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"L’existant" partie 3


CR11 Rappel : - Fusorgue : se soucier en vue de l’autre (la sollicitude) se tenir dans le souci l’un à l’occasion de l’autre. - Besorgue : se soucier de calmer sa propre inquiétude face à l’autre ; du coup, cela revient à faire pour lui et par là, à le déposséder de son avoir à être lui même.

La théorie du self nous permet de regarder l’entrée en présence. L’entrée en présence a à voir avec la temporalité : c’est venir là dans le présent. L’article de Maldiney ne parle que de cela. Entrer en présence, c’est ouvrir le temps, c’est venir à sa présence. Le temps n’est pas quelque chose qui nous dépasse, c’est quelque chose qui a à voir avec l’être, avec le fait que nous avons à être, que nous avons à donner du sens et nous donner sens (Gestaltung de soi au monde). Avoir à être, c’est être tendu vers l’a-venir, vers le next de la gestalt – le juste après. Nous pourrions définir la temporalité comme : dans l’instant où je suis, je suis sous l’horizon de ce que je suis été et tendu vers mon à-être. Ce sont des ek-stases, c’est pourquoi j’existe. Ek, c’est en dehors d’une stase, d’une pose.

Dictionnaire historique Le Robert : - extase : emprunt au latin ecclésiastique extasis, ecstasis "fait d’être hors de soi", d’où "stupeur", "transe" lui-même emprunt au grec ekstasis "déplacement" et "égarement de l’esprit, ravissement".

Tenir l’être et non la pose (Maldiney) vient détruire la notion d’intériorité, puisque de ce fait là, il n’y a pas un lieu où je peux être posé : je suis toujours tendu vers ce que je vais devenir, ce que je suis déjà en voie de devenir (la forme en voie d’elle-même). Chez Heidegger et chez Maldiney, c’est l’à-venir qui occupe une place particulière, l’à-venir étant l’horizon de ma mort, cet à-venir est le plus certain et c’est aussi le plus inqualifiable puisque je ne peux connaître la mort qu’à condition de ne plus exister et que ma mort est toujours à venir : je ne sais ni où ni quand ni comment… Les mélancoliques ont un problème avec la temporalité : chez eux, tout est déjà joué, c’est un passé qui sans cesse revient comme un avenir (si j’avais su –futur antérieur). C’est une façon de figer autre que le délire, la mélancolie est une forme délirante. Biswanger, reprenant Husserl, parle de protentio : temps vers l’avant, le juste après ; présententio : c’est le juste présent ; rétentio : c’est le juste passé. Pour lui, chez le mélancolique, la protentio est infiltrée de rétentio. Le problème est alors que la classification protentio/présententio/rétentio énoncée comme cela, ouvre la possibilité de rater la notion d’ek-stase puisqu’il pose que le passé pourrait rentrer dans l’avenir.

Dans l’instant où j’entre en présence, je me choisis. L’instant, c’est de l’ordre du kaïros pas du présent (chronos). Dans l’histoire de la philosophie, la présence est associée à la durée et donc à la substance, cela pose l’idée que je pourrais durer dans ma présence. Alors que si on prend cela du coté de l’a-venir et de la temporalité ek-statique, on vient au venir-à-soi-toujours-sans-cesse de Kimura Bin. Dans l’instant de ma présence, je reconduis ce que je suis été, qui est le passé authentique (Heidegger : ce n’est pas avoir été, c’est je suis été). C’est dans l’instant que je reconduis qui je suis été vers la possibilité d’après qui n’est pas prévisible : cela « se met » en même temps, simultanément ; il n’y a pas un passé derrière et un avenir devant. Le passé est toujours reconstruit à partir de l’avenir et du présent. Il est toujours réinventé maintenant et ensuite. Ce n’est pas un stock : la conscience n’est pas un récipient dans lequel il y aurait des choses stockées ou un disque dur…. Si, moi cliente/patiente, je te parle en évoquant un ailleurs ou un passé à toi thérapeute, c’est ma façon de te dire quelque chose qui se traduit là entre nous, d’exister ainsi à ton occasion. Soit toi, thérapeute, tu le prends comme un passé ailleurs et tu ne t’impliques pas, tu interroges le contenu, sans l’entendre comme un dire qui t’es adressé et qui se tisse à ton occasion, soit tu te situes dans "qu’est ce qui ce passe là ?", "qu’est ce que tu me dis qui se joue là maintenant ? ». Le souvenir est inventé pour l’autre comme souvenir et est une manière de se donner forme à cette occasion. C’est pour cela que le souvenir change suivant l’environnement ou l’époque où il est remémoré.

