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Compte-rendu N°6

Lecture des pages 62 à68


Groupe de lecture de Carcassonne Séminaires de Zurich par martin Heidegger

Séance du 1er Décembre 2011

Compte-rendu N°6 :Il s’agit ce soir de lire et commenter le séminaire du 5 novembre 1964 - Page 63 –68

Lors de ce séminaire, Heidegger reprend sa démarche interrogative. Pour lui, il ne s’agit pas de conclure, de faire des propositions raisonnantes et il faut qu’il soit bien établi que chaque propos que l’on pense dans cette pensée, soit établi à chaque fois à neuf. Et parfois cela ne fonctionne pas. Car la plupart du temps, ce qui nous est le plus proche nous est le plus difficile à voir, car nous sommes toujours pris dans la quotidienneté, nos présupposés sont toujours déjà à l’œuvre. Le but sera donc de penser à neuf ce que j’ai déjà compris, de m’étonner quant à ce que j’ai compris, de l’expliciter à nouveau, et c’est la démarche phénoménologique qui m’amène à cela.

Rapporté à notre pratique en psychothérapie, ce serait se demander, à chaque rencontre, comment j’ai déjà « mangé l’autre à ma sauce » et aussi comment « je m’y suis mangé moi-même (à la mienne) ». Ou encore, sous le regard de la sémiologie, quand je pose ce que je crois voir, par exemple une agitation que je situe chez mon patient, ce serait comment alors je peux nommer cet état différemment et comment je peux devenir attentif à la manière dont cela m’engage moi, comment cela nous concerne ; ré-ouvrir sans cesse ma vue et accueillir que je vois toujours, et encore seulement, par un bout. La complexité de l’expérience n’en finit jamais de se manifester et le phénomène ne se laisse pas maîtriser comme le symptôme. Comment prendre conscience de ce qui est évident pour moi car nous sommes la plus part du temps pris dans le dévalement.

Rappelant le début du séminaire précédent, Heidegger précise que la définition que nous donne Kant de la nature : « la nature est la conformité à la loi des phénomènes apparaissants » est un énoncé surprenant. Pourquoi « surprenant » ? Parce qu’il ne correspond pas du tout au discours ambiant. Quant on parle habituellement de la nature, on parle d’une chose étendue, de neurones, de matière, de substance ... un tas de corps différenciés les uns des autres. Mais pour découper tout cela nous n’avons comme moyen qu’un découpage conforme aux lois que nous nous faisons du découpage. Dire que la nature c’est la conformité à des lois, ce n’est que énoncer la définition classique de la vérité, énoncer la concordance entre ce qui est intelligible et la chose.

« Mais pourquoi s’interroger sur « la nature » des sciences de la nature ? » Quand je m’occupe de ce domaine, je ne pose pas la nature comme allant de soi et je l’étudie. La nature devant être entendue ici comme tout ce qui est « dehors » et qui n’a pas été construit par des humains. La psychologie est la science des phénomènes psychologiques … et je ne me pose pas la question de savoir ce que sont ces phénomènes psychologiques … ils sont déjà pour moi présupposés. Ceci nous a amené à une discussion qui pourrait se résumer ainsi : « Ce n’est pas parce que nous pensons, qu’il y a une pensée qui pense ….il y a juste en dedans de nous quelque chose qui se passe ou bien une traversée, une épreuve que nous nous approprions « en dedans de nous » ; là où nous nous situons…penser n’est pas réductible à raisonner….Le cerveau est un organe… L’âme n’a pas de consistance matérielle … et pour autant il se passe bien quelque chose « en dedans » de nous ?…ou bien il advient que nous nous y situons là où cela se passe, sans parvenir à le localiser au sens de le cartographier ?

Rappelant que Galilée fut le premier à accomplir ce « projet de la nature », Heidegger distingue présupposition et sous entendu : Dans une présupposition nous entendons une relation de causalité : si ….. alors … Dans une présupposition est instaurée une règle logique, une causalité une nécessité : ainsi … donc… à cause de .. Le sous entendu… ce qui est entendu en dessous …ce qui est supposé… Notre façon de considérer la nature se fonde à partir de ce que nous supposons, notre façon se fonde c’est à dire que notre façon trouve son fondement, sa raison d’être, sur / à même une possibilité d’être. Exemple : « le christ est enterré au pic de Cardou…. Et comme il est sûr qu’il soit enterré ici, on devrait creuser pour le trouver » Le présupposé ici est « le christ est enterré » et le sous entendu ou la supposition c’est que d’évidence christ il y a. Le supposé, le sous entendu, est une relation qui ramène à la possibilité d’être … le supposé n’est pas questionné. Pour Galilée, la loi de la chute des corps est universelle, elle a toujours même valeur quelque soit le corps, quelque soit le lieu…. Et pourtant ce n’est pas la même chose, pour moi, entre une pomme qui chute du 15éme étage, et ma fille qui chute de ce même 15éme étage. Cependant pour la « Loi de la chute des corps », « loi de la nature » , la nature est déterminé comme un mouvement de points-masses.

