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L’insconscient qu’est-ce que c’est ?

Texte de Médard Boss


“Von der spannweite der Seele” ; “De l’amplitude de l’âme” Medard Boss Edideur : Benteli Verlag bern 1982, 227 Pages.

Article " Das Unbewusste, was ist das ? “ Pages 132 à 150 Traduit par : Groupe de traduction EGTP : Barbara Minkus, Inès Meyer-Eltz, Patrick Colin, Edith Blanquet.

“ L’inconscient ; qu’est ce que c’est ?”

"L’Inconscient" est un concept central de la psychanalyse freudienne. Il l’est tellement que Freud a dénié à quiconque le droit de se nommer psychanalyste s’il ne croit pas à l’existence concrète de “l’Insconcient”. Afin de pouvoir fonder objectivement ce jugement sévère de Freud, il est d’abord indispensable de méditer sur le fait que le nom “psychanalyse” est le titre pour deux choses complètement différentes l’une de l’autre. Tout d’abord et avant tout, Freud donna ce nom à une pratique concrète de soin. C’est son collègue viennois Breuer qui avait attiré son attention sur le fait qu’il est des souffrances humaines multiples qui peuvent disparaitre définitivement, si on laisse le malade en question s’exprimer de manière aussi détaillée que possible sur le sens caché de ses symptomes et sur les circonstances de leur survenue au cours de l’histoire de sa vie. Dans ce but, Freud fit d’abord appel à l’hypnose. Mais ensuite, il se tourna vers la méthode des "associations libres". Il imposa à ses patients de s’exprimer pendant la durée de la séance, sans restriction, sans retenue, sans scrupules et en toute sincérité envers eux-mêmes et envers l’analyste - même si cela pouvait devenir gênant et honteux - . Cette obligation devint même l’unique règle fondamentale de la praxis psychanalytique.

Freud ressentit alors le besoin de prouver scientifiquement les concepts qu’il avait découvert dans sa pratique. Dans ce but, il élabora une théorie magnifiquement enfermée en elle-même. Il la nomma également psychanalyse. Dans le même temps, Freud considéra cette théorie psychanalytique comme une superstructure secondaire et admis que l’on puisse abandonner quelque aspect de cette structure s’il s’avérait par la suite qu’il devienne inopérant. ( P 133) Le concept central d’ "Inconscient" appartient totalement et absolument au domaine de la “psychanalyse” en ce sens qu’il est sa théorie psychologique, ou bien sa “métapsychologie” psychanalytique ainsi que Freud la nomma également.

Pendant longtemps, Freud lui-même ne fut pas très à l’aise avec son concept théorique d’un "Inconscient". Il avait trouvé ce mot chez le philosophe allemand Lipps et il lui donna tout de suite "un nouveau contenu"1.( S Freud GW Image Publishing, LTD London 1942 Bd II/ III S616ff. ).De ce fait, il revendiqua pour lui-même la découverte de "l’Inconscient" pour la psychologie. Le concept de l’Inconscient de Freud se rapporta tout d’abord à une seule "qualité particulière de la construction psychique...". L’inconscient, écrivit-il “nous apparait d’abord comme le caractère énigmatique d’un certain processus". Mais très vite vint une nouvelle manière fontamentale d’utiliser la langue, dans laquelle la signification du mot "Insconscient", qui avait d’abord un sens descriptif et caractérisé,( deskriptiv-eingenschaftliche) pris de plus en plus de poids. Freud écrivit dans la suite du même article : "Maintenant, il (l’Inconscient) signifie d’avantage... La valeur indicative de l’Insconscient , a laissé sa signification de qualificatif loin derrière elle. Nous induisons avec le mot "Insconscient” un système qui se montre à nous, par le biais d’un indice, lequel est l’assemblage de processus singuliers qui sont insconscients. Tel est le sens le plus fort que l’expression Inconscient a acquis dans la psychanalyse" . (idem oeuvres complètes Image Publishing Ltd London 1943, Bd. VIII, S. 438/439) (2). Dans la métapsychologie de Freud, le concept d"inconscient” était tout d’abord et seulement présenté comme l’un des caractères subsistants d’une donnée intrapsychique. Puis, inopinément, il a pris sa propre dimension et est devenu "un lieu psychique" ou un "système psychique".Dès lors qu’il fut devenu une chose autonome, on attribua à “l’Inconscient” les caractères et les lois les plus variés. Dès lors on fit appel, par exemple, à "L’Inconscient" à la place du concept fondamental de la pensée qu’est le principe souverain de non contradiction qu’il ne respecte absolument plus. En tant que premier caractère, Freud attribua à cet objet qui était devenu métapsychologiquement un “Inconscient” hypostasié, une manière particulière de penser. (Page 134) Afin de leur donner une signification particulière, Freud sépara d’abord des “processus de pensée primaire” par rapport à des processus de pensée conscients qui furent considérés comme des processus psychiques secondaires. Les “processus primaires” dans “l’Inconscient”, selon Freud, devaient se caractériser par-dessus tout par la mobilité extrême de l’énergie psychique. De ce fait, des représentations non cohérentes se condensent pour n’en faire qu’une seule et les énergies de plusieurs représentations peuvent, dans l’Inconscient, se déplacer vers une seule représentation. De plus, le ”processus primaire Insconscient de pensée” se comporte sans aucune retenue par rapport au temps et à l’encontre du principe de la pensée logique de non contradiction. Ainsi, Freud remplace la réalité extérieure par une réalité psychique dans laquelle les processus de l’âme, seulement et directement, sont subordonnés au principe de plaisir-déplaisir (3).