Bibliographie : Ecrits de psychopathologie phénoménologique Kimura Bin, traduit par Joël Bouderlique, postface de Henri Maldiney, PUF 1992

L’éloge de l’ombre (roman) Tanizaki

Stupeur et tremblement Amélie Nothomb (roman) Alain Corneau (Film)

Réification : chosifier, figer. Res c’est la chose (res–publica). Réifier c’est substantialiser, localiser et ne pas dire le mouvement. C’est s’arrêter sur l’étant et ne pas traduire l’être, oublier son mode d’être tendu vers. Logos veut dire en revenant au sens grec, « cueillir » et « rassembler », « donner forme par l’acte de l’appellation », « donner visage par l’acte de l’appellation », "faculté humaine de penser et de parler". Le sens moderne a traduit logos par « science », de « logique », de « savoir », de « l’accumulation de savoir ». Pour qu’il y ait de l’être, il faut qu’il y ait de l’étant, et nous ne pouvons pas dire l’être sans dire l’étant et quand nous disons l’étant, nous oublions l’être. L’être est le fondement sans fond, le fondant non fondé, c’est pourquoi Heidegger parle de fondement abyssal, ce qui est un paradoxe : quelque chose qui sert de sol mais qui n’a pas de sol. D’où l’image de la marche : le sol survient quand je bouge, il advient lorsque je pose le pied, il n’y a pas de sol préexistant. Le déploiement du self en mode personnalité peut se comprendre comme un sol, une création de sol qui est indispensable pour exister à condition de l’articuler car si le self se déployant en mode personnalité n’est pas co-tendu en déploiement en mode ça ,on peut en venir par exemple au délire : le délire étant une interprétation toujours figée, une projection de signification non articulée à la situation survenante ; par là, je ne m’approprie pas ma venue en présence ; je m’éprouve alors comme assigné à un monde de significations que je subis. Le déploiement du self en mode personnalité devrait toujours être articulé avec son déploiement en mode ça pour qu’une survenue en mode ego advienne au moment où je deviens ce que j’énonce (je me décide pour cette signification là de moi au monde). C’est le surgissement des trois qui crée l’ajustement créateur. Nous pouvons penser que les clients/patients qui nous consultent ont eu des ajustements créateurs biaisés, c’est à dire qu’un ou plus des trois modes était non présent ou faible, ce qui pourrait expliquer que ces ajustements créateurs lors de l’enfance ou de l’adolescence se soient figés et demeurent toujours opérants à l’âge adulte. Mais une telle conception classique en Gestalt-thérapie n’est pas sans poser problème dans une posture phénoménologique et selon un point de vue de champ, puisqu’elle repose sur une conception de la temporalité non en cohérence avec les principes de champ (notamment principe de contemporanéité, de processus changeant et de radicale nouveauté).

