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Compte-rendu N°3

Lecture des pages 38 à44


Groupe de lecture "Martin Heidegger - Séminaire de Zurich"

Edith Blanquet, Valerie Chantepie, Yannick Marques, Guy Minaudier, Marie-Christine Mistral, Marie Sarda, Denis Touzet.

CR 3 : séminaire des 6 et 9 juillet 1964 (page 38 à 44) Groupe de lecture du 2 décembre 2010

Prologue Nous avons eu la possibilité d’accéder à une autre traduction, non officielle, de ce séminaire. Nous avons passé l’essentiel de la soirée à comparer les deux traductions. La traduction non officielle fait apparaître un Martin Heidegger plus facilement compréhensible, dans un style fluide. Martin Heidegger conduit ces dialogues dans une démarche de cercle herméneutique, où il faut faire très attention aux nuances des mots employés. Caroline Gros, traductrice des "Séminaires de Zurich" nous propose, dans ce chapitre que nous pouvons comparer, une traduction pauvre en nuance –par exemple le mot espace, concept important dans ce séminaire, est employé uniformément quel que soit ce qu’il désigne, une pièce à vivre, un volume disponible, une localisation…. A des tournures simples possibles, elle utilise une complication lexicale qui renforce la difficulté de lecture du texte.

Explication de texte Ce séminaire prend la forme d’un dialogue entre Heidegger et les participants. Dialogue ou s’exprime la manière particulière de questionner, un "tourner autour" herméneutique, de Heidegger. Une attention aux mots qui sont ouvreurs de monde, dans le sens de comprendre. Il s’agit de retrouver la capacité de s’étonner du plus simple, d’expliciter pour soi et pour les autres à même le vocabulaire. Heidegger reprend la question de la table (voir le séminaire 2) pour nous convier à une manière de penser, prendre en conscience nos présupposés et questionner la notion d’espace. La table est dans l’espace, mais un espace qui, ici, n’est pas géographique. L’espace dont il est question est un espace de vie, d’habitation, donc pour un Dasein spatialisant. La spatialisation ouvre une orientation, c’est à dire un s’orienter moi-même et le monde alentour. A partir de notre habitation du monde, de la façon dont nous nous y éprouvons (un vécu), un espace orienté, déloigné, qui nous permet de nous rapporter à des objets : cela donne une orientation de soi ouvrant l’espace comme là où je me meut (dans l’espace). Les objets se renvoient les uns aux autres, en réseau ustensilié,c’est à dire ils prennent place à partir de moi les utilisant, ils n’ont pas d’eux même une place. Cet espace n’est pas un espace général, géographique ou métrique. L’exemple de la table et la question de son mode de se rapporter à l’espace se poursuit pour mettre en lumière la différence du mode de se rapporter à l’espace lorsqu’il s’agit d’un humain ou d’un objet. L’humain perçoit, imagine et éprouve, il est pro-jet. Il peut être ici et là, la table ne le peut. L’humain s’oriente l’espace et non la table. La table a été orientée dans une pièce en vue d’un mode d’y habiter, de s’y tenir proche. Heidegger met en rapport l’orientation et l’orient avec la lumière. Il développe la notion de clairière, d’éclaircie, définie comme le libre, l’ouvert. Le libre, l’ouvert sont l’espace. Le mot espace est ce qui rend libre pour, qui fait de la place, au sens de "Raum" qui aménage les lieux pour un Dasein y séjournant. On dit aussi de quelqu’un, dans le langage courant, qu’il est bien disposé, c’est à dire de bonne humeur, libre pour et cela témoigne du lien entre espacer et éprouver, être affecté, disposé toujours selon une tonalité affective ( être et avoir corps). Suit alors la question : est-ce qu’espace et clairière sont identiques ? Dans la clairière, quelque chose d’autre est éclairée : le temps.

