est dans la mesure où je peux me le représenter.

Comment sortir de ce désaccord ?

En quittant le champ de la philo, en cherchant consciencieusement ce qu’il est des représentations qui se rencontrent chez les êtres vivants. (objet de la psycho) Mais si on laisse de côté les résultats scientifiques … ils sont corrects mais se meuvent toujours déjà dans un domaine « de l’autre côté ». Aucune lumière sur le lieu de la représentation : est-elle dans l’organisme, dans l’âme, dans la conscience ? Et pourtant les résultats scientifiques sont corrects.

Boss : « Nous aurons quant à cette question la prudence du non-savoir. »

Exemple de l’arbre en fleur.

L’arbre et nous : nous nous présentons l’un à l’autre lorsque l’arbre se tient là. Il se présente à nous. L’un en face de l’autre, l’arbre et nous sommes.

C’est une présentation, et non une représentation. Nous avons ainsi sauté hors du domaine de la science. Pour atterrir où ? Dans un abîme ? Non : sur le sol sur lequel nous nous tenons. Etonnant d’avoir à sauter pour rejoindre le sol sur lequel nous nous tenons déjà. Que s’est-il passé pour que nous en arrivions là ?

Qu’est ce qui a rendu ce saut nécessaire ?

Nous nous mettons en face de l’arbre, et l’arbre se présente à nous. Qui se présente ? L’arbre ? Nous ? Les deux ? Aucun des deux ? Nous nous mettons face à l’arbre tel que nous sommes (pas seulement la tête ou la conscience), et l’arbre se présente à nous tel que l’arbre qu’il est. Que se produit-t-il lorsque l’arbre se présente à nous et que nous nous posons en face de l’arbre ? Où a lieu cette présentation ? Dans notre tête ? Oui, il se passe des choses dans notre tête. On peut même mesurer les impulsions électriques … mais … où demeure l’arbre dans les courants cérébraux ? Où demeure la représentation dans laquelle l’arbre se représente et où l’homme se pose en face de l’arbre ? Sans doute se produit-il là des choses qu’on décrit comme la sphère de la conscience et qu’on considère comme psychique … mais … l’arbre se trouve-t-il dans la conscience ou dans la prairie ?

La prairie vécue se trouve-t-elle dans l’âme ou bien s’étend-elle sur la terre ? Sur la terre.

Cela va de soi ? Pas tant que ça … Nous abandonnons tout dès que les sciences – y compris la psycho et la philo scientifique - nous expliquent que nous percevons un vide parsemé de décharges électriques … que se tenir devant un arbre est une évidence naïve, qui dénote une conception préscientifique de l’objet. Est-ce la science qui décrète de ce qui peut passer pour réel ou pas ? D’où vient ce pouvoir ? (Ce pouvoir de déterminer le site de l’humain.)

Ne s’agit-il pas plutôt de ne pas laisser tomber l’arbre en fleur, mais le laisser enfin se tenir debout là où il se trouve. « Enfin » … parce que la pensée ne l’y a jamais laissé.

La représentation courante de la représentation … : un réservoir d’opinions douteuses jusqu’ici recouvertes et non élucidées.

Déblayer le chemin menant aux phénomènes dont s’occupe la psychanalyse.

Parmi ceux-ci : les rêves et les troubles psychosomatiques.

Critique du concept de projection psychique :

Nième rappel : Si l’être de l’homme est l’éclaircie fondamentale … éclaircie dont 1. : l’ouverture est requise par tout ce qui est 2. : éclaircie 2. : à laquelle tous les domaines d’être peuvent attribuer la teneur propre de significations ; éclaircie 3. : dans laquelle les domaines peuvent apparaître dans la clarté de la perception, pensée, imagination du sentir humain …

Alors : il n’y a plus de « contenu psychique » subsistant à l’intérieur d’ une « psychè » (ou d’une subjectivité), qui soit jeté au dehors sur un objet du monde extérieur, Les « pojections psychiques » seraient plutôt l’expérience d’un gomme qui n’a pas accepté comme siennes certaines possibilités de relations aux choses et aux hommes, ne le a pas assumées en tant que soi responsable, ne les a pas rassemblées au sein de son pouvoir être soi, mais les a laissées à l’extérieur de soi.