Mais la question de ce qui s’est produit dans la pensée de Freud pendant qu’il élaborait cette théorie demeure pertinente. Nous y répondons : rien de moins que le fait que la philosophie a pris une lourde revanche sur cet homme qui ne manifesta tout au long de son oeuvre que mépris et dérision envers les philosophes. Par exemple, dans un de ses travaux les plus importants, Freud ridiculise les philosophes de la manière suivante : " Par-dessus tout je ne suis pas pour la fabrication de conceptions du monde. Celles-ci je les laisse aux philosophes qui admettent eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas réaliser leur vie sans se référer à un tel “ fourre- tout” (Baedeker) qui fournit des informations sur tout. Prenons humblement sur nous le mépris avec lequel les philosophes, de leur position hautaine et indigente, nous regardent .Comme nous ne pouvons pas nier notre fierté narcissique, nous voulons chercher notre réconfort en mentionnant que tous ces donneurs de leçons de vie vieillissent vite et que c’est justement notre petit labeur besogneux et à courte vue qui rend nécessaire leur mise à jour et que, les plus modernes de ces essais “fourre-tout” (Baedeker) ont pour simple fonction de remplacer les catéchismes si confortables et si complets." (4) La vengeance de la philosophie sur Freud consiste en ceci que, sans qu’il n’ait remarqué quoi que ce soit, ( page 135) il soit lui-même entré dans ce genre de considérations au sein desquelles la pensée de l’existence humaine est aussi inapropriée que possible.Comment Freud aurait-il pu faire pour ne pas tomber dans un cul de sac théorique et s’y perdre ?

Il en fut ainsi pour la philosophie du mathématicien français René Descartes. Avec les conséquences les plus graves pour la suite de l’histoire de l’occident, il fut le penseur qui déchira dans sa tête l’unité originelle du monde en deux domaines radicalement distincts l’un de l’autre. Et ce, de telle sorte que cette unité ne put plus jamais être reconstruite à partir des prémisses de sa pensée. L’un des domaines de la pensée cartésienne fut celui de "la res cogitans", de l’esprit humain, de la conscience humaine. L’autre domaine enveloppa toutes les choses extérieures à la "res cogitans". Il fut désigné par Descartes comme le domaine de la "res extensa", afin que le caractère fondamental qui se trouve dans la chose subsistante soit son extension. Avec cette pensée, Descartes avait intronisé d’un seul coup la conscience humaine comme cette chose unique qui se tient au fondement de tout étant ; comme le seul subjectum, l’hypokaimenon. A partir de là, tout ce qui reste comme étant, ne pouvait devenir une réalité significative que si un subjectum humain s’y projetait de sorte à en faire un objectum. D’une manière énigmatique, les “res extensa” devinrent dans la pensée de Descartes des objets d’un monde extérieur, lequel reflète en lui-même cette conscience humaine imaginée comme une capsule première. Ces objets deviennent alors, à l’intérieur de ce monde, d’une manière ou d’une autre, des représentations signifiantes de ce sujet.

La conséquence absolument nécessaire fut que le caractère fondamental de tout ce qui est hors de la res cogitans, c’est-à-dire de la pensée, du ressenti et du jugement humain, devint imaginable pour un sujet humain.

Il ne resta plus alors qu’un seul caractère commun aux choses très éloignées des deux domaines de la “res cogitans” et de la “res extensa”. Ce fut leur caractère d’objectivité et de présence susbsistante à n’importe quel endroit d’un monde vide, pensé comme prélablement existant . (Page 136) Ainsi, chaque esprit humain, chaque “res cogitans”, chaque sujet, chaque conscience, chaque psyché, chaque cogitare, avec tous ses contenus, pensées, désirs, opinions et jugements, prit dans la pensée de Descartes le sens d’une objectivation et d’une disposition expérimentée comme quelque chose qui est quelque part là-devant subsistant.

Cette philosophie cartésienne fut celle qui alors tomba sur Freud et le saisit, sans qu’il ne se pose de question, aveuglément. Il n’eut pas la moindre idée du caractère purement philosophique de cette conception c’est à dire qu’elle était un axiome apriorique augurant de la manière d’être de tout ce qu’il allait croiser par la suite. Pourtant en vérité, il s’agit d’une anticipation que rien n’est scientifiquement vérifiable concernant la conformité et l’objectivité de ce qui est rencontré. Malgré tout, la pensée cartésienne est et demeurera le fondement jamais questionné par Freud. Fondement à partir duquel, par la suite, il rencontra les phénomènes des êtres humains sains et malades.