Dans une projection pathologique, je perds de vue que c’est un point de vue, une possibilité et me tiens dans l’évidence que c’est une vérité à laquelle je suis soumis. J’ai donc un sol, mais un sol biaisé. En terme pathologique, il y a un défaut dans la temporalisation de soi, je ne peux pas assumer une entrée en présence et, donc, je suis pris dans un monde de significations que je ne m’approprie pas et qui ne m’approprie pas. Si nous essayons de convaincre un délirant, nous ne faisons qu’opposer « un délire à son délire ». Nous produisons une projection figée, (projection qui veut se poser comme vérité face à ce que le délirant affirme) et nous nous arc-boutons sur notre projection de la même façon que lui s’arc-boute sur la sienne, face à l’angoisse à laquelle cela nous convie d’éprouver notre solitude et notre liberté . Au lieu de se tenir dans le pathique de la situation, dans l’angoisse que peut ouvrir alors son délire, on s’accroche à une définition de sens. On bascule d’une ouverture des possibilités à une seule et unique possibilité que l’on pose alors comme vérité seule entendable. Nous basculons de la possibilité à l’effectivité. Heidegger, dans le début de "Etre et temps", écrit : « l’être s’oublie ». Ce n’est pas qu’on l’oublie dans un tiroir, c’est qu’il est dans la nature ou bien de l’essence (si tant est que ça soit une essence) de l’être de s’oublier. Nous avons toujours tendance à figer, nous avons aussi besoin d’être dans l’évidence des choses sinon nous sommes dans l’étrangeté radicale –comme les psychotiques.

Ce qui précède attire l’attention sur l’aporie qui consisterait à dire : " Il n’existe pas de différence entre le délire et une construction de sens" ou encore " tout le monde délire" et bien NON ( comme l’eau ferrugineuse…..) tel n’est pas le cas . aussi à quoi reconnaît-on un délire ?
-  un délirant est accroché à sa possibilité de sens et ne peut en ouvrir une autre
-  un individu sain peut proposer une projection et peut tout aussi en ouvrir une autre voire plusieurs autres Le délirant construit un monde dont les choses ne sont destinées qu’à un seul usage, un seul point de vue et dans tous les domaines. Le délirant est pris dans une construction de sens - dans un réseau de sens - il est généralisé. C’est cette généralisation qui caractérise le délirant. Cette construction de sens il ne la reconnaît pas comme son propre ; la capacité de s’approprier est défaillante (s’approprier = déloigner, aiguiller ; ouvrir le monde comme mode de me rapporter à et par là ouvrir mon propre site). Dans la projection je peux prendre conscience que c’est mon point de vue. L’idée délirante est une vue objectivée…non appropriée.

Quand Maldiney parle de transpassible et du transpossible, cela a à voir avec la possibilisation de soi qui est une manière de se temporaliser. Pour Heidegger, l’être humain n’est pas déterminé dans ses comportements, il n’est pas un être conditionné comme l’animal peut l’être. Du coup, son comportement est de l’ordre de la possibilité : il peut être ceci ou cela, il peut faire ceci ou cela (ce ceci ou cela n’étant pas une possibilité signifiée mais une ouverture insigne). Heidegger dit que l’animal est pauvre en monde, c’est à dire qu’il est pauvre dans ses capacités à donner du sens (le monde est l’ensemble des significations).

Le passible, c’est ce qui m’est donné en tant que je l’accueille. Toutefois, le "donner" pur - le donner lui-même - je n’y ai accès que par où je le reçois. Il y a toujours excédance du "donner" par rapport à ma capacité de recevoir.
-  Il m’est donné d’être au monde et de comprendre quelque chose, mais comprendre n’est pas raisonnable.
-  Je suis passible de ma présence corporelle -mondaine- et cette présence mondaine, je la reçois activement.
-  Quand je la reçois, je la filtre, je l’in-forme littéralement, je la traduis en langage, en possibilité de sens. Quantitativement, je suis toujours en deçà des possibilités existantes. Plus justement : les possibilités que j’in-forme rationnellement en quelque sorte sont toujours en deçà de l’ouverture ek-statique « de », « à » mon être ; la possibilisation ou le transpossible n’est pas réductible aux possibles signifiants que je peux in-former. Le possible n’est pas de l’ordre de la rationalité. Reprenons donc : Le passible, c’est ce qui m’est donné en tant que je l’accueille. Et quand je l’accueille, je ne suis pas à (tout) ce qui m’est donné- je suis à ce qu’il m’est donné -d’être- que par où je le reçois, c’est à dire par où j’y suis. Ceci remet en question la notion d’état actif et d’état passif. Classiquement, il y aurait un état actif qui serait de faire quelque chose, et un état passif qui serait de ne rien faire. Or le passible, c’est être vibrant, ce n’est pas un "faire". Etre passible = être en situation de recevoir, c’est à dire accueillir, ce qui implique une certaine activité (recevoir ce qui m’est donné)...mais il s’agit d’une « manière d’être en train de s’accorder à quelque chose ». C’est toujours une façon d’être présent à. Je ne suis jamais neutre. Et même subir est une manière d’endurer, de recevoir… Dans le cadre de la théorie du self, cela nous renvoie au déploiement du self en mode ça.

