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"L’existant" partie 2


Voici la suite de nos échanges….

CR10 De P305 à 307 …

Dans la théorie du self, l’important n’est pas la signification que je donne (ex : je suis triste), mais c’est l’acte par lequel je me pose = la venue en présence. C’est au cours de l’élaboration de signification (déploiement du self en ses divers modes) qu’un je, peu à peu, advient en tant que lui-même ainsi situé et signifié. Venir en présence, c’est alors tisser la Gestaltung. C’est une construction de figure que le thérapeute va interroger (comment s’est construit cette figure) et toujours remettre en abîme, reconduire au next.

Par exemple, pour interroger cela, le thérapeute va s’appuyer sur les verbes d’état que le patient utilise pour les reconduire à cette situation particulière en voie de sa forme. Par exemple, quand le patient dit : « je suis triste » (déploiement du self en mode personnalité) le questionnement du thérapeute peut être : « comment ça te fait quand tu es triste ? » Il s’agit de solliciter le déploiement du self en mode ça, de revenir à ce qu’il lui est donner d’éprouver. C’est remettre constamment en question la construction de sens, l’enrichir en sollicitant le déploiement du self en mode ça et en mode personnalité : procéder par identifications et aliénations successives. Sinon, on est dans l’imaginaire, dans une histoire qu’on se construit. On peut penser que chez les psychotiques, c’est beaucoup de cet ordre-là.

Le pouvoir être de l’être-là : c’est être le-là, ce qui nous renvoie en Gestalt- thérapie à la notion de consciousness (ouverture des possibles) différemment de : awareness = éprouvé = être-là (passible). Etre-là n’est possible que par le fait de transcender = sortir de la facticité (fait brut de la présence corporelle / avoir un corps sans l’habiter). Transcender renvoie à s’in-former : différencier un moi et un monde par l’acte de l’élaboration signifiante.

En Gestalt-thérapie, la présence, c’est être à la fois aware et conscious.

La présence, c’est être soi et être au monde en même temps, ça surgit, ça vient… lien avec la notion de frontière contact en Gestalt-thérapie.

La présence = awareness (éprouvé ; ce dont je suis passible de par cette donation corporelle qui m’échoit) + consciousness (Ouvert à d’autres possibles afin d’enrichir le processus identification/aliénation).

En psychothérapie, il ne nous est donné à voir « les fermetures » (reprise du mot de Maldiney) (non actualisation de l’entrée en présence, c’est à dire une projection de signification ou, en termes gestaltistes, le déploiement du self en mode personnalité non suffisamment articulé au déploiement en mode ça). Ce sont ces fermetures que nous comprenons comme attribution non délibérée de signification qui nous servent d’indicateur du sens de l’entrée en présence du patient. Pour que le patient et le thérapeute soient présents l’un à l’autre, le thérapeute va d’abord l’accueillir là où la rencontre est possible (fermetures : les significations posées comme évidences), le reconnaître là où il est (awareness), pour pouvoir ensuite l’aider à s’ouvrir à d’autres possibles (consciouness). Le psychothérapeute doit soutenir ce qui ouvre, c’est-à-dire la façon d’exister à du patient, que nous pouvons entendre comme une fermeture (au regard des diverses possibilités pour signifier ce qui advient là) mais qui peut aussi se comprendre comme sa façon d’entrer en présence, donc une ouverture. C’est pour cette raison que l’on parle de modalités de soutien plutôt que de mécanismes de défense, puisque c’est une façon d’entrer en présence.

En lien avec la théorie du self, nommer quelque chose c’est à la fois une fermeture et une ouverture au regard des possibilités d’être car c’est le résultat du processus identification à / aliénation à. En Gestalt-thérapie, notre travail sera de mettre en évidence ce processus par lequel le patient va entrer en présence (ex de projection de signification) en vue d’élargir le champ des possibles, ce que en gestalt-thérapie nous nommons : processus d’identification à / aliénation à. Cela se fait par l’invitation du thérapeute à reconduire la projection de signification à l’éprouvé (awareness) afin de s’ajuster à la nouveauté.

Ce que l’on va retrouver, typiquement, dans les psychoses, est une défaillance de l’entrée en présence c’est-à-dire : effondrement de la conscience de moi et du monde. Plus rien ne va de soi, plus rien ne fait sens, c’est l’angoisse de morcellement.