D’abord Freud a pensé à partir d’observations de la vie quotidienne. Par exemple, le fait qu’un être humain, à un moment donné peut être complètement pris dans la pensée de la montagne Corcovado. Et aussitôt après, qu’il puisse être complètement occupé d’une chose différente, par exemple, en regardant devant lui un bouquet de fleurs déposé sur une table. Pourtant, aussitôt après, il se peut que sa pensée retourne au Corcovado.Où était donc alors passée la représentation du Corcovado, dans ce moment intermédiaire, demanda Freud ? Il est impossible qu’elle soit réduite à néant. Comment a-t-elle pu aussi vite se montrer à nouveau ? Elle devait donc être demeurée présente de manière latente dans la conscience. Mais où ? Auparavant, Freud, avait d’une manière typiquement cartésienne, substantivé tout ce qui, dans l’existence humaine, n’était pas mesurable ; tout ce qui était immatériel et non objectif, sous la forme d’un appareil psychique se tenant quelque part. Cependant, Freud, savait et l’écrivit également en italique, que cette représentation était seulement une fiction. Rapidement pourtant, il en parla comme d’un quelque chose de réellement subsistant. C’est pour cela qu’il pu également se représenter que, le lieu où par exemple la représentation de la montagne Corcovado avait momentanément disparu, était seulement une sorte de sous-localité à l’intérieur de cet “appareil psychique”. (Page 137) Et il nomma cette localité : "l’Inconscient". La représentation du Corcovado, ainsi pensa alors Freud , se trouvait entre temps dans "l’Inconscient".

Un “Inconscient" n’est rien d’autre que la négation du "Conscient". Ainsi, il demeura toujours fidèle à cette manière de se référer. En cela, nous aurions pu attendre de Freud un éclaircissement quant à sa manière de penser la conscience. Comme sa pensée se reposait si confortablement sur cette détermination cartésienne, Freud, peu exigeant, constata : ”que ce que nous devons appeler conscient, nous n’avons pas besoin d’en discuter, cela ne fait l’objet d’aucun doute”.(5) Plus loin il écrivit : "La conclusion de ces recherches (sur l’Insconscient) nous donne des explications et des descriptions incomparables quant à la réalité patente et indéniable de la conscience. Quand on parle de la conscience, on sait malgré tout, à même notre expérience immédiate , de quoi il s’agit. “(6)

C’est seulement dans son oeuvre antérieure, "L’interprétation des rêves", que Freud produisit quelques réflexions sur la nature de cette conscience. En ce qui concerne son rôle, il répondit : "rien d’autre que celui d’un organe des sens, lequel perçoit un contenu d’une autre sorte." Ainsi, la conscience, dans la conception de Freud, n’est rien d’autre qu’un organe-de-la-perception, analogue aux organes des sens externes” (7). Le “monde extérieur” est donné directement à la conscience, à travers eux (les organes des sens ). Le “monde intérieur”, les données pensées se tenant dans l’intrapsychique, sont perçues immédiatement par la conscience.

Par la suite, toute l’attention de Freud a été absorbée par les phénomènes des actes manqués de la vie quotidienne, les images oniriques et les symptomes névrotiques. Entre autre, Freud mentionna l’exemple d’un président qui lors d’une réunion commença son discours d’ouverture en laissant échapper cette phrase : “ je déclare la réunion terminée". Suite à ce phénomène, Freud conclut que quelque part en cet homme devait se tenir cette pensée : "cette histoire m’ennuie, si cette réunion était déjà terminée, alors je pourrais rentrer à la maison”.Mais cet homme ne se doutait pas du tout d’une telle pensée, qu’elle puisse se trouver quelque part dans un recoin de son appareil psychique, lequel mérite le nom ’d’Inconscient". (Page 138.)

Freud se vit contraint de différencier entre "l’Inconscient "dans lequel il avait placé la représentation du Corcovado qui revient toute seule, et "l’Inconscient "qui, selon son avis, hébergeait le désir du président de réunion de finir rapidement cette réunion. Car ce désir se tenait dans la conscience du président, contrairement à la représentation du Corcovado inaccessible qui demeurait "refoulée" hors de cette Conscience, dans l’Inconscient. L’homme qui avait produit cet acte manqué se serait probablement vivement opposé à cette interprétation si on lui avait demandé d’accepter le “sens”secret de l’acte manqué. Il aurait de loin préféré rester dans cette illusion que la réunion qu’il présidait, l’enthousiasmait. C’est pourquoi, Freud, distingua un “Inconscient “ lequel demeurait refoulé pour des raisons d’amour propre ou des motifs moraux, qu’il considéra comme "l’Inconscient proprement". Il le distingua d’une forme d’hébergement temporaire des représentations quelconques qui sont sans difficultés à nouveau accessibles à la conscience. A celles-ci il donna le nom de "préconscient”.

C’est à partir de la théorie du refoulement que Freud développa le concept de "l’Inconscient lui-même".Il écrivit : "Le refoulement est pour nous le modèle de l’Inconscient" (8). Il voulait dire par là que le refoulement était un oubli "tendancieux ".Un oubli qui n’avait pas son fondement dans le fait que ce qui s’était oublié était sans importance pour que l’on puisse s’en souvenir à nouveau, mais dans le fait que ce souvenir ne devait pas revenir en mémoire ni être autorisé à ce retour.

Un oubli de cette sorte est plutôt un agir actif qu’un événement banal. Par le biais du refoulement, pensa alors Freud, un contenu déterminé serait banni de la conscience. Ce qui serait banni serait ce qui n’est pas compatible avec la conscience morale d’un humain. La conscience morale à laquelle il donne le nom de Surmoi, ne consiste d’après Freud ,en rien d’autre qu’en l’intériorisation des lois et des interdits de la société au sein de laquelle chaque individu a grandi. (P139) Le refoulement est un comportement caractéristique de l’être humain vis à vis de lui-même, dans la mesure où il est fondamentalement un être social. La dépendance fondamentale à la reconnaissance de son propre entourage est la source de l’intérêt à cacher sa propre non conformité. Le çi-nommé Inconscient peut alors être plus précisément déterminé en tant que ce qui demeure caché pour un homme à lui même, et aussi comme ce qu’il se cache à lui même à cause de sa non conformité. Quelque chose qui se cache soi-même face à soi-même, ressemble alors à une auto-tromperie.