Le transpossible, c’est endurer l’ouvert (être-au-monde ; l’ouvert de la possibilisation de soi qui n’est pas une liste de possibilités réflexives) pour informer peu à peu des possibilités signifiantes ou pour qu’une forme ajustée survienne peu à peu, forme de ma venue en présence ; c’est ouvrir, ouvrir, ouvrir au-delà de tout ce que je peux raisonner. Quand Husserl parle de l’épochè, de la réduction phénoménologique, il en vient à l’idée d’un ego transcendantal. Il en vient à dire que le monde est une création du sujet qui le dépasse, or ce que le sujet crée, c’est le sens, par où il est et ce sens lui est déjà donné (avoir et être un corps). Le monde nous est donné, nous avons toujours une façon de le comprendre (être com-pris ; pris avec) qui n’appartient pas à la raison, ce n’est pas quelque chose de l’ordre du raisonnable : cela a à voir avec le transpassible, je suis passible de ma présence, de ma corporéité. C’est un état d’être qui m’échois et qui dépasse tout ce que je peux en faire ou en dire. Ce n’est pas quelque chose que je décide et que je construis, ce n’est pas le produit de ma raison ; nous sortons de l’idée, énoncée d’une certaine façon par Husserl, selon laquelle c’est l’être humain qui construit tout, qui est tout puissant. Chez Heidegger, nous sommes conviés à une position d’humilité : j’accueille le monde par où je peux le percevoir et je lui donne un sens en l’accueillant. Accueillir est une activité passive et active (passible et possible). Ce qui n’est pas sans nous faire penser au mode moyen du déploiement du self en mode ego de la Gestalt.

Le sens du "entre" : Soit je le prends dans le modèle Buber, un Je qui va rencontrer un Tu, un Je pré constitué, un individu. Soit je le prends autrement : il y a surgissement d’une frontière contact, c’est à dire une différenciation au fur et à mesure de la prise en conscience, de l’entrée en présence (le terme frontière contact n’est peut être pas très juste ?). Le rapport moi - monde est toujours un rapport de différenciation. Ce n’est pas un moi et un monde, ça c’est la conception classique, dualiste de la philosophie : l’être humain est un individu pré-constitué, situé dans un monde géographique. Avec Heidegger, avec Maldiney, le monde n’est pas un monde géographique, c’est un monde de la signification. Ce n’est donc pas une chose étendue –la res extensa- la définition du monde de la physique classique. Le sens grec de « physis » renvoie au jaillissement. Heidegger dit que le Dasein monde le monde, c’est à dire je suis toujours en train de donner du sens au monde, de le comprendre par où j’y suis. (Page 307) C’est le même d’être l’ouvreur d’un projet de monde et d’être à soi : d’un monde sous l’horizon duquel la présence transcende tout l’étant, d’un soi dont le "à-être" est ce à dessein de quoi elle ex-iste. "Etre l’ouvreur d’un projet de monde" et "être à soi". Il n’y a pas de rupture entre moi et un monde, ce qui est important, c’est le rapport de tension moi-monde qui ouvre, tisse une frontière contact dans le moment même où je le nomme et lui donne du sens. C’est moi qui me différencie de toi et ce simultanément. Si je suis tendu vers mon à-être, « soi » c’est ce que j’ai à-être, ce n’est pas moi. Si je suis à soi, je suis au monde : je suis dans un rapport qui va nommer du sens et des situations, qui va créer ça. Le monde est le réseau des significations, c’est un réseau de conjointure mondaine : je signifie le monde pour que je m’y retrouve en réseau familier à partir de mes allées et venues, de mon agir. J’ai une idée de comment les choses s’organisent, j’ai une façon d’organiser le monde. Il n’y a pas alors de relation entre un Je et un Tu, il y a en même temps, simultanément, surgissement d’un Je et d’un Tu. Ce n’est pas qu’ils existent et qu’ils rentrent en relation, ils se différencient en advenant. Le modèle de Buber est individualiste : le Je-Tu dialogal.