Nous avons ensuite parlé de la théorie du champ : le champ est un ensemble de principes que nous adoptons et qui nous servent d’appui pour comprendre ce qui survient : c’est une inférence, un paradigme. Prenons un détour : si je veux jouer aux échecs, j’accepte les conventions qui définissent les possibilités de jouer. Si je me tiens du point de vue du champ, j’adopte certains principes pour formuler et comprendre (principe de contemporanéité, de possible rapport pertinent, de processus changeant, de singularité, de radicale nouveauté). D’un autre point de vue, je peux définir une situation selon les principes du paradigme de l’individu. Ce sont deux modes de voir et comprendre. Chacun a sa cohérence, sa logique (au sens de legein). Il nous semble que ce que Maldiney développe, dans une lignée Heideggérienne, ne peut se fonder que dans un point de vue de champ. Selon ce point de vue, le self n’est pas l’individu mais l’hypothèse des moments de la Gestaltung : l’hypothèse de comment une signification de moi au monde peu à peu se tisse.

En m’appuyant sur les principes du champ, je vais comprendre d’une certaine façon la situation thérapeutique : situation que je co-crée à l’occasion d’’ autrui. C’est comment je vais m’inventer dans la situation en donnant du sens. Là apparaît la théorie du self, puisque le self est l’hypothèse pour le Gestalt-thérapeute de comment une signification se construit. A la différence des philosophies classiques où le monde existe comme réalité pré-posée, je pars de l’idée que toute conscience est projet du monde, ce qui est tout à fait articulé à la notion de l’intentionnalité de Husserl. C’est la différence entre l’attitude naturelle et la réduction phénoménologique qui est une démarche de prise de conscience de mon pouvoir de signifier : je suspends tout jugement pour reconduire la construction de sens, pour réaliser que le monde est une construction. Le transpassible chez Maldiney, c’est le il y a qui m’est donné, par où j’y suis, par où j’adviens. En terme gestaltiste, la transcendance c’est construire une figure : Gestalt. La transcendance est l’opération par laquelle du vivant que je suis, je vais devenir un existant. Exister, c’est accepter que je ne sois pas réductible à mon corps biologique mais que toujours, je me pose la question de qui je suis. C’est ça transcender. Maldiney parle du transpassible car le monde m’est donné – ce n’est pas quelque chose que j’invente de toute pièce, que j’idéalise - mais il m’est donné dans une compréhension que j’avais déjà, sans la prendre en conscience. Prendre en conscience, c’est construire du sens, ce qu’on appelle en gestalt "construire une figure" ; c’est à dire ouvrir une direction de sens, actualiser un self, un devenir soi-même au monde. C’est tout ce processus là. Je ne peux pas prendre le self comme un individu, ça ne fonctionne pas : le self est une direction de sens. En allemand, la Gestaltung est la façon dont quelque chose apparaît. En terme phénoménologique, c’est construire un phénomène. La théorie du self est la façon dont nous, gestaltistes, allons appréhender la manière par où nous pouvons regarder la construction d’un je au monde, d’un sens à la construction d’une histoire. Le self est un processus : c’est la façon dont quelque chose de la présence s’ouvre, dont quelqu’un se porte à sa présence par la donation signifiante : ou Gestaltung. Présence et existence, c’est pareil. Entrer en présence nous semble plus approprié que présence, car c’est un mouvement (temporalisation) qui est toujours reconduit, ça dit beaucoup plus le mouvement du temps ; c’est comme contacter plutôt que contact, Gestaltung par rapport à Gestalt. En tant que gestalt thérapeute, le sol de la phénoménologie est : comment un phénomène de monde prend forme ? Comment nous pouvons l’interpeller ? Le lire ? Pour le mettre au travail puisque nous n’allons pas donner de la signification à l’autre ; c’est chacun qui doit construire du sens de ce point de vue là. Nous allons participer à interroger la façon dont le patient – et moi à son occasion - construisons une forme mondaine pour lui et me permettre de regarder par d’autres points de vue. La théorie du self nous permet de regarder l’entrée en présence par l’acte de l’élaboration formelle, de la questionner car la théorie du self ne donne pas de réponse, d’explication. Elle ne dit pas le sens mais elle vient questionner la façon dont le sens se constitue, c’est en cela qu’elle est directement liée à la phénoménologie et à cette fameuse posture de l’époché ou de la réduction transcendantale de Husserl.


Dans le détail du texte de Maldiney :

