www.edithblanquet.org
Accueil du site > Enseignements de Gestalt-Thérapie et phénoménologie, de Daseinsanalyse > Activités de recherche au sein de l’EGTP > 1.4.1 Groupe de lecture "Séminaires de Zurich" de Martin Heidegger > Compte-rendu N°15

Compte-rendu N°15

lecture du séminaire du 14 mai 1965 pages 138-142


Groupe de Carcassonne du 10 janvier 2013

Lecture de « Séminaires de Zurich » par Martin HEIDEGGER éditions Gallimard

Présents : Edith BLANQUET- Marie Christine MISTRAL- Marie SARDA – Denis TOUZET

Nous nous sommes attablés ce soir à la lecture du Séminaire du 14 mai 1965 P 138-142

Le dernier séminaire s’est penché sur la question du phénomène du corps : tentative de nous y tenir au plus près, de mettre de côté toutes nos présuppositions, non parce qu’elles seraient obsolètes, mais avec pour projet de les reconduire aux phénomène dont elles dérivent. Il s’agit bien dans cette démarche de revenir au fondement de notre manière habituelle d’avoir toujours déjà compris, à notre insu ou selon l’évidence, de retrouver le phénomène tel qu’il se montre de lui-même et à partir de lui-même. Ainsi le séminaire commence par reprendre le thème et déjà nous conduit à « faire un pas en retrait », à revenir sur ce que la parole que nous prononçons dit, à ce qu’elle nous donne à entendre et que nous ne prenons peut-être pas suffisamment pas en garde : nous usons du mot phénomène qui lui-même demande quelques éclaircissements. ( belle leçon pour nous Gestalt-thérapeute : apprendre encore et encore à écouter/ entendre/ nous laisser enseigner de nos paroles même les plus banales !) Suivons le fil du propos et sa pédagogie : P 139 : reprenons la question du corps et de l’ici : l’ « ici » ? De quel « ici » est-il là question avec le « corps » ? « Je suis à chaque moment ici » ? Cela veut-il dire un point géographique calculable : je suis à 3mètres 35 de la table, elle-même à 50 cm du mur… Que nous dit « ici » ? Nous allons alors « prendre la mesure » comme on dit, de la profondeur signifiante que nous ouvre ce simple « ici » :
  soit ici s’entend comme un point géographique : une localisation précise et quottée comme lorsque nous regardons un plan de ville et que nous cherchons en premier lieu le rond rouge dans lequel est inscrit « vous êtes ici » ! ouf ! enfin sûr ! bon OK aujourd’hui y’a mieux c’est votre portable qui vous localise sur la carte IGN. C’est cela un ici géographique, mesurable en abscisse et ordonnée.
  Soit « ici » s’entend en une autre manière : « je suis ici » c’est-à-dire toujours et à chaque fois ici, un ici non plus objectivé mais « mien », un ici qui s’apporte/ transporte avec moi, là où je suis…(version la canne siège du pêcheur ?). Être humain c’est être « local », d’être ouvert pour une localité, un ici compris comme foyer de présence. Nous retrouvons ici –ah !?- la distinction géographie/paysage que décline Erwin Strauss à propos e l’espace (voir « Du sens des sens »Million).

« Le corps de l’homme est toujours impliqué par chaque être-ici » De quelle manière ? « impliqué » ? Cette question va nous conduire à distinguer le corps comme Leib et le corps comme Körper : Leib : chair, corps mouvant/émouvant.. « Le verbe s’est fait chair », l’incarné (qui n’est jamais seulement un ongle ! et je mesure que cette plaisanterie me fait toucher au plus près combien il y va de moi dans l’incarnation…la douleur !l’endurance ! ) Körper : corps comme assemblage d’organe, substance étendue, celui que cartographie l’anatomie, la biologie. Le corps physique traduit Körper allemand, le corps traduit Leib dans ces pages. Le corps physique : celui qui a ses limites au niveau de la peau, dedans la peau…est-ce là que « je » suis ? Entouré par la peau de mon corps-physique ? Où est » je » ? Pourtant « je suis ici » indique toujours auprès de…une forme de rapport qui se situe hors de ma peau ? Une différence quantitative ou d’une autre qualité ? La limite du corps-chair ne peut se circonscrire/ mesurer ; elle est qualité. P140. La limite de notre manière d’être corps de chair/incarné est d’un autre ordre que matérielle. Le phénomène du corps n’est pas une chose matérielle ; il nous faut le penser en prenant en compte qui est ce corps –là :

