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0.0.2 Le Gestalt-thérapeute et le titre de psychothérapeute.


Le Gestalt-thérapeute et le titre de psychothérapeute

Rappel du texte de loi

Article 52 Modifié par LOI n°2011-940 du 10 août 2011 - art. 47 (V) « L’usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes. L’inscription est enregistrée sur une liste dressée par le directeur général de l’agence régionale de santé de leur résidence professionnelle ou à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Elle est tenue à jour, mise à la disposition du public et publiée régulièrement. Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel. En cas de transfert de la résidence professionnelle dans une autre région ou à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, une nouvelle inscription est obligatoire. La même obligation s’impose aux personnes qui, après deux ans d’interruption, veulent à nouveau faire usage du titre de psychothérapeute. Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article et les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir les professionnels souhaitant s’inscrire au registre national des psychothérapeutes. Il définit les conditions dans lesquelles les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur agréent les établissements autorisés à délivrer cette formation. L’accès à cette formation est réservé aux titulaires d’un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d’exercer la médecine en France ou d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse. Le décret en Conseil d’Etat définit les conditions dans lesquelles les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations peuvent bénéficier d’une dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique. Le décret en Conseil d’Etat précise également les dispositions transitoires dont peuvent bénéficier les professionnels justifiant d’au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du décret. »

Depuis donc l’été 2011, nous n’avons plus, pour beaucoup d’entre nous, le droit de porter le titre de psychothérapeute. Seuls les médecins et psychologues cliniciens peuvent dorénavant porter ce titre. Lors de la mise en place de cette loi, une clause de « grand parentage » a été retenue, c’est-à-dire que les personnes qui exerçaient la psychothérapie depuis plus de 5 années et qui pouvaient justifier d’une formation en psychopathologie notamment, pouvait se voir accrédités et être considérés comme psychothérapeute. Comme certains d’entre nous, nous avons délibérément choisi de ne pas le demander et ce non pas parce que nous n’avions pas les pré requis demandés mais pour un motif bien particulier : avant de demander un titre, même si nous pouvons y prétendre, il s’agit de se poser la question de sa pertinence et de son efficience.

Explicitons notre position :

Dès le départ nous avons combattu ce projet de loi. Non qu’il ne fallait pas mettre de l’ordre dans cette appellation de psychothérapeute qui était devenue avec le temps un fourre tout exotique où se côtoyaient des personnes vraiment formées et des « pseudo gourous auto proclamés ». Sur ce point, Monsieur Accoyer avait des motifs pertinents pour alerter et envisager un moyen d’éviter les dérives. Où nous n’étions pas d’accord c’est sur la mesure qui a été décidée : ce constat que nous venons d’énoncer, nous l’avions nous même fait depuis longtemps, et, dans le cadre de la société française de Gestalt et du Collège Européen de Gestalthérapie nous avons œuvré depuis des dizaines d’années pour mettre en place des critères de formation ainsi que des critères d’agrément permettant aux usagers d’avoir une références de qualité. Tout ce travail qui portait ses fruits, du moins pour ce qui est de la Gestalt-thérapie ( je pense aussi au travail fait par le SNPPsy) a été balayé d’un revers de main par nos élus, mélangeant sans questionnement des pratiques qui n’avaient rien à voir entre elles et ne se donnant pas le temps de réfléchir avec les divers acteurs professionnels à ce que pourrait être une réglementation ajustée de la profession.

Que dit le titre actuel de psychothérapeute ?