(Page 306) Un soi s’apporte lui-même en se portant à soi. Cela rejoint, nous semble-t-il, le "venir-à-soi-toujours-sans-cesse" de Kimura Bin. En même temps que je donne du sens à ce que je vis, ce que j’éprouve, je me donne du sens, je me définis sans cesse comme le sujet de cette situation là ; ainsi, je m’apporte moi-même en me portant à soi, vers soi, car le soi n’est pas moi. Moi est la partie connue, que j’ai connue et reconnue, et soi est vers où je vais : c’est l’inconnu de moi (cf. idem et ipsé de Ricœur). Dans l’expression "être soi", soi n’est pas un qualificatif, il n’est pas quelque chose qui qualifie, il n’est pas un attribut ni un apport de sens, un incident externe à un support donné. Il est ouverture pour mes possibilités de devenir moi, il est tension vers moi. " To Phainomenon" le phénomène, c’est venir à l’apparaître. En même temps que quelque chose apparaît, j’apparais aussi –je me prends en vue en même temps que je prend en vue le monde. En ce sens, je ne suis pas dans l’intersubjectif, le "Je-Tu" de Buber. Le modèle bubérien de "Je-Tu" est l’Entre conçu comme ce qui est entre deux endroits constitués, ce qui nous amène dans un paradigme de l’individu ; à contrario, pour nous, l’Entre est l’espace du surgissement, de la venue à l’apparaître, de la différenciation moi/non moi. Tisser une signification, c’est in-former, donner forme, une forme de moi-au-monde. Pendant longtemps on a pensé que la perception était une façon de voir un monde préconstitué. En cela, la perception était source d’erreur, trompeuse. Pour Husserl, la perception est une a-présentation, c’est une venue à la présence, un apparaître : ce n’est pas quelque chose qui est et que je me représente, c’est "Ca apparaît dans le mouvement où j’apparais" (cf. le livre de Robine – « S’apparaître à l’occasion d’un autre » éditeur l’exprimerie, Bordeaux.) A chaque fois, j’ai à donner du sens à toutes les situations que je vis ; sauf que dans l’attitude naturelle, qui est l’attitude quotidienne, ça va de soi qu’il y a un monde, je n’ai pas conscience que je le construis, que je lui donne forme (Gestalt), c’est apaisant et du coup je suis occupé par ce que je fais et pas d’être. Dans nos cabinets, nous avons une tendance à « faire pour », à nous substituer au pouvoir de constitution de notre patient par exemple en lui donnant un conseil ; il s’agit donc pour nous de sortir de ce faire pour être auprès de : ouvrir la question qui je suis maintenant et ensuite et non pas ce que je fait. Quand je raconte, je suis centré sur le faire, sur quelque chose qui va de soi. Reposer le qui, c’est reposer le comment je me construis à cette occasion. Le qui renvoi toujours à l’éprouvé du moment : comment nous existons l’un à l’occasion de l’autre, quelle forme nous tissons. Les patients et nous même, sommes souvent occupés du contenu de nos propos et c’est à nous de leur apprendre à reconduire le "qui". Cet apprentissage s’appuie sur une conception de la pathologie qui est vue comme une privation de liberté et non pas comme un comportement anormal. Si je considère que la pathologie est une restriction de mes possibilités d’exister et qu’exister c’est in-former (Gestaltung), je passe de la situation du subir à la situation du comment j’invente ça, comment je le et me choisis. En tant que thérapeute, c’est un peu comme si on passait d’un "le patient me fait ça" à un "comment je me le laisse faire ça" et ainsi je peux bouger cela. Je ne subis plus si je vois par où je choisis de me laisser fléchir dans ce sens là avec mon patient : prendre le temps de l’éprouvé, qu’est ce que je sens de la situation – Maldiney dit "ouvrir le rien ».

(Page 306) Il n’y a rien de méta-physique, rien qui soit posé par delà la physis comme une effectivité relevant d’un arrière-monde. Physis, en grec, c’est ce qui surgit, le jacent-au-fond. (Physis aime se montrer cachée –belle phrase en grec !). Rien de métaphysique : rien au-dessus ou au-delà de (la physique) ce qui jaillit, vient à l’apparaître. La position métaphysique est de répondre à la question "qui est l’être ?", à lui donner une forme et par là en faire un étant. Pour Maldiney, il n’y a rien qui est posé par delà ce qui surgit. Il y a, c’est tout ; il y a et il m’appartient d’y être en l’ek-sistant, en me donnant forme au monde. Donc, il n’y a rien à rechercher au-delà de ce qui jaillit et rien qui soit posé par delà ce qui jaillit comme une effectivité hors de son apparaître à mon occasion, il n’y a rien qui soit posé comme quelque chose d’effectif à part ce jaillissement, ce mouvement. Il n’y a rien d’effectif qui aurait une consistance figée.

Rien de méta-physique : il n’y a pas de caché derrière à révéler, de vérité par delà notre perception comprise alors comme trompeuse. Ceci nous amène à situer la psychanalyse dans une logique métaphysique : en psychanalyse il s’agit d’interpréter le contenu manifeste pour en révéler le contenu latent puisqu’en psychanalyse, le seul sujet, c’est celui de l’inconscient. Le psychanalyste est le passeur qui interprète l’inconscient et qui va révéler la vérité du sujet. Il va le faire venir à l’apparaître -mais pas dans le surgir- il révèle ce qui était caché, refoulé et déguisé par la censure (cf. les deux topiques). Il va interpréter le contenu manifeste pour révéler le contenu latent. C’est la fameuse base Signifiant/Signifié de De Saussure que reprendra Lacan. Pour Maldiney, il n’y a rien qui serait au-delà de ce qui est là, il n’y a rien qui aurait une effectivité qui relèverait d’un arrière monde.