Cette expression “auto-tromperie” se révèle dans sa pleine dimension contradictoire dans la manière dont Freud a abstrait son concept théorique d’”Inconscient”. A ce propos, A.Holzhey, remarquait dejà avec raison en 1975 : “ Il ne s’agit pas seulement dans cette “auto-tromperie” de ce fait que le sujet psychique se trompe en ce qui le concerne lui-même, mais qu’en même temps il se trompe lui-même, et non pas quelqu’un d’autre le trompe. Cela, ”L’inconscient” qui est le caché, cela, je me le cache à moi-même. Dans l’auto-tromperie, le trompeur et le trompé sont le même.” Freud s’attache à rendre positivement visible ces phénomènes. En quelle façon la double tromperie est elle possible ? Il résoud cette énigme par cela : qu’il semble y avoir en même temps deux personnes en une seule. Il écrivit : “ Nous nommons Inconscient, un processus psychique dont nous devons supposer l’existence. Nous le déduisons de ses effets alors que nous ne savons rien de lui. Nous avons alors envers lui la même relation que vis à vis d’un processus psychique d’un autre humain, sauf qu’il s’agit justement de notre propre processus.”(9)

Mon propre Inconscient m’est retiré de la même manière que l’intériorité d’un autre humain.Cela m’est à ce point inaccessible que je n’ai de moi-même aucun pouvoir d’y accéder. Je n’expérimente seulement que ce que l’autre me montre : il peut s’ouvrir à moi ou non. Il peut aussi délibérement m’induire en erreur. Si tout cela est valide pour ce qui concerne le rapport entre la conscience et l’inconscient, il doit donc y avoir une instance particulière qui décide si quelque chose peut devenir conscient ou pas. Freud nomme celle-ci la censure.

(Page 140) Souvent celle-ci devient un “gardien” personnifié et cela aboutit à l’image suivante de l’âme humaine : “Nous définissons alors le système de l’Inconscient comme ressemblant à un grand anti-chambre où les mouvements de l’âme s’ébattent comme des individus. A cet anti-chambre est lié une sorte de deuxième salon plus étroit dans lequel la conscience se tient. Mais au seuil, entre ces deux espaces, le gardien veille. Il examine chacun des mouvements de l’âme, les censure et ne les laisse pas pénétrer dans le salon si ils ne lui conviennent pas.” (10)

A. Holtzlay , à partir de cette spéculation freudienne, formula de manière fort convaincante la critique suivante : ” La relation entre Inconscient et conscient est définie par la censure. Demandons nous maintenant quel caractère devrait avoir cette censure pour pouvoir exercer cette fonction ? La tentative de solution s’avère déjà erronnée car la censure ne peut à son tour qu’être une “conscience inconsciente. L’aporie qui doit être dépassée nous conduit à nouveau à l’acception même de la censure.”(11)

Freud était lui-même partagé – ainsi que nous y avons déjà fait allusion - quant à sa tentative d’expliquer le phénomène de l’auto-tromperie et avec lui les actes manqués, rêves et symptomes névrotiques . Il écrivit par exemple : ” Dans quel domaine peut-il y avoir une preuve qu’il existe un savoir duquel l’homme ne sait absolument rien ?...Cela serait un fait qui, dans sa nomination même, s’annulerait... une contradictio in adjecto” (12). Il avoua aussi que, avec la supposition d’un “Inconscient”, il avait outrepassé l’expérience (13). Il admit enfin même le “caractère grossier” de sa représentation de l’Inconscient qui fondamentalement n’était pas représentable. Mais, aussitôt, il fit volte face : ” Je veux vous assurer que ces représentations grossières... ne sont pas si éloignées de ce que doivent signifier les faits réels” (14).

Cependant en vérité, le concept freudien de “l’Inconscient” comme explication fondamentale des actes manqués et des symptomes névrotiques était condamné à échouer dès le début, ainsi que le prouva, tout juste après son invention, le célèbre Jean-paul Sartre. (Page 141) Dans “L’être et le néant” il écrivit (page 91 Gallimard) :” Si je mens, je connais moi-même la vérité que je défigure ; cette même vérité que moi, en tant que trompé que je suis moi-même, je ne la connais pas. En tant que trompeur, je connais aussi mon intention de tromper. Quand je sais pourtant que je veux me tromper moi-même, je ne peux pas me laisser tromper, car on ne peut être trompé seulement que là où l’on veut savoir la vérité.”(15)

Pour autant, Sartre ne nous aide pas davantage à comprendre le caractère insoutenable du concept freudien d”Inconscient”. De même, la poursuite du développement par Freud de la représentation de son “appareil psychique” qui nous conduit du point de vue topique à celui dynamique et économique, ne nous aide pas davantage. L’objectivation inadmissible de l’existence humaine et sa réduction à des processus énergétiques ne fut en aucune manière supprimée malgré cela.