Le titre actuel de psychothérapeute réduit la psychothérapie a une simple technique pouvant être utilisée par des personnes dont la seule compétence en la matière est d’avoir une formation de psychopathologue. Exit le travail sur soi, base indispensable pour quiconque veut un jour accompagner des personnes, exit la formation longue et exigeante à la Gestalt-thérapie, exit toute une éthique du sujet et les valeurs humanistes. Le psychothérapeute selon la loi est un technicien auquel on ne demande pas d’avoir préalablement pris le temps de regarder ses propres modalités de présence, ses manières de penser et établir des valeurs, bref d’avoir comme on dit « travaillé sur lui » dans le cadre d’une psychothérapie comme cela est exigé dans nos formations, parce que cela nous est un pré requis indispensable. De même que la pratique supervisée et le travail de recherche en est un autre, tout au long de l’exercice de cette profession que nous ne pouvons laisser réduite à des acquis techniques. Oui il est des connaissances à assimiler et même à approfondir mais cela ne suffit pas et le niveau d’études ne nous garantit malheureusement pas contre les abus de pouvoir ainsi que nous ne pouvons que trop souvent le déplorer en regardant les nombreux procès aux assises qui visent notamment des psychiatres et autres personnes dont nous ne pouvons pas dire qu’ils n’avaient pas les pré-requis demandés par cette nouvelle loi. Nous pensons que ce titre en son état actuel ne résout en rien le problème pour lequel il a été prétendu qu’il devenait nécessaire : il nous apparaît comme une coquille vide, un texte de plus, produit selon la pensée de notre époque : faire vite, efficace au risque même de perdre de vue ce en vue de quoi nous devons légiférer : la dimension humaine qui ne peut se réduire à des savoirs. Ainsi, ce titre ne recouvre plus rien en quoi nous puissions nous identifier. Si la psychothérapie c’est cela, non nous ne sommes plus des psychothérapeutes. Ce qu’il y a de dommageable dans cette affaire, c’est que le but recherché, c’est-à-dire, protéger les usagers des « charlatans et autres sectaires », est loin d’être atteint, je dirais même plus, que le paysage psy est encore plus opaque que jamais, laissant ainsi libre cours aux individus peu scrupuleux –ou au contraire peut-être bien scrupuleux , mais de leur propre intérêt économique…-. Bien sûr ces gens ne s’appellent plus psychothérapeutes, ils s’appellent Coach, Thérapeutes et j’en passe, et les personnes réellement formées et compétentes se retrouvent encore mélangés à ces derniers, d’autant plus qu’au sein même de nos institutions ( SFG, CEGT) certains se disent psychothérapeutes, ayant obtenu le titre et d ’autres non.

Bref de ce titre nous n’en voulions pas et nous n’en voulons toujours pas tel qu’il est mis en forme. Nous ne nous reconnaissons pas dans un état d’esprit qui finit par devenir procédurier et totalitaire et ne se donne pas les moyens de mettre en œuvre une pensée respectueuse de la dimension humaine tout en y prétendant ! Certes nous vivons une époque où la technique, l’efficace et le stock sont les valeurs dominantes, où « l’empire du management » comme le dit si brillamment Pierre Legendre, conduit à des dérives que nous tentons de dénoncer. Nous nous considérons dans une position de récalcitrance, non pas de contestation par principe mais d’invitation à se donner le temps pour penser…Penser dans le sens de méditer en quelle façon nos paroles nous engagent en tant qu’êtres humains parmi d’autres. Nous sommes Gestalt-thérapeute, ou Gestalt-analyste, c’est selon, et c’est sous cette appellation que nous voulons nous faire connaître et reconnaître.

Rappelons pour mémoire que cette loi ne vise qu’à protéger le titre de psychothérapeute et ne comporte aucune dimension visant à réguler sa pratique. C’est cela qui nous conduit à le considérer, en son état actuel comme une coquille vide. En aucune façon l’exercice de la Gestalt-thérapie n’est visé actuellement par cette loi. De la même façon nous avons décidé de ne pas nous inscrire dans la rubrique des pages jaunes nommée « exercice non réglementé de la psychothérapie » qui nous semble aussi problématique que ce titre.

Gestalt-thérapie, une secte ?

Nous déplorons une telle assimilation qui vide de son sens et la définition de ce qu’est une secte et la démarche propre à la Gestalt-thérapie. nous ne pouvons que vous inviter à vous poser la question et à chercher à la penser.

Si vous voulez approfondir sur ce sujet voici quelques repères : Audition complète de B. ACCOYER le 20/11/2012, pour la commission d’enquête du Sénat sur les dérives sectaires : http://www.senat.fr/rap/r12-480-2/r12-480-210.html