(Page 306) Car justement il ne s’agit pas d’effectivité, ni de nécessité, mais de possibilité, à prendre au sérieux dans le sens de Kierkegaard.

Kierkegaard a dit "la possibilité est la plus lourde des catégories". Les catégories auxquelles réfère Kierkegaard sont celles du jugement. La nécessité, la possibilité, l’effectivité sont trois modes de jugement. Pour Kierkegaard, la possibilité est la plus lourde parce que ça n’arrête pas : c’est de l’ordre du possible. On retrouve ça chez Heidegger "être tendu vers ses possibles", chez Maldiney il est question de "transpossible" c’est à dire endurer la possibilisation de soi au-delà de toute possibilité imaginable, au-delà de tout ce que je peux anticiper. C’est cela que Heidegger signifie comme être-vers-sa-mort : ma mort à venir est ma possibilité la plus insigne, celle dont je ne peux anticiper aucune forme. Donner du sens à la possibilité, c’est tenir la crise, c’est se tenir dans l’ouvert de ses possibles au-delà de tout ce que je peux imaginer, tout ce qui serait de l’ordre du déploiement du self en mode personnalité. Il s’agit d’endurer ma passibilité foncière en abîme au regard de tout ce que je sais déjà, pour qu’il y ait de la nouveauté qui s’ouvre. Tenir la possibilisation de soi, c’est au-delà de tout ce que je sais, tout ce que je pourrais définir. C’est souvent très angoissant. Si je prends la théorie du self, ce moment qui ouvre la possibilité serait celui qui solliciterait un déploiement du self en mode ego. Celui ci survient quand j’ai accueilli suffisamment ma présence corporelle, ma façon d’être affecté (d’avoir et être ce corps là). Du point de vue de la prise en forme : le self se déploie en modes ça et personnalité alternativement afin de, peu à peu, donner forme au « il y a ». Le il y a, indiquant que je suis toujours déjà au monde, s’informe alors peu à peu en situation. Le déploiement du self en mode ego est le surgissement d’une constitution de sens au delà de celui que je connais déjà. Le "au-delà" est un au-delà de ce qui est connu. Si nous essayons de comprendre cela du point de vue de la Gestaltung ou de l’élaboration d’une forme ajustée : je vais rester le plus possible au niveau de l’affect (déploiement du self en mode ça et articulation en mode personnalité) pour prendre le temps de le déplier et de ne pas trop vite le nommer en émotion (pas trop vite projeter une signification). Par exemple, le "je suis triste" comme seule expression de l’émotion évoqué en parlant d’un patient : alors que si je tiens la possibilisation, cela peut ouvrir sur "je me ratatine" ou "je me sens noué au niveau de la poitrine", etc. et éventuellement cela pourrait alors conduire à une autre signification ajustée par exemple :"je suis en colère". Souvent quand quelqu’un dit "j’ai une émotion", nous la prenons comme si c’était effectif. Nous ne nous étonnons pas : comment cette émotion se manifeste corporellement, quelles sensations me deviennent présentes ? Prenons le temps de découvrir cela ensemble … Apprendre à me surprendre de tout ce que je sais, de tout ce que je nomme et qui semble aller de soi (j’oublie alors que l’existence est mienne et que l’autre est radicalement autre pour moi ; je le comprends comme s’il était comme moi). La possibilité chez Kierkegaard est au-delà de tout ce que je nomme. C’est pour cela que Heidegger parle de "l’être-vers-la-mort", car la mort est une idée que je peux nommer mais dont je n’ai aucune expérience et dont je n’ai aucun accès pour dire ce que c’est, ni comment je l’éprouve… puisque le seul moyen de l’exister, c’est justement de ne plus y être. C’est donc la possibilité de ma propre impossibilité, c’est une possibilité au-delà de tout ce que je peux imaginer et en cela une nouveauté radicale. Heidegger n’est pas morbide quand il parle de "l’être-vers-la-mort". La mort est cette possibilité qui stoppe le bavardage qui caractérise notre mode de séjourner quotidien.

Ce passage nous a conduit à évoquer la nouveauté et la manière dont une Gestalt se tisse : l’idéal de la page blanche qu’évoquent PHG lorsqu’ils développent leur entente de la « fonction personnalité du self » et qui signifie une absence de pré-compréhension, d’orientation nous semble problématique . Il nous semble que nous avons toujours recours à un certain déploiement du self en mode personnalité pour nous appuyer suffisamment sur des choses connues et déjà reconnues. Le déploiement du self en mode personnalité est ce qui me permet d’ouvrir un paysage : ça ressemble à ça, ça a telle forme. Sinon je suis dans l’étrangeté radicale, c’est le monde de certains « psychotiques ». L’accueil de la nouveauté ne serait-il pas cette capacité de se déprendre de ses esquisses signifiantes projetées, de sans cesse revenir au déploiement du self ouvrant une prise en forme de la situation ? Juste accepter que sans cesse j’exerce une possibilité, une parmi d’autres….et cela nous semble rejoindre la posture phénoménologique et une certaine façon d’entendre la réduction phénoménologique de Husserl : non pas se déprendre de toute « inférence signifiante » mais en assumer la pleine responsabilité…