C’est pour cela qu’il ne nous reste pas d’autre possibilité que de nous en tenir à ces phénomènes que Freud croyait nous permettre de comprendre en introduisant “l’Inconscient”. Il y avait – récapitulons- les quatres points suivants : 1. On peut être complètement et absolument absorbé par une chose soit en la regardant, soit en y “pensant.” Mais, dans l’instant suivant, on peut être accaparé par quelque chose de complètement différent. Immédiatement après, on peut se tourner à nouveau vers la première chose. Freud ne pouvait se représenter le moment intermédiaire que comme une étendue, dans laquelle la “représentation” de la première chose avait disparu, mais seulement de cette façon, qu’elle était repoussée dans” l’Inconscient” d’une psyché, plus précisement dans son “pré-conscient”. Comment aurait-elle pu alors aussitôt à nouveau apparaitre dans la Conscience. ? 2. Inéluctablement il y a un grand nombre d’actes manqués dans la vie quotidienne, dans lesquels on fait ou dit quelque chose que l’on ne voulait vraiment pas dire ou faire délibéremment. Ne devrait-il pas y avoir là l’équivalent d’une pensée manquée dans “l’inconscient” ? (P142) 3 La plupart des rêves sont composés d’images, qui, si nous voulons les comprendre, sont à modifier à partir de quelque chose d’autre qui se tenait auparavant et jusques-là dans “l’Inconscient”. 4 De la même manière, les symptomes psychonévrotiques ne sont compréhensibles dans leur signification, d’après Freud, que si ont les reconduit à des contenus de représentations ou de sensations, lesquels sont inclus dans “l’Inconscient” et plus précisément un “Inconscient” entendu dans son sens le plus propre et le plus étroit. La question est : Est-ce que ce sont vraiment ces phénomènes qui nous contraignent à toutes ces suppositions ? Est-ce qu’ils ne le font pas seulement lorsque quelqu’un s’est “voué” à une autre supposition, disons la “fiction” de la subsistance d’un “appareil psychique” pensé objectivement ? C’est seulement à partir de cela que l’on pourrait ensuite se représenter un “Inconscient psychique” comme la partie d’une sorte de container dans laquelle les “déchets psychiques” pourraient être entreposés.

Cette question pourraient être décidée sans difficulté si nous nous efforçions de trouver un accès Daseinsanalytique ou phénoménologique aux données controversées des existants humains. Par la suite beaucoup de choses que Freud a pris encore comme allant de soi vont devenir particulièrement dignes de questions.

Est-ce que, par exemple, la montagne que je regarde là-bas et qui requiert toute mon attention est seulement une forme de “représentation” dans ma conscience ? Et lorsque je ne la vois plus et que je ne pense plus à elle, et que par contre je me concentre totalement sur le bouquet de fleurs qui est là devant moi, est-ce que alors, vraiment, elle n’est plus seulement une ”représentation” d’elle dans la partie d’un container psychique de ma capsule psychique, laquelle pourrait être nommée pré-conscient ? Ou bien, est-ce qu’elle n’appartient pas à la réalité de nos relations à quelque chose que nous avons perçu ? La particularité étant que ce qui était perçu soit toujours encore tenu, retenu à son lieu en notre monde auquel il appartient, même si temporairement et seulemnt il l’est d’une manière beaucoup moins thématisée qu’il ne l’était auparavant ? Il en va également ainsi avec toutes les choses qui m’entourent maintenant. Si dans ce moment-là (P143) je suis orienté thématiquement, totalement, vers mes auditeurs, alors donc ce pupitre reste devant moi ainsi que le mur derrière moi. Ils y restent en tant que ce qu’ils sont et là où ils sont, dans mon monde, même si c’est d’une manière non thématique. Si il en était autrement, je trébucherai sans cesse sur mon pupitre et je me heurterai contre le mur. C’est seulement parcequ’ils se tiennent en présence, à leur place dans mon monde, que leur présence non thématique peut très facilement redevenir une présence thématique. Selon ce qui a été dit au sujet de ces données, à savoir qu’elles pourraient apparaitre à un moment donné “d’une manière non thématique,” alors, on peut les désigner comme “non- proprement-pensées”. Cela serait également une désignation humainement plus juste que de les situer “dans le pré-conscient.”

Alors qu’en est-il des actes manqués si nous les regardons d’une manière Daseinsanalytique ou phénoménologique et si nous abandonnons toute spéculation non démontrable ?

Par exemple, Freud nous avait présenté les actes manqués de ce conférencier qui, au moment de la cérémonie d’ouverture de la conférence commettait l’acte manqué suivant : “ je déclare la séance terminée”. Etait-il réellement auparavant hanté par la “pensée inconsciente” dans “son Inconscient” de finir rapidement la séance ? Mais est-que, par-dessus tout, quelqu’un pourrait dire ce que doit être “une pensée” et surtout “une pensée inconsciente” ? Serait-ce une chose proprement psychique qui se tiendrait en moi, intrapsychique ? Je dis : il me vient maintenant la pensée que cela soit ainsi ou autrement. Cela veut dire toujours pourtant seulement que quelque chose venant de l’ouvert de mon monde s’adresse à moi à travers sa signification, que cela s’éclaire et se manifeste.