EXTRAIT DE L’ALLOCUTION DE B. ACCOYER fin 2012 : "L’audition de notre collègue Bernard Accoyer s’inscrit dans un ensemble d’auditions auxquelles nous allons procéder au cours de séances successives sur le thème des risques liées à certaines méthodes de psychothérapie et à l’emprise mentale.Il nous a paru souhaitable de demander à M. Accoyer de nous faire part de son expérience, car il a pris part entre 2004 et 2009 à un véritable combat pour encadrer strictement le titre de psychothérapeute, afin limiter les risques que font courir à leurs patients des thérapeutes non qualifiés. Ce que l’on appelle aujourd’hui l’« amendement Accoyer », du nom de son inspirateur, a incontestablement comblé un vide juridique. Il a néanmoins fallu environ huit ans pour que le décret d’application soit publié : nous allons certainement y revenir pendant cette audition." (...) « Les tiers, qui souhaiteraient dénoncer ces mouvements d’emprise, sont décrédibilisés auprès des victimes avant même qu’ils puissent s’exprimer ; le gourou les qualifie de menteurs, de racistes, d’homophobes, de scientistes impénitents, de vendus, etc. Et la victime le croit ! » J’en ai fait les frais lorsque j’ai défendu un amendement lors du débat de la loi de 2004 (les décrets, comme vous le savez, sont intervenus bien plus tard). En 1999 déjà, un psychologue clinicien avait attiré mon attention sur la concurrence déloyale exercée par les psychothérapeutes « autoproclamés ». Etant oto-rhino-laryngologiste et chirurgien plasticien, j’avais eu à solliciter l’avis de psychologues avant de réaliser des interventions. J’ai donc abordé ce sujet sans a priori. J’ignorais que l’on pouvait s’autoproclamer psychothérapeute, accrocher sa plaque et exercer. Or des milliers de praticiens sont dans ce cas. Leur niveau de formation est inconnu et très variable. Leurs patients, qui sont dans une situation de grande fragilité, consultent un psychothérapeute quand ils estiment en avoir besoin car son titre inspire confiance, à la différence du généraliste, qu’ils jugent non compétent, ou du psychiatre, qui pour eux ne traite que les fous. Ces patients sont les victimes toutes désignées de ces psychothérapeutes ! (...) Le monde des psychothérapeutes « autoproclamés » est un monde qui se tient les coudes (…). M. Bernard Kouchner, alors ministre, y (NDR : l’amendement) était favorable, mais son cabinet fut très vite alerté par l’action de cette meute dont les membres se connaissent et se protègent mutuellement, utilisant même le concours de personnalités connues. (…) Heureusement, le Pr Dubernard m’a aidé. Il connaissait le cas d’un boucher de sa circonscription qui, après avoir consulté un psychothérapeute « autoproclamé », en raison d’une dépression provoquée par la concurrence d’une supérette qui vendait de la viande, était à son tour devenu psychothérapeute...(…) Certains sénateurs défendaient les psychothérapeutes. J’ai alors distribué un document vantant la gestalt-thérapie où il était expliqué que les relations sexuelles avec des patients n’étaient pas illégitimes. J’ai convaincu Jean-Marie Le Guen et l’amendement est passé. »

> Autre source : qq extraits avec commentaires critiques (sur les approximations & conclusions hâtives de ces députés)) par un site promoteur des alternatives & argumentant contre les rapports de la Miviludes : http://www.sectes-infos.net/Accoyer_audition_Senat_2012.htm Rapport 2013 du Sénat / dérives sectaires Important que nous nous tenions informés de ces commissions qui orientent le regard politique (confus) et donc l’avenir de la réglementation de notre métier, puisque ce rapport rappelle les obligations légales de la formation, promeut le renfort de la réglementation et du contrôle des psychothérapeutes, et souvent.. risque l’amalgame des thérapies en citant parmi les dérives l’approche gestalt (cf. rapports passés de la Miviludes*). La confusion a-t-elle évolué avec l’arrivée de la gauche et d’un nouveau directeur de la Miviludes ? Pas sûr au vu de ce qui suit (extrait d’article de presse). Sénat ou Miviludes, mêmes amalgames. Et toujours plus de recommandations pour l’évaluation des pratiques que seul permet le renforcement de procédures avec les cases dans lesquelles notre pratique ne rentre pas ! Des surveilleurs à surveiller donc… sd


>> Le Rapport est ici : http://www.senat.fr/rap/r12-480-1/r12-480-11.pdf RAPPORT FAIT au nom de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé : > Page 212 : « Onze propositions pour mieux connaître et encadrer le recours aux pratiques non conventionnelles, contrôler l’activité des psychothérapeutes, renforcer l’accompagnement des patients et rendre plus rigoureuse l’évaluation des pratiques non conventionnelles » > Page 235 : "Liste des personnes auditionnées" Toujours intéressant de voir auprès de qui ces constats et recommandations prennent leur inspiration. A noter : B. Accoyer fait partie de cette liste. Audition du 20/11/2012. Ca doit pouvoir se ré-écouter sur le site de LCP/Public Sénat. Voir ici les auditions, dont en page 1 la scientologie et le reïki par ex. + les pages jaunes auditionnées en page 2 mais rien sur l’audition de B.Accoyer) > Auditions vidéo (cette page et 5 suivantes) : http://videos.senat.fr/video/commissions/commSECT-p1.html ) > Pages 292 à 295 : « Obligations des organismes de formation »

> Extrait de l’article des Inrocks : « Serge Blisko, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a évalué le nombre de “ces pratiques étranges” à 400. Une liste un peu fourre-tout où l’on trouve aussi bien l’acupuncture que les “constellations familiales et systémiques”… Tout au long du rapport, il n’est pas aisée de percevoir si les sénateurs opèrent une réelle différence entre médecines dites alternatives, rebouteux, escroc-charlatans et vrais gourous. » Source : www.lesinrocks.com/2013/04/19/actualite/letrange-portrait-robot-du-gourou-therapeute-11387321/ * Site de la Miviludes (leur dernier rapport en ligne date de 2010) : www.miviludes.gouv.fr/