(Page 306) Exister en tant que soi c’est être sa propre possibilité,… Exister, ça ne veut pas dire que je le suis concrètement, sinon quand je le suis je vais dire "moi" ou "je", "je suis", "je suis triste", "je suis cela", je me définis, je deviens une effectivité, je me cristallise. Je nomme alors une modalité d’être, un état particulier : je suis ainsi. Exister c’est être tendu vers ….ma possibilité à venir. Tout comme l’adage de la Gestalt-thérapie : ici, maintenant et ensuite….l’accent ici concerne le ensuite…paradoxalement souvent omis !

(Page 306) …sans que jamais elle cristallise en état de fait, … On remet en abîme, on remet, on remet….

(Page 306) …c’est se tenir en possibilité ouverte dans sa propre mise en œuvre. Comment cela nous invite à comprendre la théorie du self : Ce qui est important, fondamental, en Gestalt-thérapie, ce n’est pas la signification que je donne –je ne m’arrête pas sur "je suis triste"- c’est qu’à l’occasion de cette signification s’ajustant( déploiement du self en ses divers modes) un je existe , la Gestaltung traduit l’acte par lequel je me pose, l’instant où je pose quelque chose et où je m’ouvre –me rends alors disponible- pour la possibilité suivante. Quand je dis "je suis triste" c’est déjà refermé et c’est à reconduire ; c’est ce que dit Maldiney, c’est se tenir en possibilité ouverte dans sa propre mise en œuvre. C’est ce que dit aussi J.M. Robine quand il dit "donner de l’importance au verbe d’état et pas au verbe d’action" dans la théorie du self. A l’occasion du verbe, c’est ma présence que je mets en acte. L’acte, c’est la forme de ma venue en présence, qui est toujours à reconduire puisque aussitôt tendu vers son ensuite (next), c’est pour ça que le temps est ici de l’ordre de l’instant ; l’instant, on ne peut pas le saisir. C’est un mouvement sans fond pré établi, sans Vérité. Le fondement se crée sans cesse. Le fond serait un méta, un au-delà ou un arrière-plan. Quand je marche, je suis à peu près sûr (une foi et non une vérité apodictique) que le sol advient …et il advient en tant que sol lorsque mon pied se pose dessus (et par là le con-siste comme sol-sur-lequel-je-me-pose). Pourtant, j’ai peur quand je marche sur un fil, j’ai peur car j’imagine… La frontière est fluctuante et ça dit bien comment je me construis des histoires. Dans l’attitude naturelle, je sais que le soleil sera là demain, je n’éprouve pas ce que c’est que la nuit hors de son rapport au jour. Nous pouvons entendre cette phrase de Maldiney comme : passer de l’attitude naturelle à l’attitude de constitution de signification. C’est ce que nous faisons en Gestalt-thérapie et qui rejoint la posture phénoménologique.

(Page 306) Et c’est là la véritable et la seule justification de la définition aristotélicienne du mouvement. Cf. le self, compris comme un processus et les principes du champ (contemporanéité, processus changeant…) : Je ne séjourne pas dans le temps, le temps s’ouvre sans cesse par ma présence toujours reconduite.

(Page 306) Tenir l’être, non la pose : acte constitutif de la présence. Tenir l’être c’est « tenir » le mouvement, ce qui est antagoniste à la pose. Et se mouvoir, c’est s’éprouver tout en éprouvant….

(Page 306) Ne pas tenir la pose signifie, pour la présence, ne pas s’ajuster à ce qu’elle serait devenue une fois pour toutes. On ne s’ajuste pas à une pose, on est dans le mouvement le devenir ; si on fige le mouvement, on va devoir s’ajuster à quelque chose. Cf. l’ajustage en mécanique de précision : la pièce s’adapte pile-poil à l’autre à force de polissage. Je suis juste ça et je m’arrête. "Ne pas s’ajuster à ce qu’elle serait devenue une fois pour toutes" peut être resituer en Gestalt-Thérapie avec le concept d’ajustement créateur, puisque ce n’est pas un ajustement mécanique mais un ajustement créateur de moi et l’autre, ajustement créateur de sens, d’une forme de ma présence à. "Je serais devenue" sonne comme s’il y avait un passé derrière moi, un futur devant moi et que le passé est un stock qui a eu lieu. Alors que le passé et le présent authentique, au sens de Heidegger, de l’entrée en présence, est que, dans l’instant, je suis en tant que j’ai à être l’être été que je reconduis. Le passé authentique chez Heidegger, c’est "être été" et non pas "avoir été" : j’ai été violoncelliste, c’est j’être été violoncelliste. Ca veux dire que dans l’instant, je ré-ouvre ça comme une forme de ma présence, parce que c’est dans l’instant de la présence que je parle d’ailleurs. Quand un patient me parle d’ailleurs ou d’un souvenir, ce n’est pas un souvenir qui a eu lieu ailleurs, il me parle de ce qu’il vit là que je vais reconduire à sa présence. "Serait devenue" est posé comme un conditionnel car ce n’est pas de l’ordre du figé… Bibliothèque : Gogol, Journal d’un fou ; Tolstoï, Sonate de Kreutzer.