Comment l’homme est-il corps/Leib ? Etre-ici pour un objet se qualifie comme manière d’être-là-devant (Vorhanden) : le verre est là devant moi ; il y est totalement, ainsi il est sur le mode d’être-là-devant. Etre-ici pour un humain : autrement qu’un verre ; je suis là devant toi mais pas de la même manière qu’un verre peut-être devant toi ! Cette manière d’être là concerne l’être humain qui, en aucune façon ne peut être-ici sur le même mode qu’un objet : toujours l’homme est être-le-là ; Dasein. Être-le-là c’est-à-dire pouvoir être et avoir à être. Non pas être totalement déterminé et découvert, mais avoir sans cesse à se donner forme, se com-porter et ainsi à même cette ouverture pour une possibilité d’être, pouvoir laisser venir à la lumière des choses et autres façon d’être. L’être-le-là caractérise la manière dont l’humain est : il est cet étant (une façon d’être mondaine) qui prend en charge son pouvoir être. C’est ainsi que nous pouvons entendre cette phrase : « Le séjour ek-statique au milieu de l’étant éclairci » P 140 cela veut dire être-le-là ou Dasein. L’humain ex-istant ; ek-sistant ; celui qui est ouvert/ auprès, toujours être-au-monde et ainsi qui n’a pas un dedans dans lequel il serait mis comme je peux mettre le vin dans le verre…( où est « je » ?) ; toujours avec-autrui , autre caractère d‘être du Dasein : il se com-porte, il séjourne auprès , telle est sa manière d’être corporel (Leib). Ainsi la limite du corps-chair c’est l’horizon de possibilité d’être dans lequel l’humain se donne forme mondaine. Elle s’in-forme sans cesse et cela ne veut pas dire que je prends des kilos !

P141 Nous allons garder en mémoire que l’être corps/ chair à un rapport particulier au soi. Et là nous allons méditer le rapport dire/ parler : L’homme est celui qui peut dire…c’est à dire ? Dire est-ce parler ? Et parler qu’est-ce à dire ? Pour dire l’homme n’a pas besoin de parler…et même il peut parler pour ne rien dire –ce qui n’est pas moins dire- ! Ainsi dire prend sa dimension de manière d’être corporel/incarné. Le dire excède tout parler . Le parler prend appui sur un dire qui s’adresse et se préserve comme dire.

Poursuivons P 142 : lorsque je vois quelque chose qui voit ? Sont-ce les yeux ? Ou bien toujours mes yeux ? L’œil voit-il ou bien est ce que j’ai des yeux car je peux –pouvoir être- voir ? Toujours avec le corps il y a va de moi/mien et en cela encore mon corps cela dit autre chose que le verre…pensons à ce propos d’une patiente : « la mains je dois sans cesse me rappeler que c’est ma main »… Heidegger va distinguer le transport d’une valise vers la gare et la façon humaine d’aller à la gare et ouvrir la question du mouvement : bouger les doigts et déplacer un verre ? Seul l’humain agit , met en œuvre un geste et produit une geste ( pensez à la chanson de geste c’est à dire celle qui raconte l’histoire de Roland par exemple, La geste de Roland) Un geste n’est pas un mouvement compris comme translation motrice, ou plutôt :le mouvement humain compris comme translation motrice est une forme dérivée du geste. Le corps Körper/ Leib participe de mon pouvoir voir c’est-à-dire laisser apparaître quoi que ce soi.

Et côté psy ? Entendre la corps comme modalité d’être-au-monde, ouverture pour pouvoir être c’est renoncer à toute réduction objectivée et positive…la psychè n’est en aucune manière réductible au cerveau, la manière d’être corporel de l’homme nous convie à prendre la mesure que l’incarnation ce n’est pas une question de viande ! Mais alors également nous ouvre la question : la réalité est elle seulement matérialité ? quand mon patient me parle de sa relation avec sa mère : il est bien là-auprès d’elle, présente ici tout autant que je suis avec lui… Et puis aussi nous pouvons entendre de quoi il en retourne avec ce que l’on appelle « morcellement » mais aussi hallucination… « on parle par ma bouche » « on m’oblige à dire des mots grossiers »…belle occasion de méditer « l’ automatisme mental »…ne plus pouvoir incarner , éprouver la mienneté .


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé| www.8iemeclimat.net|