Je monde le monde : je le constitue comme un monde à même ma présence survenante. Je "monde" est un néologisme traduisant un mot allemand « Weltlich » qui veut dire « mondialisant ». C’est la mondanéisation ou la mondialité, selon les traducteurs, de Heidegger, la façon de constituer un monde. C’est un existential, une structure de l’être. L’être est mondialisant : il ouvre du monde, il est ouvreur de monde. L’ouverture du monde a la forme d’un projet, d’être jeté en avant, tendu vers l’à-venir et l’on retrouve le temps…ici le projet est le jet devant et non le projet au sens usuel du mot.

CR12

Différence entre obsession et phobie :
-  le phobique est phobique en présence de l’objet - il a, par contre, un objet contra phobique. Le phobique peut être dans la relation à l’autre puisqu’il est ouvert à l’objet contra phobique ( le thérapeute peut être le support de cet objet contra phobique, le thérapeute peut devenir objet contra phobique…et de là, travailler à devenir un autre. )
-  l’obsession se développe sans présence de l’objet, elle se développe et s’enrichit dans des zones proches du délire L’obsessionnel n’est pas dans la relation à autrui. Avec lui, il n’y a pas de rencontre. Ce qui est difficile avec l’obsédé = qu’il puisse auprès de moi trouver sécurité…il se rassure dans ses rituels, dans le faire et l’être avec autrui n’est pas rassurant…il est capté par les ob-jets.

Le Dasein, c’est « être-le-là » - le lieu non localisé- ce n’est pas un ici. Etre là, c’est l’étant.

(P 307) C’est le même d’avoir ouverture au monde et d’être le là de tout avoir lieu . Le Dasein existe son là (il existe hors d’un site), cela veut dire : le monde est là. Le monde m’est donné. Je séjourne toujours dans un monde qui m’est donné et que j’ai toujours déjà pré-compris. Je suis toujours au monde. Le monde ici, n’est pas un monde - un lieu géographique - mais un monde de possibilité de sens. Je suis toujours en train de donner une forme et un sens et ce, en dehors de ma conscience délibérée. Mon rapport au monde n’est pas de l’ordre de la topique des lieux au sens res extensa mais de l’éthos, du séjourner auprès. " C’est le même d’avoir ouverture au monde et d’être-le-là de tout avoir lieu. Le là est le pivot de la compréhension du monde " Le là est le point de tout ce qui a lieu. Etre ouvert au monde – et même ouvreur d’un monde- est la même chose qu’être le là.

On pourrait aussi le dire de la façon suivante : Ma présence corporelle - le corps que j’ai - est le pivot de ma présence - le corps que je suis - lieu incontournable et pourtant inaccessible. Mon corps serait le locatif absolu : la condition de possibilité de tout avoir lieu pour moi.

(P 307) Le là est le pivot de la compréhension du monde : comprendre le monde, (com – prendre, au sens étymologique et non au sens intellectuel du terme) c’est exister, c’est une façon d’exister, être pris avec et le là est le pivot de ça…. Car quelque soit la situation où je me trouve, c’est toujours moi qui l’éprouve et lui donne forme. Et je ne pourrai jamais épuiser toutes les possibilités de sens. Le monde n’est pas objectif - il n’est pas objet que je puisse partager- le monde est toujours mon point de vue. Cela nous ramène à la notion de Mienneté (de qui vous savez ……) On pourrait dire que le là est la note théorique effective que l’on n’attrape jamais et à partir de laquelle pourtant on se réfère, à partir de laquelle un orchestre s’accorde.