(Page 306) Elle –la présence- tient l’être "extatiquement" en existant le là. Extatiquement : temporalité chronologique ou extatique. Les extases sont de l’ordre de l’instant, c’est le temps de l’ordre du Kaïros. Il ne s’agit pas ici de concevoir le temps dans l’ordre de la durée mais dans l’ordre du surgissement. Une extase, c’est hors de quelque chose qui fige, hors d’une stase : ek-stase. Ca tient l’être extatiquement, toujours hors de ce que je nomme, toujours à être, en existant le là qui est le lieu tenant de l’être, qui a rapport à l’être qu’il n’est pas. Le là est différent du ici. Le là ouvre, l’ici donne des repères géographiques, dans le quotidien… "La présence tient l’être extatiquement" c’est à dire toujours hors de ce qui est nommé, toujours ailleurs, en avant. Si je séjourne dans le langage et si le langage c’est la traversé de l’être pour l’humain, ça veut dire que les mots que j’utilise me figent toujours et qu’ils sont toujours à reconduire, je n’arrête pas de dire, de redire…, de chercher le mot qui dirait une fois pour toutes (et qui n’existe pas.). Je ne peux pas dire le tout de mon à-être.

(Page 306-307) Non seulement dans le comprendre mais partout l’ouverture du là est une "guise" ou façon de pouvoir-être de l’être-là. "Etre-là", c’est avoir à être, ce n’est pas ce que je suis, c’est être tendu vers soi. "Le comprendre" chez Heidegger est un truc très particulier qui n’est pas de l’ordre de la rationalité mais plutôt du sens littéral d’être pris avec ; ça correspondrait au "passible", ce que j’endure : être pris dans la situation en tant que je suis ce corps là. Une façon d’être ouvert au monde, toujours intoné, affecté. En gestalt-thérapie, ça serait le passage awareness/consciousness, je suis ouvert/éveillé à avant même de pouvoir nommer, dans le fait que j’ai toujours une certaine façon de comprendre le monde, d’y être toujours déjà com-pris, pris avec (je suis toujours déjà né…). Ce qui ne veut pas dire que j’en ai conscience, que je lui donne du sens consciemment, délibérément. Comprendre, c’est être affecté, être intoné, c’est « être passible de » chez Maldiney. C’est « être aware » en Gestalt-thérapie. J’ai une façon de pré-comprendre, d’être déjà en direction de sens à même ma corporéité. "L’ouverture du là" : le fait d’ouvrir le là. L’accueil du « il y a » par où s’informe peu à peu ma situation est une façon (une guise) de pouvoir être de l’être-là, puisque l’être est de l’ordre de la possibilité et que je m’y rapporte : je suis toujours déjà ouvert vers mes possibles. Du point de vue du self, la prise en forme s’articule à même le il y a (déploiement en mode ça co-tendu en mode personnalité pour peu à peu esquisser la situation en tant que forme en voie d’elle-même).

(Page 307) C’est le même d’être l’ouvreur d’un projet de monde et d’être à soi : d’un monde sous l’horizon duquel la présence transcende tout l’étant, d’un soi dont le "à-être" est ce à dessein de quoi elle ex-iste. C’est un équivalent de dire "être l’ouvreur d’un projet de monde" et "être à soi", parce que les deux se constituent en même temps (c’est ça le sens du entre : une in-formation survenante, différentiante). Il n’y a pas un individu qui va aller vers le monde : il y a surgissement à la frontière contact. Ce procès augure la différentiation moi/monde. Ouvrir un projet de monde, c’est aussi être à soi. Il n’y a pas de dualisme moi/monde, si on est à soi alors on est au monde. Je suis toujours au monde existential et à soi, tendu vers. "d’un monde sous l’horizon duquel la présence transcende tout l’étant" : je suis toujours tendu vers une nouvelle possibilité. "Transcende" : ma présence va au-delà de ce que je suis de ce qui s’éclaire dans le mouvement de ma prise en conscience . Quand je dis "je suis triste", j’actualise une possibilité de me comprendre : je dis que je suis ainsi (je suis cet étant là, triste), je me définis. Ouvrir un monde, c’est être toujours sous l’horizon d’une présence qui va au-delà de ce que je dis et mets en forme. Maldiney insiste pour dire être soi, ce n’est pas être refermé sur soi, mais, bien au contraire. Être à soi, c’est égal à être ouvreur d’un projet de monde. Ce n’est pas regarder son nombril mais s’ouvrir aux possibles. C’est ne pas seulement dire ce que je suis, mais continuer encore ; ce qui est intéressant, c’est l’acte de mon entrée en présence : nommer sans cesse qui je deviens…