L’acte manqué de notre exemple, qui ouvrait la conférence avec la phrase de sa fermeture, n’est pas un effet mystérieux et énigmatique d’une pensée qui prétendrait se retenir dans “son Inconscient” ? Cet acte manqué survint plutôt directement d’une tonalité atmosphérique, pas du tout inaccessible et négative, qui traversa la totalité de l’existence de cet homme au moment de son acte manqué. (P 144) Il en aurait été aussi de même si le conférencier n’avait pas tenu compte de son humeur du moment et, qui plus est, s’il avait essayé d’en détourner obstinément son regard. Même si quelqu’un pouvait s’efforcer de détourner le regard devant un fait douloureux, en se tournant par exemple plus intensément vers quelque chose d’autre, cela, de quoi il voudrait détourner son regard à cette occasion, ne s’est pas évaporé dans une simple “représentation’, laquelle se serait trouvée repoussée dans une partie d’un lieu intrapsychique. Bien plus, c’est d’abord à partir de son propre lieu dans son monde qu’il est beaucoup plus concerné par ce qui le force à détourner son regard de manière si intense. Ce qui, par ce détournement du regard, est mis de coté, “refoulé”, reste fortement là, ici, là où c’est, de sorte que la personne elle-même en est d’autant plus fortement tracassée.

Ainsi ce phénomène a été décrit de manière plus justement humaine que l’explication causale et génétique, pour laquelle Freud a dû inventer la spéculationn d’un “refoulement” des pensées et des sentiments dans un “Inconscient “compris dans son sens le plus propre et le plus étroit. Nous avions déjà suffisamment mis en lumière l’abscence d’issue de la théorie de Freud qui le conduisait nécessairement à faire une autre supposition : celle d’un censeur à la frontière entre son “Inconscient” et la conscience. Nous devons encore ajouter deux choses à cela. D’une part, mettre l’accent sur “le devoir détourner le regard” qui serait situé dans le sus-nommé “refoulement dans l’Inconscient”, n’est pas possible à partir du détournement de n’importe quelles représentations intrapsychiques ou de n’importes quels affect qui se tiendraient là-devant. Bien plutôt, cela se tient d’un détournement à partir du monde environnant des “choses refoulées” et dans le détournement des choses elles-mêmes. D’autre part, ce détournement est tout autre qu’une action décidée, libre et autonome. Bien plus, il s’agit en ce qui concerne ce détournement, d’un “ne pas pouvoir faire autrement” et en conséquence d’une dictature de la mentalité des personnes qui ont contribuées à l’éducation. Le “refoulant” est toujours soumis à cette dictature de telle manière qu’il est seulement capable d’exister à travers ces formes de comportement sans pouvoir y être en propre. Selon cette manière de ne pas pouvoir se tenir en propre, il ne peut absolument pas devenir conscient de la manière dont il existe toujours comme quelqu’un “guidé par l’extérieur”. (P 145) Egalement un tel devoir-se détourner et un ne-pas-pouvoir-se-permettre-d’en-prendre- connaissance, est cependant seulement possible de quelque chose qui n’est pas encapsulé dans un container intrapsychique, nommé “l’Inconscient”, sous la forme de représentations et d’affects. Il se tient plutôt dans le monde du “refoulant” et cela de telle manière qu’il est “dehors”, dans son lieu. A vrai dire, il faut d’abord reconnaitre que l’étant se tient selon des modalités de présence différentes. Et ainsi entre autre il y a également des étants qui se tiennent selon une modalité de présence de quelque chose qui ne devrait pas exister “proprement”, et desquels on devrait se détourner. De ce fait, de telles modalités de présence ne sont pour autant pas moins dans l’espace mondain d’un étant humain que quelque chose d’immédiatement présent et perceptible par les sens.

Comment un tel “refoulement” se produit-il précisément au niveau des phénomènes névrotiques concrets ? L’auteur l’a déjà largement présenté et développé dans son livre “ Contributions à la médecine et à la psychologie” . De ce fait il n’est pas opportun de le reprendre ici.

De même, à ce moment de notre propos, il est aussi peu nécessaire de reprendre une explication de l’actuelle mécompréhension courante des événements existentiels que l’on nomme : rêver. L’auteur a déjà consacré deux livres pour attirer largement l’attention sur le fait qu’une compréhension du rêve mieux appropriée et essentielle est possible sans les spéculations impossibles à prouver d’un “Inconscient” et sans les suppositions du travail de déformation qui apparemment se déroulent en son sein.

Mais, manifestement, nous avons besoin de nombreuses rectifications urgentes et nécessaires en ce qui concerne toutes ces précédentes théories de la “psychologie des profondeurs”, pour parvenir à une compréhension radicalement novatrice de l’être humain. Une telle manière de penser ne peut pas être la tâche des scientifiques de la médecine et de la psychologie. En effet, ces derniers n’auraient absolument pas pu commencer à chercher, s’ils n’avaient pas eu auparavant déjà une certaine compréhension philosophique de l’être humain, et même s’ils n’avaient pas commencé à y réfléchir pour eux-mêmes. Transmettre une vision essentielle et fondamentale sur un tel sujet est plutôt une tâche pour des penseurs qui ne sont pas des dilettantes mais des penseurs professionnels. ( page 146)On les nomme depuis toujours les philosophes.

Jusques-là, l’auteur a trouvé la base la plus solide dans les visions philosophiques sur le fondement de l’être humain, son monde et celui de leur co-appartenance tel que Martin Heidegger a su le mettre en mots. Il l’a présenté sous la forme principale d’une ontologie fondamentale Daseinsanalytique ou phénoménologique.