(P 307) " Voilà le sens de l’appel qui l’interpelle au sein du "on" pour lui faire entendre qu’il a à être soi, au péril de l’être, et à abandonner la familiarité du ON" Le "On" caractérise le mode d’existence de la quotidienneté, quotidienneté médiocre car la plus fréquente, c’est le mode inauthentique (ou impropre ; uneigentlich) (inauthentique = un mode de se rapporter à l’être ; il existe sans s’occuper de qui il est ...mais il s’occupe de quoi il est… et de quoi il fait) Je vis, je subis ce mode, je ne le choisis pas vraiment. Nous sommes le plus souvent dans le quotidien et à un certain moment nous devons prendre conscience, nous sommes convoqués à poser un choix, à nous décider pour une possibilité d’être nous même. Voilà le sens de l’appel. Cet appel me convoque à ma présence, il appelle l’être-là pour l’amener à être-le-là, à tisser l’événement de sa propre présence.

(P 307) Le ON n’est pas le là de ce qui se pro-duit, y compris lui-même. Il est jeté dans l’épaisseur sécurisante de l’anonyme, sans avoir reconnu sa facticité comme telle Il faut entendre facticité par : le fait brut d’être vivant ; c’est un fait … et Pro -duit par :diriger vers pro- avant- c’est le même sens que projet. Le "on" n’est pas le là de ce qui se pro-duit, se pro-jette ; le "on" fait comme si ce qu’il vit était décidé par d’autres … c’est le mode le plus habituel de l’être humain. Donc le "on " n’est pas le là de lui même. En termes de Gestalt, on pourrait dire alors qu’il n’y a pas de déploiement du self, pas de figure qui se clarifie.

(P 307) Elle ne peut l’être (la facticité reconnue comme telle) que dans l’appel qui "brise l’écoute du On " et "éveille un autre entendre". C’est quand le thérapeute ouvre de l’étonnement… qu’il suspend ce qui allait de soi chez son patient, qu’il coupe l’évidence et donc le re-convoque au "choisir". Cela ramène le client/patient à sa facticité. Cet appel est silencieux, il saisit, il brise le On pour ramener au soi. Cela stoppe tout le bruit de ce que je sais pour ouvrir au "je ne sais pas"… ouvrir à l’angoisse. Ceci nous ramène à la notion heideggérienne du "parti pris d’y voir clair en conscience" …ou d’avoir à donner du sens. C’est ce que nomme Maldiney par :" la dimension éthique de l’existence " (p307-308) Ethos : le séjour de mon existence. Cela touche donc le sens de mon existence, les valeurs qui la fondent. L’éthique relève d’un autre langage que celui de la connaissance rationnelle. Le langage qui dit " l’objet", échoue à dire" l’être" et la dimension éthique .Le langage butte sur ce point, c’est l’appel qui ouvre à la dimension éthique, c’est un appel à être, appel silencieux, c’est le "tais toi… laisse venir… "

(p 308) Rien n’est aussi difficile à définir que le là parce que, locatif absolu illocalisable,… Le là est le principe qui permet de dire tous les lieux mais il n’est pas le lieu. Je ne peux l’atteindre que par le comprendre. Le comprendre n’est pas un attribut de ma capacité à raisonner. C’est l’ouverture des possibilités de toutes les possibilités ; c’est la possibilité qu’il y ait des possibilités. Je le sens, je ne peux pas le dire, je ne peux pas l’attraper. Je suis alors dans le comprendre. Ce n’est pas intellectuel, c’est plus un "éprouvé" qu’un "pensé" et c’est plus encore la possibilité d’éprouver.