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Compte-rendu N°2

Lecture des pages 33 à37


Groupe de lecture "Martin Heidegger - Séminaire de Zurich" Edith Blanquet, Valerie Chantepie, Yannick Marques, Guy Minaudier, Marie-Christine Mistral, Marie Sarda, Denis Touzet.

Compte-Rendu 2 : séminaire des 24 et 28 janvier 1964 (page 33 à 37) Groupe de lecture du 4 novembre 2010

Nous utilisons ce soir en parallèle du livre une autre traduction de ce chapitre. Cette traduction rend plus lisible les propos contenus dans ce séminaire. Chaque fois que nous la reprendrons dans ce compte rendu, nous opterons pour une écriture en italique.

Kant écrit ; « Etre n’est manifestement pas un prédicat réal, c’est-à-dire un concept de quelque chose, qui pourrait être ajouté au concept d’une chose. C’est seulement la position d’une chose ou de certaines déterminations en elles-mêmes. » (« Critique de la raison pure » ed. R. Schmidt, Hambourg 1956.A 598,B626).

A propos de la caractéristique d’une chose et de l’essence d’une chose : La « chose » crayon est en bois, il est gris, etc.…, on lui ajoute des caractéristiques, des attributs, qui déclinent comment ce crayon là est, l’étant là qu’il est tel que je le perçois. Quand je cherche ce crayon en son être, je (Ca) ne rajoute lui pas une qualité, ça dit la position d’une chose. L’essence veut dire l’être de la chose. Nous pouvons caractériser une table comme un objet suffisamment lourd, avec une surface plane, etc.…là nous le décrivons tel qu’il est, nous décrivons un étant et non son être ; l’essence de la table, c’est l’idée de la table, l’idéalité de la table. Nous reconnaissons dans toutes les tables l’idée de la table. L’essence est ce qui fait l’être de la table, le point commun de toutes les tables présentes ou étantes. L’essence est la traduction de l’eidos (l’idéa, l’idée), c’est à dire la représentation mentale, une abstraction qui fait que je reconnaîtrais toutes les tables comme table.

Etre n’est pas un quelque chose de concret, qui réponde à la question de ce que c’est (réal renvoie à la question ce que c’est ; ti esti )( Heidegger développe la thèse de Kant dans « les problèmes fondamentaux de la phénoménologie », ch1. La réalité chez Kant est la position d’une chose autrement dit la possibilité de sa forme ; se distingue de la réalité objectivée c’est à dire effectuée en un objet concret. La réalité (ontique) d’une table, c’est son concept, le fait d’en produire le jugement est la réalité effective (ontologique) : c’est cette table là. Dieu est le plus réel, celui qui a le plus de teneur réale = celui dont la teneur réale est la plus grande possible (La teneur réale est teneur de chose. Réale vient de rés : ce qui à la possibilité de devenir une chose) ; en ce sens il n’est aucun étant puisque aucune possibilité ne lui déchoit. La réalité est une forme affirmative de l’unité d’un jugement. La réalité objectivée est ce qui advient par l’expérience alors que la teneur réale vient par l’intuition pure.

A propos de réal. Pour mieux comprendre la notion de réal nous nous souvenons d’un vécu commun autour de la construction d’un mur. Avant d’entreprendre les travaux, nous avons essayé de l’imaginer, de l’envisager. A partir de là, ce que nous avons mis en œuvre est quelque chose d’autre que tous les détails. La teneur réale de ce mur sont les possibilités de se réaliser, c’est ce qui permet de le poser comme mur. Nous avons donc regardé les caractères possibles de ce mur, l’essence du mur, donc la teneur réale de ce mur et ensuite, nous en avons fait une réalité objectivée (au sens Kantien).

Etre par contre n’est pas quelque chose de réel que l’on trouve dans une table même si on démonte cette table dans ses moindres pièces.

Manifeste veut dire, si on veut rendre sa signification plus distincte et la déplier ( ce qui n’est pas le même que faire usage d’autres mots pour la même chose) en tant que manifeste, évident, qui vient de evideri = se laisser voir ; en grec enargês = brillance lumineuse (argentum = argent) se montrant de soi même. L’être se manifeste comme n’étant pas un prédicat réal ; c’est comme cela qu’il se donne à voir. Il brille par ce qu’il n’est pas. Si je prends la table, je ne prends que la table, je ne prends pas l’être de la table. Nous ne pouvons définir l’être que par ce qu’il n’est pas, puisque tout ce qui est se montre comme étant c’est-à-dire une façon, une manière d’être.

Autour d’admettre. L’hypothèse que les symptômes sont des contenus manifestes de quelque chose de latent, fait que tout ce qui est mis en évidence va être interprété, et compris, comme causé par ce qui l’a généré. C’est un raisonnement apriorique basé sur un postulat. C’est une manière d’admettre quelque chose. Une autre position est juste l’évidence qu’il y a une table devant moi, ce qui est une manière différente d’admettre. Par exemple dans le traité de Freud sur les actes manqués les tendances et les forces sont de telles suppositions. Ces tendances et forces supposées causent et produisent les phénomènes. Alors les actes manqués se laissent expliquer ainsi et ainsi, c’est-à-dire prouvés dans leur genèse. Dans ce cas, nous avons une théorie qui dit (qui guide) notre façon de voir, dans l’autre une évidence quotidienne que nous questionnons par où elle se montre, en direction du ensuite et non en cherchant une cause, nous cherchons en direction de comment cela nous fait exister ainsi, en vue de quelle manière de s’éprouver, de se comporter, de se prendre pour quelqu’un.