Afin de pouvoir prendre pleinement en vue cette compréhension fondamentale, nous avons besoin quant à nous “seulement” d’une attention aiguisée sur rien d’autre que nous-même et notre être-au-monde lui-même. Alors ce qui est se montre de lui-même, de lui-même seulement. Alors il deviendra tout d’abord évident que l’exister humain ne se tient pas dans un “appareil psychique” encapsulé. Bien plus, nous nous trouvons en tant qu’humain toujours déjà situé, (eingeraümt) en rapport à telle ou telle relation à quelque chose, laquelle nous parle à nous, de son lieu dans notre monde, en tant que telle ou telle chose signifiante. Mais notre exister ne pourrait absolument pas se déployer toujours déjà selon telle ou telle relation, s’il ne nous avait pas déjà dévoilé dans la provenance de sa pleine signification particulière ce quelque chose, à partir de là, là où il est. Avec cela, notre exister se montre de lui-même en tant que tel, dans le sens greco-romain pris au pied de la lettre de ce verbe. Cela veut dire que notre être-dans-le-monde se montre comme le se-tenir-hors d’un ek-stare primaire. Etre-au-monde consiste dans cette tenue-hors, dans cette ouverture d’espace et de monde et dans l’étendue universelle de ce pouvoir-entendre-percevoir qui donne les significations de ce qui nous rencontre. De cette manière, l’essence de notre être-au-monde primaire se montre à nous si nous ne nous racontons pas d’histoires.

Cependant à partir d’une telle manière d’être fondé, notre exister ne nous est pas donné comme un plaisir privé. Bien plus, grâce à ce fondement lointain, l’exister serait revendiqué pour cela, pour tout cela, pour ce qui a à être, c’est-à-dire comme servant le lieu du déploiement et de l’apparaitre. Comment par-dessus tout, pourrait-il être quelque chose, présent et venant à l’apparaître, qui ne se tiendrait pas toujours déjà dans l’ouverture d’un monde perceptible, à même la manière d’exister humaine ? (page 147) Sans ouvert, aucun quelque part dans lequel Etre et être–présent. Sans lumière (Scheinen), aucun pouvoir-venir-à-la-clarté de quoi que ce soit.

Pourtant, clarté, éclaircie, ouverture, se donnent toujours ensemble avec obscurité, cèlement et enfermement. L’un conditionne l’autre. L’exister humain lutte en tant que tenue-dans-l’ouvert-d’un-monde du cèlement. Cela signifie que dans cette inaccessible étendue, il lutte pour un lieu qui se tient en tant qu’ouverture-vers-le-monde, tantôt éclaircie et élargie tantôt plus obscure et étroite. La manière dont une existence se tient-dans-l’ouverture-d’un-monde (Weltoffenständigkeit)concret ou dans le cèlement d’une existence, est déterminée par la tonalité (Stimmung) du moment. Chaque tonalité singulière descriptible psychologiquement est à chaque fois l’accomplissement déterminé d’une tonalité d’être fondamentale de l’existence humaine. Mais cet être-intoné lui-même n’est jamais le trait de caractère manquant de l’existence humaine. Dit d’une manière Daseinsanalytique : l’être intoné en tant que tel est un de ses caractères ontologiques, un de ses “existentiaux”. En tant qu’elle est une manière de s’accomplir d’une possibilité ontique du caractère “d’être-intoné” ontologique, la tonalité concrète du moment détermine la manière de se tenir ouverte ou fermée d’une existence. Et avec cela, cette tonalité détermine aussi ce qui est donné et comment cela trouve ou non son entrée dans un tel se-tenir-ouvert-du-monde. Par exemple, une existence intonée par la panique, offre seulement le menaçant comme mode d’entrée dans son monde pour tout ce qu’elle rencontre.Quelqu’un qui est submergé par la panique, prend chaque buisson dans une forêt sombre pour un meurtrier potentiel.

A partir d’une compréhension de l’homme précédante, celle de Descartes qui a servi de parrain à la métapsychologie de Freud, on arrive par le biais d’un saut d’esprit hardi, sur le sol d’une compréhension de l’homme Daseinsanalytique adéquate. Sur ce fondement, la représentation de Freud d’une capsule psychique qui se tient quelque part de manière primaire, ne peut absolument pas apparaître. Encore moins les suppositions de toutes ces choses intrapsychiques imaginées et réifiées qui devraient remplir cette capsule. Dans un point de vue phénoménologique, il ne peut plus être question de représentations intrapsychiques concernant les choses du monde extérieur, ni non plus de sentiments et d’affects, ni de pulsions, ni de processus primaire de la pensée. (p 148) Selon la compréhension phénoménologique du fondement de l’exister humain, celui-ci se tient plutôt essentiellement, et de ce fait toujours déjà, sur l’épreuve d’un pouvoir-de-se-tenir-ouvert-d’un-monde, d’un pouvoir-percevoir, par lequel la pleine signification de ce qui est rencontré à cette occasion se dévoile (aufgeht) et s’attribue à l’existant .