Heidegger nous précise que dans ce même mouvement de la supposition se tient une acceptio C’est à dire quelque chose qui va de soi et qui n’est pas questionné. « Admettre et accepter valent ici pour percevoir comme immédiat » Ici un petit rappel s’impose : Percevoir = prendre pour vrai (en allemand on dit Wahrnehmen) . La perception n’est pas « le sentir ». Percevoir c’est admettre et accepter quelque chose sans forcément le prendre en compte. Percevoir : ce n’est pas accueillir la nouveauté…..c’est déjà « l’avoir avalé à sa sauce »

Puis Heidegger précise à l’aide de l’exemple d’une tasse : « si je lève la tasse pour en boire une gorgée, où est l’espace dans lequel elle est et dans lequel elle est mise ne mouvement ? Cet espace n’est thématiquement pas perçu . Je ne prends pas en vue l’espace, dans cet exemple, mais la tasse. L’espace n’est pas pris en compte, il est supposé, il est accepté. Je focalise sur l’objet sans voir l’espace dans lequel il se meut. Pour notre perception, c’est la tasse qui est le plus proche. L’espace est quelque chose de plus loin. L’espace est pour ce dont il s’agit, l’espace est toujours relatif à un objet. L’espace c’est ce qui es-pace , ce qui ouvre la place. Es-pacer est une manière d’être humain : être ouvert pour y prendre place et lieu, es-pacer , trouver sa tenue dans un rapport à.

Concernant la loi de l’inertie newtonienne, Heidegger questionne le « tout ». Tout corps conserve son état … Avec une telle formulation, on vise une généralisation, une abstraction, mais on ne peut pas avoir vérifier cette loi sur chaque corps, sur tous les corps. Et c’est pourquoi Kant dit : la nature est la légalité des phénomènes apparaissant dans leurs mouvements, ces mouvements sont des modifications d’une substance permanente. Où que je sois, je suis toujours le même, ma substance est toujours la même, je suis toujours une masse corporelle. Heidegger fait alors référence à Aristote et sa « Physique » où, pour étayer son point de vue Aristote évoque le fait que chaque enfant ne distingue pas entre homme et père, femme et mère. Pour la science, tout père est forcément un homme …. Mais pour un enfant ? Pour un enfant, tout père est père … et pas forcément un homme. Pour être père, il est nécessaire d’être homme. Pour être homme, il n’est pas nécessaire d’être père.

Et quelle relation alors avec le rapport tasse / espace ? Tasse et espace sont dans une relation plus fondamentale que ne le sont père et homme. Je peux penser à une tasse sans présupposer qu’elle soit là. Elle est réale quand celle-ci se trouve devant mes yeux.. Pour Kant l’être n’est pas un prédicat réal qui détermine quoique ce soit, ce n’est pas une effectivité d’être, chez lui la réalité est une possibilité. Et pour ce qui est du rapport tasse / espace, on peut donc affirmer que l’espace n’est pas la détermination d’une tasse. Une tasse est quelque chose, qui existe pour un humain.

Quand on dit « la tasse existe » on est en rapport avec la tasse qui est présente. Mais qu’en est-il de son existence ? ? L’existence n’est pas une propriété de la tasse, une tasse peut fort bien se concevoir sans pour autant « exister », elle ne requiert pas l’espace. Par contre dans l’exemple d’Aristote, homme fait partie de la détermination de père. Homme est plus essentiel que père, homme prime par rapport à père . A contrario, une tasse n’a nul besoin d’espace pour être déterminé. Une tasse est une tasse, un point c’est tout. Dans la quotidienneté, si j’ai soif , la tasse est plus proche de moi que l’espace où elle se trouve, je ne me préoccupe que de la tasse et pas de l’espace.

Si l’espace nous est toujours déjà donné athématiquement en toute expérience, comment penser l’espace comme espace ? Pour qu’un vivant soit, il faut qu’il soit spatial ! ! Par exemple ce stylo là posé devant moi. Je ne peux pas le retirer de là .. si je retire l’espace du stylo, celui ci va bouger avec l’objet….. Je ne peux pas saisir l’espace dans lequel se trouve le stylo si j’enlève ce stylo. Peut-on saisir l’espace du stylo en faisant abstraction du stylo ? Non … l’espace du stylo, je ne peux pas le distinguer du stylo lui-même . Le stylo ouvre l’espace comme lieu. Je suis hors d’état de saisir la caractéristique de l’espace comme cela en quoi se trouve le stylo.. cela en quoi ? je ne peux saisir l’espace comme contenant du stylo. La trousse est le contenant du stylo, mais l’espace n’est pas un contenant de ce stylo.

Heidegger poursuit, rappelant que dans le quatrième livre de sa « Physique », Aristote distingue pour l’espace : le « poros » le lieu , de « peras » la limite et « apeiron » illimité, sans limite , l’ouvert . Le corps physique entoure l’espace. Pour les grecs la limite c’est ce à partir de quoi quelque chose commence. Ce qui limite, c’est ce qui donne la forme. L’espace est donc ce rapport où quelque chose trouve sa limite, ou l’objet est délimité, c’est ce qui donne à cet objet son lieu. L’espace est donc une condition de possibilité qu’un corps advienne à sa manifestation. Il a le caractère d’accueil Ce qui est différent du lieu. Pour les grecs, les différents lieu , dans l’espace, sont distingués , caractérisés par leur qualité d’être . Ce que Galilée va effacer puisque pour lui l’espace n’est plus quelque chose qui nous procure un lieu mais devient une mesure métrique. Cependant quand nous avons la perception d’un objet nous percevons bien de l’espace, que ce qui entoure l’objet, ce qui est autour de la limite de cet objet. Nous ne percevons pas l’espace lui même.

Heidegger termine ce séminaire sur une question qui nous perd, qui reprend le travail entrepris et pose à nouveau la question. Où l’espace est-il ? Quand le temps est-il ? Et il nous amène à la conclusion que : On ne peut avoir le temps sans l’espace, temps et espace sont étroitement liés, on ne peut les distinguer.

Et sur ce, nous avons pris le temps d’aménager nos espace pour ronfler….et cuver notre vin car s’il est vrai que dans nos réflexions nous faisons référence à Aristote, dans nos actes nous n’oublions pas Epicure ! non mais des fois… nous ne sommes pas animés d’un esprit de ségrégation ..na ! ! !

Bon noel


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