Autour du fondement. Dans un processus philosophique, avant de répondre à une question, nous travaillerons sur le sens de la question, sur son fondement. Le type supérieur de justification est la question de l’être, l’être qui n’est pas un prédicat réal. L’argument par la recherche de preuves logiques n’est pas la seule manière de fonder. Il y a des choses qui peuvent être fondées sans que cela soit par une démonstration. Par contre une démonstration produit toujours un fondement. Nous ne sommes pas obligés de croire en Dieu parcequ’il est nécessaire, c’est une foi et cela suffit pour le fonder – mais ça ne veux pas dire que nous pouvons prouver son existence.

Les deux manières de l’acceptance (la supposition et l’acceptation) ne se tiennent pas au même niveau l’une à côté de l’autre (P7), de telle manière que l’on puisse choisir arbitrairement l’une ou l’autre, mais chaque supposition se fonde toujours déjà d’une manière certaine de l’acceptio.

Ontique et ontologique. Ontique, c’est la vie concrète. C’est l’existence au sens de la philosophie classique, mais pour Heidegger qui réserve l’existant à l’humain, ce mot existant recouvre les notions d’ontique et d’ontologique. Ontologique, c’est l’être. C’est l’essence au sens de la philosophie classique.

Il a été dit dans la soirée que le DSM est un catalogue statistique.

A propos des phénomènes. Les phénomènes non-perceptibles, ontologiques, se sont toujours déjà et nécessairement avant montrés-indiqués aux phénomènes perceptibles. Avant que nous puissions percevoir une table comme celle-ci ou celle-là, il faut que nous ayons déjà avant entendu qu’il y a quelque chose qui se donne comme présence. Les phénomènes ontologiques sont alors les premiers en rang mais les seconds dans la pensée et le devenir visible. Le conflit entre le point de vue psychodynamique et celui Daseinsanalytique sur l’homme : qu’est ce qui peut être saisi et décidé la dessus ? Sur la destination de l’être de l’étant que nous sommes nous-mêmes. Quel être a –t-on dans cet acte a priori ? A quel égard faut-il selon Freud que les phénomènes se-tiennent-en-retrait des suppositions ? A l’égard de cela, qui est tenu pour réel et étant : Freud pense que ce qui est seulement réel et vraiment étant, c’est ce qui peut se sous-poser aux chaînes causales de forces psychologiques. Pour Freud, la vérité n’est pas dans l’ensuite, le next, elle est se situe dans le caché, le derrière (l’inconscient, le refoulé). Du coup, nous ne sommes plus dans l’étonnement de la présence, mais dans la lecture, toujours interprétative de ce qui est dit. Et le physicien moderne Max Planck, bien connu de tout le monde, disait il y a quelques années mot à mot : « seulement ce qui se laisse mesurer est réel ».Mais on peut avec raison arguer contre : pourquoi ne devrait-il pas aussi exister quelque chose de réel et qui ne se laisse pas tout à fait mesurer exactement ? Un deuil par exemple. Aussi dans cette sorte de supposition, que ce qui est seulement réel, ce qui peut se sous-poser aux chaînes causales, est fondé sur une acceptio. Il est en effet accepté comme (P8) se comprenant de soi-même : être = une relation de causalité pré-calculable. Avec cette supposition l’homme est aussi considéré comme un objet qui peut être expliqué causalement. Ce débat est essentiel pour nous thérapeutes : il détermine notre posture, notre manière soit d’avoir à exister à autrui, rencontrer un existant en y étant nous même conviés à exister ; ou bien observer une série de causalités parfaitement explicables et par-là non pas aller à la rencontre d’un inconnu mais retrouver nos présupposés érigés en vérité. Vérité ici entendue comme raison calculante : est vrai ce que je conçois et non vérité comme venue à la présence, éclaircie. Cela pose toute la différence entre la psychanalyse et la phénoménologie (compris la Gestalt thérapie orientée phénoménologie heideggerienne) D’un côté nous avons une position de savoir sur, et ainsi l’homme est regardé comme un appareil avec des mécanismes prévisibles, de l’autre l’étonnement de la venue en présence, l’homme est regardé et rencontré comme celui qui a à être, à se donner sens : une question qui d’emblée nous tient en proximité native et nous ouvre à l’inattendu de toute présence, au mystère de l’esprit. Le débat engagé là nous invite à distinguer symptôme et phénomène... avec quelle conception travaillons-nous ?

Nous affirmons l’existence de la table et simultanément nous nions que l’existence est une propriété de celle-ci. Si nous le regardons ainsi, nous devons manifestement tenir en vue l’existence, la « voir ». Nous la « voyons » mais nous ne la voyons pas comme nous voyons la table. Mais nous ne pouvons pas dire immédiatement ce que cela signifie ici existence. Voir a une double signification : voir dans un sens optique et voir dans le sens de voir immédiat (Einsehen) C’est pour cela que nous appelons Kant à l’aide. Il dit : l’être n’est pas un prédicat réal mais pourtant un prédicat. Mais lequel ? C’est « simplement le positionnement, d’une chose », donc la manière dont se tient un donné (Kant, critique de la raison pure, A 598, B 626). Nous posons, dressons. La table par exemple est faite-pour-être-transportée, rencontrable, elle est fabriquée par un ébéniste.

Sur le libre, l’ouvert. Le libre, l’ouvert, nous convie à la question du sujet. Si je suis à l’intérieur de moi, comment je fais pour rencontrer de l’autre, de l’extérieur. Y’a-t-il un endroit où je suis tout-moi ; entièrement en adéquation ? où bien suis-je ek-sistant toujours en rapport, jamais circonscrit, tissage en frontière-contact et non présence subsistante.


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