"d’un soi dont le à-être est ce à dessein de quoi elle (la présence) ex-iste" : le soi, c’est l’horizon, ce qui s’ouvre toujours plus loin, qui attire mon regard. Cela rejoint une façon de comprendre la temporalité, c’est comment je deviens encore. Le soi, c’est l’horizon du moi effectif que je nomme en tant que je suis toujours à dessein de mon à être, en vue de cela. Dessein comme projet, comme ouverture ; être ouvert, c’est être à dessein de, tendu vers l’a-venir. C’est l’a-venir qui articule les ek-stases temporelles : je suis maintenant tendu vers mon à être en tant que je suis été ; cela simultanément. C’est en cela que la Gestaltung est un acte : à la fois, se comporter et signifier ma façon d’habiter. Une autre façon de dire "la présence transcende tout l’étant" est de dire : ce que j’ai à être, ça va au-delà, ça emmène toujours plus loin que ce que je suis, que ce que je vais dire, nommer. Parce que quand je me nomme, je dis "je suis cet étant là", mais ça se reconduit, il faut que je parle encore pour que je devienne celui qui parle. C’est le encore, le next, le ensuite qui est toujours s’ouvrant. On va au-delà de ce qui est nommé pour toujours reconduire l’acte de l’entrée en présence. Quand je nomme, je me fige au sens où la forme dite est déjà passée, qu’il faut en conscience la reconduire vers son a-venir.

(Page 307) Elle (la présence), elle seule peut avoir sens ou non sens selon qu’elle (la présence) se déploie ou ne se déploie pas dans le sens de cette ouverture (de se reconduire sans cesse) dont toutes ses fermetures témoignent. Toutes les fermetures de la présence témoignent du sens de cette ouverture, voilà qui est fondamental en psychopathologie. Exemple : en séance, je vais dire à mon patient "pourquoi vous ne me regardez pas ?" ou "je réalise que vous ne me regardez pas" ; quand je dis cela, je lui suggère qu’il devrait me regarder, je lui sous-entend que sa façon d’être n’est pas « comme il faudrait selon mon point de vue »… Alors que je peux dire "je vois que quand vous me parlez, vous regardez le mur". Je vais soutenir sa façon d’être par où elle m’advient. Avec le DSM IV, je réduis la présence à un ensemble de critères statistiques somme toute flous (loin d’une sémiologie), je ne la reconduis pas comme ouvrant une manière d’exister, un vécu. Je réduis ma rencontre avec l’autre à des signes généralisés. Je réduis la rencontre à des signes qui veulent dire des choses que je connais et qui ne prennent pas en vue ce qui nous est commun, à savoir que nous avons à exister l’un à l’autre. Ce que nous pouvons interpréter comme fermetures, témoignent de l’ouverture (physis aime à se montrer cachée) : il s’agit toujours d’une manifestation, d’une forme de présence qui se dévoile au cours de rencontre ! Exemple : quelqu’un qui dit "t’approche pas", soit j’entends qu’il ne veut pas que je m’approche de lui et je vais éventuellement sous-entendre "c’est dommage, on ne peut pas se rencontrer", soit j’entends que la façon dont lui peut me rencontrer, c’est en m’éloignant. Je vais ouvrir l’endroit où il ouvre quelque chose de la rencontre –"j’imagine que si je me tiens un peu loin de vous, nous pourrons nous rencontrer". Tenir ce qui ouvre plutôt que de l’interpréter comme une fermeture ou une résistance pour employer le langage psy.. Soutenir la façon d’exister de l’autre, c’est regarder tout ce que l’autre me dit non pas comme une défaillance ou un défaut de la présence (il peut pas être autrement, il met toujours en œuvre une modalité d’exister à) mais comme une façon de pouvoir encore entrer en présence, une façon d’exister. En tant que thérapeute je vais voir là où il peut être et l’aider à élargir à partir d’où il peut et non pas vouloir qu’il soit ailleurs où il ne peut pas et, plus justement, ailleurs là où je l’attendrai moi en projetant mes représentations, le plus souvent, à mon insu. Je vais regarder toute rencontre par où elle ouvre des possibilités nouvelles ; certes, la pathologie est une restriction des possibles, mais c’est aussi une manière d’être possible puisque l’ouverture est toujours en rapport avec la possibilité. C’est à moi de savoir accueillir là où il peut et de lui permettre de pouvoir un peu plus, ou autrement. C’est pour ça qu’on ne parle pas de mécanisme de résistance ou de défense mais de flexion, de modalité de soutenir le processus de construction des significations qui manifeste la présence existante. Si je dis "il se défend", c’est péjoratif ; si je dis "il se soutient", ça change tout dans ma manière de regarder, de l’accueillir. En littérature gestaltiste, il est possible de remplacer le mot résistance par modalité de soutien : une rétroflexion est une modalité de soutien – c’est une manière de soutenir mon existence.