En clair : … ce qui n’est pas encore au dedans ne peut absolument pas être jeté au dehors.

En réalité : plus l’être d’un homme entre en rapport à son insu, dans une absence de liberté qui le tient à distance de lui-même avec certains domaines d’être, plus il se perd complètement en eux et aborde par la suite sa relation aux choses et aux autres hommes de manière contrainte et sans correction possible.

Ce n’est que lorsqu’il peut parvenir sciemment à établir un rapport ouvert et libre à toutes les possibilités qui lui sont jusqu’ici interdites et qui constituent son existence qu’un homme pourra lui-même décider de quelle manière les choses et les hommes qu’il rencontre doivent se dévoiler à son regard.

Dasein est originairement être-avec-les-autres, et structure essentielle de moi, toi, en vue de la formation d’un nous.

La question de l’ « empathie psychique » ? Plus besoin de sortir d’un soi … avec des sentiments immanents pour pénétrer avec eux dans un au homme pour le comprendre affectivement : immédiatement les autres hommes en tant qu’hommes s’ouvrent à nous.

L’ouverture aux autres hommes enferme en soi la possibilité de leur méconnaissance. Sur cette méconnaissance se fonde le transfert. 1. : voir la critique par Binswanger 2. : Boss ajoute : Freud rapportait le transfert surtout comme manifestations morbides et névrotiques du rapport analysant/analyste. (reproduction du rapport entre le patient/ ses parents). Boss remarque que la maturité/liberté de l’enfant était limitée par la réduction des possibilités aux expériences et comportements de l’enfance.

Exemple de la bougie : yeux mi-clos, enfant, on voit des lignes étoilées ; adulte aussi. Mais cela n’a rien à voir avec l’enfance, cela a à voir avec le plissement des paupières. De même est ce qui demeure infantile dans la conduite du névrosé : il ne perçoit les autres hommes, y compris l’analyste, que ce qui relève d’une expérience réduite, et de la figure du père, à laquelle il est encore ouvert. La représentation d’un transfert et de sentiments détachables est superflue. L’analytique du Dasein n’apporte au praticien de la psychanalyse pas de termes et de concepts nouveaux … mais permet « seulement » d’adopter vis-à-vis de l’homme malade une position d’autant plus fondée qu’elle est silencieuse.

2. Analytique du Dasein et praxis psychanalytique. P 112-128

L’intérêt de l’analytique du Dasein pour un psychanalyste : se laisser pénétrer par la Daseinsanalyse =

Respect pour la valeur propre de chaque phénomène rencontré : l’homme est une ouverture et une lumière du monde en ce sens qu’en lui peuvent apparaître et s’épanouir les choses, plantes, humains de façon immédiate et d’eux-mêmes, selon toutes leurs significations et connexions.

Plus de dépréciation des comportements en un « comme si »,

Pas d’annulation : « ce que vous pensez et éprouvez » qui ne serait « rien d’autre » que la dissimulation de désirs contraires. (hypothèse de forces qui se tiendraient « derrière » le patient.

Ceci n’est pas une exclusion du savoir du psychanalyste : selon lequel en dehors des aspects connus de l’être des patients, appartiennent aussi à leur nature bien d’autres possibilités d’existence, même très opposées, qui sont tout d’abord ignorées, et qu’il s’agit de porter au jour. Oui, nombre des comportements conscients peuvent être accentués de façon démesurée afin de laisser les autres dans l’ombre. Et oui, ils ne sont pour cette raison en aucune façon de purs et simples « riens sans importance » mais restent des phénomènes d’un genre qui n’est pas moins autochtone que les possibilités de relation encore ignorées. C’est pourquoi on doit eux aussi les faire valoir dans leur teneur propre, et non les déprécier dans une pure volonté de les démasquer.