Note du scribe : l’explication de texte continue, mais nous entraîne au-delà de la page 44, point limite de notre discussion de cette soirée. Reprise des mots libre, ouvert –ce qui peut être occupé, mis en rapport avec le mot vide, ce qui n’est pas occupé. Le libre, l’ouvert, est condition de possibilité du vide comme du plein. Le vide est le libre non occupé, le vide est fondé sur le libre, vient alors la question du rapport au fond. La chose est ce dont nous avons affaire, c’est à dire ce dont nous débattons et qui questionne le fondement, la question de l’être (qui est condition pour que quelque chose soit). Elle n’est pas seulement un objet en quelque chose. On peut débattre du fond tout comme on manie avec la main. Le comportement intellectuel est une variation à même le comportement moteur, une variation à même la quotidienneté. Pas de rupture entre pratique et théorie avec Heidegger. Le fondement n’est pas une chose, cette chose se tient d’une autre chose qui fonde. Ainsi le vide se tient du libre qui est plus originaire. Le libre est fondement ontologique du vide. Le fondement ontologique n’est pas recherche d’une cause,il est accueil d’une possibilité d’être. Heidegger aborde la question du mode d’être de l’homme dans l’espace. L’humain, toujours, se comporte à ; il aménage son espace, il se meut dans un horizon et ne transporte pas seulement son corps : il s’y éprouve là et par là ; toujours en rapport : espace. Il se comporte et se rapporte à l’espace en tant que. En commentaire, cette question du "s’aménager" nous amène à penser le style de présence psychotique ; cette présence est une manière de s’aménager un monde et un soi-même qui font difficulté. Spatialisation et temporisation y sont en abîme. La parole est le propre de l’humain, là où il s’approprie (note du scribe : afin de nourrir l’interrogation sur le propre de l’humain, je vous renvoie à la compilation de texte envoyée en annexe). Il n’est pas de comportement humain sans langage. Se comporter envers une chose est une manière de dire, de parler, de se dire en se comportant, en se tenant auprès (être-au-monde existential). L’espace pour un humain est laissé libre, il ne s’occupe pas de le thématiser.

Discussion Autour d’ "une existence factice". Pour nous, d’emblée, nous comprenons factice dans son sens courant, celui de faux, de pseudo, mais si nous déplions un peu : L’existence empirique est une existence que je mesure à l’aune de l’expérience. Au sens courant, si je dis que quelque chose existe, c’est qu’elle est vraie. Le factice est quelque chose qui a la consistance d’un fait. Ce qui est fait n’est pas du vrai. Ce n’est pas un élément naturel, c’est un événement produit, fait, donc factice. C’est du semblant, du fabriqué, ce n’est pas la physis grecque. Quand Heidegger dit que c’est une existence factice, il pose que c’est une existence de fait.Iil pose ça comme un jugement, c’est à dire une certaine façon d’établir des positions d’objets. Il ouvre par là que l’existence factice est toujours liée à un Dasein, qu’elle n’est pas indépendante d’un humain. La facticité est un existential et donc un mode d’être du Dasein : il est de fait livré à l’existence : je suis toujours déjà ce corps-là, cet étant là et jamais je ne peux totalement coincider à cet étant : je suis toujours auprès, toujours à et cela indique un écart. Je me teins toujours d’une certaine façon, façonné selon une guise, une manière ; (Factice, du latin facticius, au 18ème siècle le français en a tiré l’adjectif faitis (ou faitiche) et le substantif faitissité (faiticheté) : dans le Roman de la rose on lit : « faitisse estoit et avenante. Je ne sais femme plus plaisante » faitis = bien fait , bien façonné, un corps fait à dessein. Fétiche apparaît dans ce contexte. Pour Marx une marchandise fétiche = qui a un caractère insaisissable ; pas seulement au sens d’un caractère artificiel mais au sens de ce qui a une valeur d’usage et une valeur d’échange. Pour Freud un objet fétiche = qui a à la fois le signe de la présence de quelque chose et de son absence ; il est et n’est pas un objet. Et c’est ainsi qu’il attise le désir sans jamais pouvoir l’assouvir. Le Dasein est factice au sens où il ne se saisit jamais totalement lui-même –n’est pas un étant disponible- toujours un rapport d’écart soi-moi en quelque sorte. Il est celui qui a à être ses manières d’être…des manières jamais un être, il est et cela témoigne de la différence ontologique ; la « différance »dirait Derrida dans le sens d’un différé sans cesse reconduit). Longue querelle autour de la difficile compréhension pour certains de la phrase, page 41 :
  Elle est derrière le mur, dérobée à la vue.
  Non, justement pas dérobée à la vue, Que veut dire "non, justement pas", en quoi ce n’est pas juste. Querelle qui peut trouver sa source dans le choix d’un sens possible de « dérobée » que l’évolution de son étymologie permet : L’usage de la construction transitive avec le sens "d’éloigner, séparer" est propre à l’usage classique. L’idée de "soustraire au regard" est surtout réalisée dans le participe passé adjectivé. Le participe passé adjectivé "dérobé ée" qualifie un espace dissimulé aux regards, un passage, un escalier caché. (D’après le Dictionnaire Historique de la Langue Française Le Robert) Si on prend le sens de "éloigner" (physiquement) alors Heidegger (ou sa traductrice) a raison de dire "non justement pas éloigné". Si on prend le sens de "dissimulé aux regards, caché" la réponse est incompréhensible.



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