(Page 307) Le sens de l’être s’ouvre là où l’être est en jeu, c’est à dire en elle, dans cette façon d’être, à elle absolument propre, qui consiste à ouvrir sa propre possibilité. "Elle", c’est toujours la présence. Maldiney déroule sa pensée selon le principe du cercle herméneutique – qui est la base de l’interprétation des textes sacrés. L’être est en jeu puisqu’il n’est pas figé. Le sens de l’être, qui est toujours à être, reconduit comme sens à inventer ou comme direction, comme temporalité. Le sens de l’être, en terme de direction à-venir toujours sans cesse, s’ouvre là où il est question de l’être, c’est à dire, dans la présence elle-même. Il s’ouvre donc dans ce moment où il est en jeu (en mouvement), c’est à dire, dans la présence même puisque c’est là où il est question de l’être, dans l’entrée en présence. Etre en avant de soi, cette façon d’être qui est absolument propre à chaque entrée en présence ; cette façon d’être qui consiste à ouvrir sa propre possibilité. A devenir soi-même en tant que moi situé et temporalisé. Quand je nomme, le possible devient ce à quoi je m’identifie – théorie du self : je m’identifie à. C’est la phase de mise en contact, s’identifier à et s’aliéner à une possibilité de sens jusqu’au moment où s’articule harmonieusement ce que je suis, ce que je sens, la situation telle qu’elle s’in-forme alors. L’entrée en présence n’est pas le fait que je vais nommer quelque chose. Ce qui est thérapeutique, ce n’est pas de tisser l’histoire –c’est juste soutenant- non, ce qui est thérapeutique, c’est l’acte par lequel en donnant signification, je me fais exister, j’actualise ma présence : m’identifier à/ m’aliéner à. Ce mouvement, c’est l’expérimentation. Nous ne cherchons pas un sens, c’est pour ça que nous ne visons pas à interpréter mais bien à reconduire l’expérimentation (situation d’urgence de haute intensité).

(Page 307) Etre à dessein de soi, être au monde s’articulent intérieurement l’un à l’autre, en chiasme, dans une seule et même transcendance. C’est le Yin-Yang, à la fois, je suis à dessein de moi, à la fois, je suis au monde. Je trouve que le corps est typiquement le lieu qui est à la fois moi et le monde, puisque le corps est quelque chose que je traîne partout, qui ne me lâche pas et qui n’est quand même pas moi ; qui est ce corps là que j’existe, c’est un chiasme (figure de rhétorique formée d’un croisement des termes). Quand je nomme une chose, en même temps, je viens l’apparaître. Je parle, je me fais exister et je dis quelque chose. C’est la même transcendance, il n’y a pas moi et après ce que je nomme –le monde-, c’est en même temps, ça surgit, ça survient. C’est typiquement la notion de frontière contact.

(Page 307) Si celle-ci est en défaut, les deux défaillent ensemble. S’il y a une défaillance de l’entrée en présence, moi ou plutôt la conscience que j’ai de moi (d’un point de vue psychologique) et la conscience que j’ai du monde, s’effondrent. En attitude naturelle, si la présence est en défaut, je ne peux plus dire qui je suis et je ne peux plus dire où je suis, dans quoi je suis. Je ne sais plus m’orienter, m’habiller, je ne sais plus, je suis perdu. Je suis dans l’étrangeté – cf. les pathologies de type psychotique.

(Page 307) Ainsi en va-t-il dans la schizophrénie. On rejoint ce que Binswanger appelle "l’effondrement de conjointure". Le fait que les choses fassent du sens, se relient entre elles et que ça va de soi. Je prends le crayon, je m’en sers comme d’un crayon et puis si l’envie m’en prend, je remue mon café avec. Ca va de soi, je ne me dis pas "tient je détourne la fonction du crayon", il devient un truc pour remuer. C’est la situation (par où je suis toujours) qui fait l’usage de l’objet. Quand ça s’effondre, je suis suspendu, je ne peux plus dire qui je suis, ni parler, ni me situer. Freud parle de l’inquiétante étrangeté. C’est l’angoisse de morcellement psychotique, l’impossibilité de m’orienter, de me re-sentir et par là, de me rapporter au monde puisqu’il est le lieu de mon séjour.