Suivre totalement la principale règle de la praxis psychanalytique : prendre au sérieux, de fait et sans réserve tout ce qui lui arrive d’entendre et de voir des patients, et de laisser cela être dans sa valeur et sa teneur propres. Recevoir et accueillir toutes les possibilités de relation des analysants en germe dans « l’aire du transfert »,

Faire toujours abstraction d’une partialité scientifique non-déclarée, en fonction de quoi on attribuerait ainsi à tel comportement le privilège de constituer par rapport aux autres possibilités de vie, la seule et vraie réalité. Laisser à la création son caractère de création, et non le réduire à l’inauthenticité de la sublimation d’une liaison libidinale infantile.

Se laisser se déployer toute possibilité de relation, faute de quoi elle restera enlisée dans sa forme embryonnaire. (Et alors on sera tenté de parler de « fixation de transfert ») Laisser au contraire divin le divin dans la cure psychanalytique, et la création comme création (plutôt que « sublimation d’une liaison libidinale infantile »).

Saisir complètement l’être-avec originaire et essentiel de l’un avec l’autre (à partir de l’appartenance primaire de tous les hommes au même domaine de l’ouverture de l’être.)

Aucun homme n’en perçoit un autre sans qu’il soit toujours déjà - d’une manière chaque fois déterminée - co-impliqué dans la relation au monde de celui-ci, d’où : dès le premier instant, le thérapeute est co-impliqué dans la rencontre et le mode de comportement de son malade, de même que le malade participe déjà aux possibilités de comportement de son médecin. (Quel que soit l’un avec l’autre de prime abord : observation distante, indifférence, intense défense).

Etre-avec : constitutif du Dasein -> tout homme est dans la rencontre factuelle d’emblée avec les autres auprès des choses du même monde -> tout homme partage avec tous les autres tous les rapports vitaux existentiels qui chaque fois s’y produisent : c’est ce qui permet de comprendre le fondement de la thérapie.

Aide inestimable par rapport aux malades qui laissent Freud démunis (« inversion de la pulsion d’autoconservation ») : ne pas se laisser à la résignation, notamment dans les cas de schizophrénie.

Cas clinique : médecin de 32 ans. …

En reniant certaines possibilités de comportement et en se fermant à elles, en laissant passet la psst de s’approprier son être-soi le plus propre, l’homme se trouve en dette par rapport au devoir de garde qui, dès l’origine lui a été confié. Sur l’être en dette sont fondés les sentiments de culpabilité qui se manifestent effectivement sous d’innombrables formes et déformations.

CONCLUSION. P 129-131

L’Analytique du Dasein = aide immédiate, concrète, silencieuse pour l’analyste, Elle développe de façon explicite de ce qu’il y a d’implicite dans la thérapie psychanalytique.

Pas d’opposition : l’analytique du Dasein n’est pas une nouvelle et « hostile » école thérapeutique. Au contraire, suivre de façon adéquate les incomparables conseils pratiques de Freud.

Au contraire : aucun procédé thérapeutique n’aurait pu être inventé qui mieux que la praxis psychanalytique ( cf. Ecrits Techniques de Freud) aurait pu permettre de dégager et de déployer l’être-soi-même de l’homme, non dissimulé, authentique.

Pas besoin de locutions et de concepts nouveaux.

Le point commun entre « analyse du Dasein » et praxis psychanalytique : pas des « analyses » au sens courant. Il ne s’agit pas de décomposer l’homme en éléments constitutifs, et d’aller ensuite vers une nouvelle synthèse … mais rendre transparent l’être de l’homme quant à sa structure et l’articulation de ses membres. Mais il n’y a de membres qui si on prend en considération le tout dans son intégrité – car toute articulation ne peut être déterminée qu’à partir d’une totalité.


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