Dans un accomplissement défaillant de l’ouverture humaine, la forme peut se désabriter seulement un peu, et ainsi la plupart du temps, seulement selon une forme distordue et c’est ainsi qu’elle trouve son entrée dans sa lumière. Justement, le plus propre d’une existence humaine demeure là ; non désabrité dans le cèlement. Il ne s’agit pas ici d’un cèlement présenté comme un container intrapsychique -tel que “l’Inconscient” freudien en est une illustration- plutôt un décèlement au sens d’un “sur-humain”, d’un “pré-psychique”, d’une obscurité qui nous est inaccessible. Par cette obscurité tout étant qui soit, tout comme l’homme dans son étance, sera libéré au sein de son désabritement, autant mais constamment, aussi longtemps qu’il est une donation, laquelle demeure traversée d’Être en tant que telle. De ce point de vue, le concept fondamental d’un ”Inconscient” pensé par Freud comme un intrapsychique subsistant, n’apparaît certes pas le moins du monde comme rien. Il apparaît maintenant bien plutôt comme une abstraction particulièrement étroite, psychologisée et objectivée d’un phénomème qui est véritablement là, à savoir le sus-nommé “ grand cèlement”.

De ce fait, une thérapie orientée de manière Daseinsanalytique ne visera plus jamais à faire remonter à l’étage au-dessus, dans un lieu-dit la Conscience, n’importe quelles pensées, représentations, désirs et sentiments, qui, apparemment, seraient cachés dans un autre lieu intrapsychique à cause de vanité ou de gêne, lieu-dit situé en-dessous et nommé “l’Inconscient”. Ce que devraient être des pensées, des représentations et des désirs en tant que pensés en propre comme des formes subsistantes quelque part dans un intrapsychique localisé, aucun psychologue ne sait de toute façon rien en dire malgré le fait qu’il a toujours ces concepts à la bouche. ( page 149) Bien plus, une thérapie Daseinsanalytique met tout en oeuvre pour élargir et éclaircir. Elle se tient dans une sollicitude devançante envers un être humain souffrant, lequel jusque-là se tient dans une ouverture mondaine qui s’accomplit de manière considérablement voilée et restreinte, celle dans laquelle il existait auparavant. L’analysant serait en cela à rendre libre, c’est à dire qu’il puisse se réaliser au coeur de l’espace d’éclaircie de son existance, dans laquelle la vérité de ce qu’il rencontre apparaît dans sa pleine signification. Il faut tenir compte non seulement de ce qui n’appartient pas en propre à l’exister, mais aussi de toutes les possibilités de se comporter en propre vis à vis de ce qui fait encontre et qui constitue l’exister de l’être humain concerné lui-même.

Mais une méthode de soins se méconnait elle-même si elle s’appelle seulement celle des “associations libres”. Il est déjà plus approprié de la nommer méthode des ”idées libres”. Cependant, d’un autre coté ce qui vient à l’esprit ne consiste pas en des pensées, des représentations, des images intra-psychiques subsistantes. Et ce dans lequel elles tombent n’est en aucune façon un lieu intrapsychique subsistant. Bien plus, ce sont les données elles-mêmes et en tant que telles qui peuvent venir dans le domaine d’éclaircie de l’ouverture mondaine qui est devenue plus vaste et plus libre, en tant qu’elle devient celle dans laquelle un homme, autrefois malade, est maintenant capable d’exister . Et de là, de là où elles sont, elles peuvent venir à leur lumière et à leur désocultation ; et cela signifie à leur Etre. Durant une séance de thérapie, les malades font cela bien sûr dans un premier temps selon leur manière habituelle d’être présent.

Un chirurgien peut déjà accomplir un petit service en vue de la libération de son prochain par la façon dont il est compétant pour réparer une fracture du fémur avec des vis et des plaques.Mais la finalité la plus élevée du travail avec un homme souffrant peut être démontrée avec les propres mots de Martin Heidegger. Une telle finalité serait atteinte si un ancien malade “ pouvait se laisser-être intoné aux choses joyeusement et se laisser être dans l’ouverture pour le mystère du sens cèlé de notre époque actuelle. Un tel laisser-être ne serait plus profondement ébranlable” 16. (Page 150) Pourtant il est possible que cette sus-nommée finalité la plus haute de toute thérapie soit mécomprise dans le sens où elle conduirait à la passivité d’une vie auto-suffisante, égoiste, purement contemplative. Au contraire : tout d’abord la tonalité sus-nommée libère un être humain à sa plus haute et plus vaste possibilité d’entendre et de voir, laquelle lui parle à même l’ouverture de son monde. En même temps il perçoit avec cela aussi toujours les propositions qui viennent à lui. Il les perçoit activement et dans la pleine donation de sa propre existence comme réponse à ce qu’il a entendu. Et cela permet à ce qu’il a entendu de devenir, tel qu’il est de par sa nature propre.

Bibliographie :

1 S.Freud, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,BdII/III,p.616ff. 2 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd.VIII,p438/439. 3 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd X,S.p285ff. 4 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd XV,p.92. 5 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd XV,p.76. 6 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd XV, p79. 7 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,BdII/III,p149/270. 8 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd XIII,p.241. 9 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,BdII/III, ;.690. 10 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd XI,p.305. 11 A. Holzhey : Das sogenannte Unbewuste, dans Zeitschrift für psychosomatische Medezin und Psychoanalyse. Göttingen/Zurich. Vandenberg und Ruprecht,1975,21.Jg,H.3,p.287. 12 S.Freud : GW,Image Publishing Ltd, London 1940,Bd XI, p100. 13 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd X,p.265. 14 Idem, G.W., Image Publishing Ltd, London 1942,Bd XI,,p.306. 15 J.P.Sartre, L’Être et le néant, Librairie Gallimard,Paris, 1943, P 91. 16 M. Heidegger, Gelassenheit,G.Nesle Verlag,Pfullingen 1959,P22.


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